WEB - GOOGLE - ACTUALITÉ > Société
Otages français tués au Niger : un membre d'Aqmi témoigne
Publié le 06/01/2012 à 15:12Vincent Delory et Antoine de Léocour, tués au Niger en janvier 2011.
Un an après la mort de Vincent Delory et Antoine de Léocour, la justice française dispose du témoignage d'un terroriste ayant eu connaissance du déroulement de l'enlèvement.
C'est un témoignage qui corrobore les soupçons des familles des deux victimes. Un combattant mauritanien d'Aqmi (al-Qaida au Maghreb islamique) a livré, le 30 novembre dernier dans une prison à Nouakchott, son témoignage à la justice française sur le déroulement de l'enlèvement suivi de la mort des deux otages au Niger, Antoine de Léocour et Vincent Delory, en janvier 2011.
Libération publie dans son édition de vendredi les procès-verbaux d'audition du terroriste. Mohamed al-Amine ould Mohamedou ould M'Balle, alias Mouawiya, 22 ans, a été interrogé dans la capitale mauritanienne, où il est détenu depuis février 2011 suite à une tentative d'attaque contre l'ambassade de France, par le juge anti-terroriste français Yves Jannier.
Le 7 janvier 2011, les deux jeunes nordistes, sont enlevés dans un restaurant de Niamey. L'armée française lance alors l'opération «Archange foudroyant» pour intercepter les preneurs d'otages. C'est un échec: les deux Français sont retrouvés morts.
À la justice, le combattant d'Aqmi donne des détails sur les circonstances de la mort des deux Français. Absent lors des combats mais membre de la même brigade que les ravisseurs, il recueille, quelques heures après l'opération, le témoignage de ses frères d'armes. Selon lui, Vincent Delory a péri brûlé dans le 4x4 dans lequel il était prisonnier, qui transportait de l'essence, à la suite des tirs qui l'ont touché. Les membres du commando de ravisseurs ont assuré après l'opération n'avoir pas exécuté ce deuxième otage. La famille de Vincent Delory accuse les forces françaises d'avoir ouvert le feu sur le véhicule dans lequel il se trouvait, provoquant sa mort.
Des éléments cohérents avec ce que savaient déjà les famillesSon corps, touché par des balles, avait effectivement été retrouvé brûlé. «Même si c'est un témoignage d'un terroriste qui explique la façon dont le drame s'est noué, cela nous paraît totalement cohérent avec les éléments que nous avons recueillis jusqu'ici», confie Annabelle Delory, la sœur du jeune français venu alors au Niger pour célébrer le mariage de son ami Antoine.
Ce dernier, selon le combattant d'Aqmi, aurait été abattu par un des ravisseurs lors de l'opération armée. Il «n'avait plus la force de suivre Fayçal al-Jazaïri (l'un des jihadistes, ndlr) dans sa marche, explique Mouawiya, toujours cité par
Libération. Le motif qui a poussé Fayçal à abattre l'otage revient probablement au fait que, s'étant trouvé sous la pression des coups de feu, il a choisi de se débarrasser de l'otage».
Informée de l'identification du meurtrier présumé de leur fils, la famille d'Antoine de Léocour espère désormais que ce dernier est encore en vie et qu'il sera appréhendé. «Leur espoir, c'est qu'il rende des comptes dans un box devant la justice», précise leur avocat, Me Antoine Casubolo.
La priorité, un message de fermeté à l'égard des preneurs d'otagesPour l'Association française des victimes du terrorisme (Afvt), l'affaire du Niger marque un tournant dans la gestion des prises d'otages français. «Jusqu'ici, la priorité c'était la vie des otages, relève Guillaume Denoix de Saint-Marc, le directeur général de l'association. Est-ce que l'on assiste à un changement durable? Qui a pris la décision d'attaquer? C'est important pour les Français de l'étranger de savoir. C'est une prise de position forte qui doit être assumée jusqu'au bout». Et l'association de s'inquiéter d'une possible différenciation dans la gestion de ces situations de crise - selon que l'on soit membre d'un grand groupe ou d'une petite ONG.
La vérité sur les conditions dans lesquelles a été décidée l'intervention sont donc désormais très attendues par les familles des deux défunts otages du Niger. «Nous ne réclamons pas grand chose. Juste que l'on reconnaisse qu'une décision a été prise sur des motifs politiques, au détriment de la vie de notre frère, précise encore Annabelle Delory. La priorité, c'était un message de fermeté à l'égard des preneurs d'otages».
C'est pour connaître les raisons qui ont poussé à l'intervention militaire et pour «savoir s'il on a bien mesuré les risques» que Me Antoine Casubolo a demandé la création d'une enquête parlementaire sur la prise d'otages. Il n'a pas pour l'instant pas été entendu.