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L'avenir d'Internet se négocie à Dubaï
Mis à jour le 03/12/2012 à 15:52 | publié le 03/12/2012 à 10:07
Le sommet des télécoms dure du 3 au 14 décembre.
Une agence de l'ONU prépare un nouveau traité international des télécoms. Au cœur des débats, le contrôle d'Internet et les relations entre opérateurs et géants du Web.
Un texte poussiéreux de 1988, rédigé par la plus ancienne agence des Nations unies, met le monde d'Internet et des télécoms en émoi. Lundi, les délégations des 193 pays membres de l'Union internationale des télécoms (UIT) se retrouvent à Dubaï. Elles ont douze jours pour s'entendre sur une nouvelle version du Règlement des télécommunications internationales, le RTI.
Ce traité d'une centaine de pages établissait des grands principes de coopération entre les anciens monopoles d'État des télécoms. L'ouverture à la concurrence dans les années 1990 et le développement d'Internet l'ont rendu largement obsolète.
La préparation du sommet de Dubaï a donné lieu à de vives campagnes de lobbying. Chacun, impliqué de près ou de loin dans les discussions, y est allé de sa proposition. Les opérateurs historiques en Europe, réunis au sein de l'association Etno, y ont vu une chance de rééquilibrer leurs relations économiques avec les géants du Net américains. Ils ont suggéré de pouvoir les faire payer pour acheminer auprès de leurs abonnés des contenus, par exemple des vidéos YouTube, avec une qualité de service garantie. Ces échanges sont le plus souvent gratuits aujourd'hui.
L'autre versant des débats a touché à des questions géopolitiques. Des pays voudraient ajouter dans le traité une section consacrée à Internet, notamment pour renforcer la lutte contre la cybercriminalité. «Les États-membres ont des droits égaux pour gérer Internet», a ainsi écrit la Russie, dans un projet d'amendement soutenu par les pays arabes et l'Inde et révélé par le site WCITLeaks. En ligne de mire, les États-Unis, qui gardent le contrôle des infrastructures clés du réseau, notamment le système des noms de domaine.
Menace pour les libertésToutes ces propositions - on en dénombre plus de 1300! - ont contribué à entourer le sommet de Dubaï d'un climat de défiance. Google et la fondation Mozilla, qui développe le logiciel Firefox, ont appelé les internautes à se mobiliser contre un nouveau traité qui risqueraient de porter atteinte à la liberté d'expression sur le Web. Une vidéo, préparée par des défenseurs des libertés, a dénoncé ce sommet «organisé à huis clos». «Il faut minimiser les risques d'un traité qui en dit plus qu'il en faut», expliquait au
Figaro Frédéric Donck, responsable en Europe de l'association Internet Society.
Le scénario apocalyptique est néanmoins improbable, par la configuration même de cette conférence des télécoms. «Quand Google dit que le sommet remet en cause la liberté sur Internet, c'est une belle opération marketing», affirme Pierre Bonis, ancien membre d'une délégation française à l'UIT et directeur général adjoint de l'Afnic (l'association française gestionnaire du .fr, qui a participé à une consultation publique sur le sujet). «Ce qui est sûr, c'est qu'on ne se retrouvera pas avec un Internet iranien», qui n'a pas attendu ce traité pour se couper du reste du monde, ajoute-t-il.
Les propositions les plus contestées ne recueillent en effet qu'un soutien partiel parmi les 193 États membres, seuls à avoir une voix durant le sommet international. Durant ces douze jours, la France et l'Europe plaideront par exemple pour conserver un traité général, qui laissera toujours à la discrétion de chaque pays les sujets de cybersécurité et de coopération avec les géants du Net, comme elles l'ont indiqué dans des documents préliminaires. Les États-Unis, dont la délégation est composée d'environ 125 personnes, dont des représentants de sociétés privées, appuieront aussi pour un statu quo.
Les débats de cet organe de l'ONU pourraient donc aboutir à des avancées symboliques autour d'Internet et sur des points techniques, comme la facturation du «roaming», ainsi qu'à des déclarations de principe sur l'aide au développement des télécoms dans les pays du Sud. En cas de désaccord, les délégations pourront toujours se séparer par un vote, mais cette issue constituera un échec. «Nous ne votons jamais, car cela signifie qu'il y a des gagnants et des perdants, ce que nous ne pouvons pas nous permettre», avait expliqué le président de l'UIT, Hamadoun Touré, à la BBC. Un pays opposé au nouveau traité pourra refuser de le signer et de l'appliquer.