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Les rebelles syriens ciblent les avions
Publié le 28/11/2012 à 22:41
Débris calcinés de l'avion de chasse abattu, mercredi, par les rebelles syriens à Daret Ezza, au nord-ouest d'Alep.
Le recours aux missiles sol-air pourrait inverser le cours du conflit en faveur des insurgés.Il s'agit peut-être du tournant tant attendu par les rebelles. En moins de vingt-quatre heures, les insurgés sont parvenus à abattre deux appareils de l'aviation syrienne dans le nord du pays, frontalier de la Turquie, qui échappe en grande partie à l'autorité de Damas. Mercredi matin, un mis­sile a détruit un chasseur-bombardier, qui s'est écrasé à Tourmanin, une localité située à 30 kilomètres au nord-ouest d'Alep. Son pilote a été capturé.
La veille, les rebelles avaient pulvérisé un hélicoptère, pour la première fois avec un missile sol-air. L'appareil bombardait les alentours de la base de Cheikh Souleimane, à 25 kilomètres au nord-ouest d'Alep, site stratégique pour Bachar el-Assad que ses opposants cherchent à conquérir depuis plusieurs jours, pour neutraliser l'armée de l'air dans cette portion du territoire. Plusieurs brigades rebelles - dont l'une à forte connotation islamiste - ont revendiqué sur Internet ce tir de missile victorieux.
En l'espace de dix jours, les insurgés ont, au total, pris le contrôle de cinq bases de l'armée et de l'aviation, entre Idlib, dans l'Ouest, près de la frontière turque, et Deir Ez-Zor, dans l'Est, non loin de la frontière irakienne. La plus importante de ces prises est sans conteste la base 46 - d'où les avions syriens décollaient pour bombarder l'ouest d'Alep. À Cheikh Souleimane, les révolutionnaires ont mis la main sur un précieux butin: une dizaine de tanks, des mortiers lourds, des lance-roquettes et des canons. Au total, des dizaines de missiles auraient été récemment dérobés dans les stocks de l'armée, notamment des missiles Gammon S-200/SA-5, qui sont parmi les plus avancés dont disposent les soldats d'Assad.
L'inquiétude des pilotesSans avoir encore conquis entièrement une ville ou sanctuarisé les «zones libérées», les rebelles ont indiscutablement marqué des points. «S'ils continuent d'abattre des hélicoptères, leurs pilotes n'oseront plus décoller», veut croire un diplomate à Paris. Jusqu'à maintenant, les opposants à Assad souffraient d'un manque criant de missiles antiaériens. Certes, ces derniers mois, plusieurs hélicoptères avaient été abattus par des tirs de mitrailleuses lourdes. Mais, sans missiles sol-air sophistiqués (type Stinger de fabrication américaine ou SA-18 russe), les insurgés n'ont aucune chance d'infléchir le rapport de forces face à une armée bien mieux équipée qu'eux. Depuis le début de l'été, les hélicoptères syriens ont pu infliger de lourdes pertes parmi les rebelles, mais aussi parmi les civils, qui accusaient parfois les insurgés d'être responsables de leurs mi­sères. Et, en conservant ses bases aériennes, l'armée pouvait encore réapprovisionner ses troupes au sol. Avec des missiles sol-air, ces verrous pourraient être beaucoup moins effi­caces. «Ce ne serait pas forcément décisif, nous déclarait récemment un responsable qatarien, mais si, chaque jour ou presque, les combattants parviennent à abattre un hélicoptère, cela va accélérer les défections, surtout celles qui manquent jusqu'à maintenant c'est-à-dire les défections de régiments et d'unités entières.»
Prendre l'aéroport d'AlepDepuis des mois, les responsables qatariens et saoudiens plaident pour que des Stinger soient livrés à la rébellion. Mais jusqu'à présent, les Américains, et à un degré moindre les Turcs, s'y opposent, de peur de voir ces missiles tomber entre les mains de djihadistes ou salafistes, de plus en plus présents dans le nord de la Syrie. En fait, durant l'été, les rebelles - mais on ignore lesquels - ont acquis en contrebande une ving­taine de Manpads (des missiles portables), quelques Stinger et des Cobra de fabrication russe. «Nous les cachons», affirmait la semaine dernière un proche des insurgés de passage à Paris. Toute la question est de savoir si le regain d'activité de ces derniers jours provient des stocks existants ou de nouveaux mis­siles parvenus jusqu'à eux? La première hypothèse semble privilégiée, dans la mesure où les exigences d'unification des rebelles posées par les pays occidentaux, avant qu'ils ne les arment, n'ont pas encore été remplies. Le régime pourrait devoir lâcher le nord de la Syrie d'ici à mi-2013, estiment plusieurs experts indépendants. D'ici là, l'opposition armée devra toutefois s'assurer du contrôle de l'aéroport d'Alep, et lever l'obstacle kurde. Solidement repliés dans leur territoire du Nord-Est, les militants du Parti de l'union démocratique (proche du PKK turc) refusent, en effet, de passer sous l'autorité d'insurgés, arabes dans leur quasi-totalité.