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Nobel de physique : le Français Serge Haroche récompensé
Mis à jour le 09/10/2012 à 18:58 | publié le 09/10/2012 à 12:43
Le Français Serge Haroche.
Le physicien français Serge Haroche et l'Américain David Wineland ont été récompensés par le prix Nobel de physique 2012 pour leurs travaux sur la manipulation de particules quantiques individuelles.Serge Haroche a été pris d'une vive émotion en apprenant de l'académie des sciences suédoise qu'il était le nouveau lauréat du prix Nobel de physique. «Heureusement, j'étais dans la rue, et j'ai pu m'asseoir sur un banc quand j'ai vu l'indicatif 46 de la Suède sur mon téléphone», a raconté le chercheur français (Collège de France et École normale supérieure de Paris) lors d'une interview téléphonique avec les journalistes réunis à Stockholm pour l'annonce des récompenses. Il partage le prix 2012 avec l'Américain David Wineland, de l'Institut national des standards et des technologies (NIST), un pionnier comme lui de mesures très complexes de la mécanique quantique, la physique de l'infiniment petit.
Avant de commenter les découvertes pour lesquelles il a été primé Serge Haroche a voulu remercier ses collègues du laboratoire Kastler Brossel de l'ENS Paris avec qui il travaille depuis de longues années. «Je me félicite d'avoir pu travailler depuis vingt ans avec Jean-Michel Raimond et Michel Brune, c'est très important pour moi d'avoir pu nouer avec eux une amitié à la fois personnelle et professionnelle», avait-il déclaré en 2009 lors de la réception de sa médaille d'or du CNRS.
«Les lauréats du Nobel ont ouvert la voie a une nouvelle ère d'expérimentation de la physique quantique en faisant la démonstration de l'observation des particules quantiques individuelles sans les détruire», précise le comité Nobel. Les deux chercheurs ont eu des approches convergentes sur la manipulation d'objets infiniment petits, mais sans jamais travailler de manière conjointe.
Une nouvelle façon de voir la lumièreLe Français, 68 ans, est récompensé pour ses expériences sur de simples grains de lumière, les photons, alors que l'Américain a pour sa part manipulé des particules de matière, des ions et des atomes, des travaux qui devraient permettre la réalisation d'horloges à ions, 10.000 fois plus précises que les meilleures horloges atomiques au césium actuelles.
Parmi les autres applications possibles des recherches de ces deux physiciens, le comité Nobel a cité les ordinateurs quantiques, qui pour certains problèmes pourraient être bien plus rapides que les systèmes électroniques binaires actuels.
«Nous avons découvert une nouvelle façon de voir la lumière», avait résumé Serge Haroche au Figaro en 2007. Le chercheur et son équipe avaient alors réalisé l'exploit expérimental de piéger quelques photons entre deux miroirs et de mesurer leurs propriétés physiques sans les détruire. Une expérience imaginée - mais considérée comme irréalisable - par Albert Einstein. «On aime comparer le photon au soldat de Marathon, expliquait le chercheur. Il transmet son message, et puis il meurt. Avec notre expérience, il survit!» Cette expérience, qualifiée à l'époque de «chef-d'œuvre expérimental» a été imaginée par Serge Haroche et ses collaborateurs à la fin des années 1980, se souvient Jean-Michel Raimond, son collaborateur depuis 35 ans. «Il nous a fallu 17 ans de travail pour mener l'expérience à bien, et réussir à piéger quelques photons assez longtemps pour les étudier, raconte Jean-Michel Raimond. C'est une réalisation très délicate, car il faut que le système que l'on étudie soit parfaitement isolé des perturbations extérieures.»
30.000 km parcourus en un dixième de secondeLe cœur du dispositif expérimental est ce que les chercheurs appellent une cavité optique: deux petits miroirs courbes, hyper refroidis et éloignés de 3 cm l'un de l'autre. Le but de l'opération étant de piéger quelques photons entre ces miroirs, les faisant rebondir quelques milliards de fois afin d'avoir le temps de mesurer leurs interactions avec des atomes spéciaux utilisés comme des sondes.
Le temps de mise en bouteille de ces grains de lumière réussi par les Français est d'un dixième de seconde, temps pendant lesquels ils parcourent 30.000 km dans la cavité. Après de longues années de mise au point, le succès fut enfin au rendez-vous dans la nuit du 11 au 12 septembre 2006, avec les premières mesures concluantes.
«L'expérience de l'ENS est tellement simple et claire qu'elle pourrait bien devenir une expérience classique de la mécanique quantique, dont on parle dans les livres de cours», avait commenté Ferdinand Schmidt-Kaler, sans se douter qu'elle mènerait aussi au Nobel.
Les deux lauréats se partageront la récompense de huit millions de couronnes suédoises (929.000 euros), un prix qui a perdu 20 % par rapport à l'année dernière en raison de la crise.