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La gauche remplace les sarkozystes aux postes clés
Mis à jour le 03/08/2012 à 23:52 | publié le 03/08/2012 à 23:39
Préfets, policiers, directeurs culturels... Les proches de l'ancien président sont priés de laisser la place.
Un peu moins de cent jours après la prise de fonctions de François Hollande, le nouveau pouvoir place ses hommes. Doucement, mais sûrement. C'est le spoil system américain mis à la mode hexagonale.
Depuis 1981 et la première victoire de la gauche sous la Ve République, chaque alternance voit tomber des têtes et valser des carrières. On a même vu des règlements de comptes intervenir au sein d'une même famille, entre chiraquiens et balla­duriens jadis, et aujourd'hui encore ­entre sarkozystes et chiraquiens.
La nouvelle équipe récompense les siens, qui attendaient dans l'antichambre depuis dix ans, et sanctionne ceux qui ont été trop proches de l'ancien pouvoir. Cette fois, c'est dans la police que l'on a d'abord avalé la pilule amère. Puis, au fil des Conseils des ministres, la liste des préfets déplacés s'est allongée. Les diplomates sont épargnés, mais les milieux culturels et audiovisuels s'inquiètent. Et le gouvernement affirme qu'il n'y aura pas de chasse aux ­sorcières.
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Culture et communication: les portes claquentÉvincé. Renaud Muselier, président du Haut Conseil de l'Institut du monde arabe.
Il avait été nommé en septembre 2011 à l'Institut du Monde arabe. Il devra en partir en novembre 2012. Laurent Fabius a signifié son congé à l'UMP Renaud Muselier. Bien que lieu de culture, l'IMA dépend des Affaires étrangères car il est le fruit d'un partenariat entre la France et les pays arabes. «L'exposition sur
Les Mille et Une Nuits prévue fin novembre n'est pas remise en cause, fait-on savoir à l'IMA, qui n'a «encore aucune idée du successeur». Le magazine
Connaissance des arts évoque les noms d'Aillagon et de Lang.
Du côté de l'Audiovisuel extérieur, Alain de Pouzilhac a été contraint à la démission, le gouvernement n'étant pas favorable au projet de fusion des rédactions de France 24 et de RFI qu'il portait.
Démissionnaire. Alain de Pouzilhac, contraint de quitter l'Audiovisuel extérieur.
Isabelle Lemesle, présidente du Centre des monuments nationaux, a également pris les devants, Aurélie Filippetti n'approuvant pas ses méthodes de gestion. Philippe Bélaval, directeur des patrimoines, la remplace depuis le 1er juillet. Problème: personne n'a encore été nommé à sa place. Le poste a été proposé à Agnès Saal, directrice générale du Centre Pompidou, qui l'a refusé.
Autre direction en vacance: la création artistique. Michel Orier, directeur de la maison de la culture de Grenoble, remplacera Georges-François Hirsch le 5 octobre. Plusieurs autres contrats viennent à échéance dont celui du directeur de l'Opéra de Paris, Nicolas Joel. Les noms de Serge Dormy, de l'Opéra de Lyon, et de Stéphane Lissner, surintendant de la Scala de Milan, circulent. Dans les centres dramatiques et chorégraphiques, Didier Bezace a obtenu une année de prolongation à Aubervilliers. Quant à la nomination d'Olivier Py à la tête du Festival d'Avignon à compter de 2014, elle ne sera pas remise en question a affirmé Filippetti.
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Un froid sur BercyRemplacé. Philippe Parini, directeur général des Finances publiques.
Dans la sphère économique, le premier signal a été celui de la nomination du directeur général de la Caisse des dépôts. Le chef de l'État allait-il nommer l'ancien secrétaire général de l'Élysée, Xavier Musca, comme Nicolas Sarkozy le lui avait demandé en signe de tradition républicaine? Quand le camarade de l'ENA de Hollande, Jean-Pierre Jouyet - dont personne ne conteste la légitimité -, a été désigné quelques semaines plus tard à la tête de l'institution, nombre de hauts fonctionnaires de droite encore en poste l'ont bien compris: aucun cadeau ne leur serait fait.
Deux d'entre eux, à Bercy, en ont déjà fait les frais: le directeur général des Finances publiques, Philippe Parini (60 ans), a été remplacé mercredi en Conseil des ministres par Bruno Bézard. Ce haut fonctionnaire, qui fut notamment conseiller de Lionel Jospin à Matignon, dirigeait depuis deux ans le service économique français à Pékin.
Remplacé. Comolli, commissaire aux participations de l'État.
Quant à l'actuel directeur général de l'Agence des participations de l'État, Jean-Dominique Comolli (64 ans), son départ a aussi été acté. Pourtant, cet ancien patron de la Seita avait auparavant effectué l'essentiel de sa carrière sous la gauche (notamment comme directeur de cabinet de Michel Charasse à Bercy). Mais c'est Nicolas Sarkozy qui l'avait placé à la tête de ce puissant service, avec le titre de commissaire. Et la double tutelle d'Arnaud Montebourg et Pierre Moscovici - deux ministres qui n'ont pas la même vision du rôle de l'État actionnaire - sur l'APE n'a pas facilité sa situation. Il est remplacé par l'ancien bras droit de Guillaume Pepy à la SNCF, David Azéma (52 ans).
La brutalité de ces évictions - Comolli n'a été prévenu de la sienne que la veille -, ajoutée au fait qu'aucun autre poste ne leur a été pour l'instant proposé, a jeté un froid à Bercy…
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Chez les préfets, les anciens policiers paient la noteRemplacé. Patrick Stefanini, préfet de la région Aquitaine.
La valse des préfets a commencé au lendemain de l'arrivée de François Hollande à l'Élysée. Elle dure encore. Le mouvement a touché une trentaine d'entre eux. Une dizaine ont été écartés, mis «hors cadre». Parmi eux, Joël Bouchité, ancien patron des Renseignements généraux, qui avait été nommé préfet dans l'Orne il y a tout juste un an. Ce préfet avait auparavant été conseiller pour la sécurité intérieure à l'Élysée. Un poste créé par Nicolas Sarkozy.
«Plusieurs policiers ont été insufflés dans le corps préfectoral ces dernières années, indique un préfet. Une façon pour l'ancien chef de l'État de placer un marqueur fort sur les questions de sécurité alors que la mission du préfet est plus large, interministérielle.» Un marqueur que le nouveau gouvernement souhaite visiblement atténuer. Ancien directeur de la Police nationale, Éric Le Douaron, préfet sortant de l'Isère, a lui aussi été écarté.
Écarté. Stéphane Bouillon, préfet de Corse.
Ancien directeur de cabinet d'Alain Juppé au RPR et ancien secrétaire général adjoint du parti gaulliste, Patrick Stefanini a été de son côté remplacé à la tête de la préfecture de la région Aquitaine. Dans l'Indre, Xavier Péneau, marqué politiquement lui aussi, a rejoint pour sa part le Conseil supérieur de l'administration territoriale, chargé entre autres de conseiller les jeunes préfets. Pas vraiment un placard. Certains ont en effet plus de chances que d'autres, alors que Georges-François Leclerc, directeur adjoint du cabinet de Claude Guéant à l'Intérieur, un temps écarté, a finalement été nommé préfet de Haute-Savoie. Alors même que l'ancien directeur de cabinet du même ministre, Stéphane Bouillon, issu de la préfectorale et reconnu par ses pairs, attend toujours une nomination.
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Continuité dans la diplomatieBoris Boillon.
Après Nicolas Sarkozy, qui ne tenait pas forcément en haute estime les diplomates, François Hollande et Laurent Fabius ont décidé de calmer le jeu: trois ambassadeurs «de droite» en poste dans des capitales de premier plan, François Delattre (Washington), Bernard Emié (Londres) et Maurice ­­ Gourdault-Montagne (Berlin), sont maintenus. Tradition respectée pour l'ex-directeur de cabinet d'Alain Juppé, Jérôme Bonnafont, qui héritera d'une importante ambassade dans un pays de l'Union européenne.
François Gouyette (ambassadeur à Tripoli de 2008 à 2011) va être envoyé à Tunis. Classé à gauche, cet arabisant remplacera Boris Boillon, figure emblématique de l'écurie des «Sarko boys», qui paie sa proximité avec l'ancien chef de l'État. «Attendu à terme, son départ n'en reste pas moins brutal. Il aurait été plus logique de le laisser accompagner la transition tunisienne jusqu'à la fin de l'année», souligne un de ses amis diplomates.
Plus étonnant: la rivalité entre chiraquiens et sarkozystes continue, au détriment de ces derniers. Damien Loras, 42 ans, et Bertrand Lortholary, 43 ans, deux conseillers de Nicolas Sarkozy, ont vu leur nomination (respectivement à Bangkok et à Jakarta) annulée par le Conseil d'État, au motif qu'elles ne répondaient pas aux critères professionnels.
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Justice: la chute accélérée du procureur CourroyePhilippe Courroye.
Philippe Courroye n'est plus, depuis vendredi, procureur de Nanterre, mais avocat général près la cour d'appel de Paris. L'intéressé, réputé proche de Nicolas Sarkozy, dénonce un «lynchage» à connotation politique. Le climat délétère régnant au tribunal de Nanterre explique aussi en partie sa mutation forcée. Moins spectaculaire pour le grand public mais stratégique, le remplacement de Maryvonne Caillibotte par Marie-Suzanne Le Quéau à la Direction des affaires criminelles et des grâces, tour de contrôle de la Chancellerie pour les affaires sensibles et les projets de loi.
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Police: le trio Péchenard, Squarcini, Gaudin, symbole de l'ère Sarkozy Frédéric Péchenard.
Considérés comme faisant partie de la garde rapprochée de Nicolas Sarkozy, trois hauts fonctionnaires de la police nationale ont été les tout premiers à être limogés. Ainsi, Frédéric Péchenard, ami d'enfance de l'ancien président, a dû quitter son poste de directeur général de la police nationale et a depuis été nommé délégué interministériel à la sécurité routière. À la tête de la Direction centrale du renseignement intérieur, Bernard Squarcini a aussi été remplacé, tout comme Michel Gaudin, préfet de police de Paris. Autre mutation: celle du patron du service de protection des hautes personnalités, Gilles Furigo, qui rejoint l'Inspection générale de la police nationale.