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Cologne : la circoncision interdite, colère des juifs et des musulmans
Publié le 27.06.2012, 19h42 | Mise à jour : 21h56
Le tribunal de grande instance de Cologne (ouest de l'Allemagne) a interdit la circoncision.
Le jugement devrait faire jurisprudence. Le tribunal de grande instance de Cologne (Allemagne) a estimé que la circoncision d'un enfant pour des motifs religieux était une blessure corporelle passible d'une condamnation. Mardi, la communauté juive a dénoncé une atteinte à la liberté religieuse. Le Conseil central des juifs d'Allemagne estime qu'il s'agit d'«une intervention gravissime et sans précédent dans les prérogatives des communautés religieuses». Son président, Dieter Graumann, a exigé que les députés allemands légifèrent sur la question pour éviter des atteintes à la liberté religieuse.
La communauté musulmane, qui compte plus de 4 millions de membres, est également montée au créneau. Le Conseil de coordination des musulmans en Allemagne (KRM) voit dans ce jugement une «grave atteinte» à la liberté religieuse. Ali Kizilkaya, porte-parole du KRM, a déploré le fait que l'Allemagne «criminalisait» des coutumes millénaires.
La cour saisie après qu'un médecin a été mis en cause
A l'origine, la justice allemande avait été saisie du cas d'un médecin généraliste de Cologne qui avait circoncis un petit garçon de 4 ans à la demande de ses parents musulmans. Quelques jours après l'intervention, l'enfant avait dû être admis aux urgences pour des saignements. Le parquet de la ville avait alors engagé des poursuites contre le médecin. Ce dernier avait été relaxé en première instance puis en appel, le tribunal arguant du fait qu'à l'époque des faits il n'était pas en mesure de déterminer s'il agissait illégalement.
«L'erreur (du médecin) était inévitable», la littérature juridique livrant jusqu'à présent des réponses différentes, selon le jugement du tribunal de Cologne. Selon des estimations de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), 30% des garçons de 15 ans et plus sont circoncis. Aux Etats-Unis, par exemple, une majorité de garçons subissent cette intervention, au nom de l'hygiène autant que du conformisme social.
Ce que dit le jugement Le tribunal a jugé que «le corps d'un enfant était modifié durablement et de manière irréparable par la circoncision» et que «cette modification est contraire à l'intérêt de l'enfant qui doit décider plus tard par lui même de son appartenance religieuse». Cette décision n'interdit toutefois pas l'acte à des fins médicales. Les droits des parents en matière d'éducation et de liberté religieuse ne sont pas bafoués s'ils attendent que l'enfant soit en mesure de décider d'une circoncision comme «signe visible d'appartenance à l'islam», poursuit le tribunal.
Cette décision judiciaire est «extrêmement importante pour les médecins car ils ont pour la première fois une base légale sur laquelle s'appuyer», a assuré un expert en droit, Holm Putzke, dans le Financial Times Deutschland (FTD). «Aucun médecin ne pourra plus à l'avenir prétendre avoir cru qu'il devait circoncire un enfant pas encore en âge de décider pour des raisons religieuses», selon ce professeur de l'Université de Passau (sud) qui voit dans ce jugement une "césure". «A la différence de nombreux responsables politiques, le tribunal ne s'est pas laissé dissuader par la crainte d'être critiqué comme étant antisémite ou antireligieux», a ajouté cet expert.
La communauté chrétienne sceptique elle aussi
L'évèque catholique d'Aix-la-Chapelle Heinrich Mussinghoff a qualifié ce jugement de «très surprenant». «La mise en contradiction des droits élémentaires en matière de liberté de religion et le bien-être de l'enfant, évoquée par les juges, ne convainc pas dans ce cas précis», a déclaré M. Mussinghoff.
Le président de l'Eglise protestante en Allemagne (EKD) qui représente une vingtaine d'églises réformées, Hans Ulrich Anke, va jusqu'à réclamer une rectification du jugement qui selon lui, ne prend «pas suffisamment» en compte la signification religieuse de la circoncision et dépossède les parents de leur droits, «précisément en matière d'affaires religieuses».