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Merkel inflige un sévère recadrage à Hollande
Mis à jour le 15/06/2012 à 23:49 | publié le 15/06/2012 à 23:02
Discours d'Angela Merkel devant la Fédération des entreprises familiales, vendredi, à Berlin.
La chancelière estime que les idées françaises mènent à la «médiocrité».
Standing ovation pour Angela Merkel dans une ambiance digne d'un stade de football. Ses propos intransigeants pour défendre l'Allemagne des accusations dont elle fait l'objet ont soulevé vendredi des tonnerres d'applaudissements devant la Fédération des entreprises familiales. Ses formules, destinées à souder son électorat tout autant qu'à calmer les ardeurs étrangères, ont fait mouche. Surtout quand il s'agit d'asséner leurs quatre vérités aux donneurs de leçons, la France et les États-Unis au premier chef, coupables aux yeux de la chancelière de vouloir relancer la «croissance à la pompe». «Le faux débat entre la croissance et la rigueur budgétaire, c'est n'importe quoi!», a lancé la chancelière avec une familiarité dont elle n'est pas coutumière et qui trahit son exaspération. Le mot Quatsch qu'elle a employé peut aussi se traduire par «conneries».
L'Allemagne se targue d'être le seul pays producteur de croissance et à ce titre le seul pôle de stabilité en Europe. Avec un regard appuyé vers Paris, Mme Merkel a invité l'Europe à comparer le coût du travail et les performances économiques des deux côtés du Rhin. Le PIB de l'Allemagne au premier trimestre (0,6 %) équivaut à la prévision de croissance pour la France sur l'année entière.
Visiblement agacée par les accusations proférées par le premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, pourtant réputé connaisseur de l'Allemagne, la chancelière a jeté d'autres pierres dans le jardin de François Hollande. Les euro-obligations ont pris du plomb dans l'aile: «La médiocrité ne doit pas devenir l'étalon.» À une semaine de la rencontre informelle prévue à Rome entre Merkel, Hollande, Monti et Rajoy, une position commune en vue du sommet de Bruxelles de fin juin semble hors de portée.
Les efforts de François Hollande pour fédérer les partisans de la croissance commencent à agacer. Un jour avec les leaders de l'opposition sociale-démocrate allemande, le lendemain avec Mario Monti pour afficher leurs «convergences». Angela Merkel a beau jeu de dénoncer «le manque de solidarité européenne».
Berlin se sent persécutéSoumise à des pressions croissantes venues de l'étranger, la chancelière a voulu pointer les contradictions des accusateurs. À deux jours du sommet du G20 au Mexique, elle a renvoyé les accusateurs à leurs responsabilités dans le déclenchement de la crise actuelle. Le président Obama, à la tête d'un pays drogué à la croissance à crédit, n'apporte pas de réponse acceptable aux yeux de la chancelière. Longtemps accusée d'immobilisme, l'Allemagne encaisse de plus en plus mal les pressions, estimant proposer des solutions viables pour annihiler la crise. Le document de huit pages publié le mois dernier par la Chancellerie, visant à plus d'intégration européenne, est resté sans écho. Et sans que ses efforts financiers pour éteindre les incendies aux quatre coins de l'Europe soient salués. Premier pays contributeur au fonds de solidarité européen (FESF), sa participation a encore augmenté avec la défection de l'Espagne, à hauteur désormais de 33 %. Autant dire que les éditoriaux espagnols, grecs ou italiens accusant l'Allemagne d'égoïsme sont perçus au minimum comme de l'ingratitude.
L'Allemagne, droite dans ses bottes, ne veut pas céder à la panique et au «diktat des marchés», comme l'a souligné le ministre des Finances, Wolfgang Schäuble. Berlin estime payer sa part à hauteur de ses moyens et ne pas pouvoir donner au-delà de ses forces, a asséné la chancelière devant le Bundestag. En échange de sa contribution, Berlin veut surtout des garanties. Le traité de Maastricht, en échange de l'abandon de son «liebe Deutsche Mark», assurait à l'Allemagne l'indépendance de la BCE et la garantie que les États ne voleraient pas au secours les uns les autres. Deux dogmes allègrement piétinés depuis le début de la crise, au grand dam des Allemands, attachés au respect des textes. Pas question pour Berlin, lassé d'être réduit au statut de tiroir-caisse, de s'engager sur un chemin aventureux sans que des promesses soient gravées dans le marbre des traités.
Comme pour montrer l'exemple, le Bundestag va donc adopter le pacte budgétaire au lendemain du sommet de Bruxelles, le 29 juin. Aux autres pays européens, à commencer par la France, d'en faire autant. L'Allemagne, attaquée de toute part, se sent donc persécutée, «comme un animal dans une battue», a comparé l'éditorialiste d'un journal régional, le
Badische Zeitung. Angela Merkel a donc sorti les griffes.