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Une musulmane raconte sa naissance à Auschwitz
Mis à jour le 19/04/2012 à 22:15 | publié le 19/04/2012 à 22:10 Leïla Jabbarine, née Helen Brashatsky, et son mari Ahmad Jabbarine. Ses huit enfants et 31 petits-enfants membres de la minorité arabe d'Israël, à Oum el-Fahem, ignoraient que leur mère était née à Auschwitz.
Protégée par un médecin du camp, Leïla Jabbarine, née de parents juifs, avait pu immigrer en Israël avant de se convertir à l'Islam. Elle a attendu aujourd'hui pour dévoiler son lourd secret.
Alors qu'Israël commémorait jeudi le souvenir des victimes de l'Holocauste, un témoignage inédit et plein d'espoir d'une rescapée refait surface. L'
Agence France Pressea recueilli les confidences de Leïla Jabbarine. La vie de cette Israélienne de 70 ans est digne d'un roman. Née à Auschwitz, protégée par un médecin du camp, elle a immigré en Palestine où elle a épousé un Arabe israélien avant d'embrasser l'Islam. Si ses huit enfants et trente-et-un petits enfants savaient qu'elle était d'origine juive et s'était convertie, ils ignoraient que Leila avait connu la Shoah et y avait survécu. La veille dame a tu jusqu'à cette semaine le secret de ses origines. S'il sort au grand jour, c'est grâce à un employé des services sociaux israélien qui rendant visite à Leïla lui a posé des questions sur son passé.
Sa mère hongroise et son père d'origine russe vivaient en Yougoslavie quand ils ont été déportés avec leur deux fils à Auschwitz en Pologne, en 1941, a raconté Leïla à l'AFP dans un mélange d'hébreu et d'arabe. La mère de Leila est alors enceinte. Un médecin chrétien travaillant dans le camp de concentration l'aide à accoucher. Il dissimule Leïla, que ses parents prénomment Helen, dans des serviettes de bains et la ramène chez lui. Le praticien prend sous sa protection la famille. Il les cache chez lui, dans le sous-sol de sa maison à l'intérieur du camp, et emploie la mère de Leïla comme employée de maison et son père comme jardinier. La famille se nourrit de pain sec trempé dans de l'eau chaude et du sel. «Nous ne sommes jamais allés dehors, pas de soleil, pas d'air frais. Chaque soir, ma mère nous racontait comment les nazis tuaient les enfants et comment ce médecin nous avait sauvé», se remémore Leïla. «Je me souviens des pyjamas rayés noir et blanc et des terribles passages à tabac dans le camp», confie la septuagénaire.
Sa mère lui conseille de se convertir à l'Islam La libération d'Auschwitz sonne la fin de la vie clandestine en 1945 pour la famille Brashatsky. Trois en plus tard, elle émigre dans ce qui est encore la Palestine sous mandat britannique. Les Brashatsky sont installés dans un camp d'immigrants. Quelques mois plus tard, l'Etat d'Israël est créé. En 1950, la famille emménage à Ramat Gan, près de Tel-Aviv. Adolescente, Helen tombe amoureuse d'un jeune Arabe israélien, Ahmad Jabbarine, un ouvrier en bâtiment rencontré par hasard alors qu'il travaille sur un chantier près du domicile familial. À 17 ans, elle se sauve avec lui à Oum el-Fahem et le couple se marie, au grand dam de la famille d'Helen. Les deux premières années, la police israélienne vient régulièrement chercher la jeune femme pour la ramener à Ramat Gan mais celle qui n'est pas encore Leïla ne cesse de revenir chez son mari.
Après deux ans de brouille, Leïla se réconcilie avec sa famille. C'est même sa mère qui lui suggère de se convertir à l'Islam pour que la fille de Leïla ne soit pas astreinte au service militaire, obligatoire en Israël pour les hommes et les femmes. Jusqu'à la mort de sa mère, il y a plus de vingt ans, Leïla passe chaque année, avec tous ses enfants, le repas traditionnel de la Pâque juive en compagnie de ses parents. Mais les Brashatsky n'évoqueront jamais Auschwitz.
«Pendant 52 ans j'ai caché à mes enfants et petits-enfants, ma naissance à Auschwitz et ne leur ai pas parlé de ce passé douloureux. J'attendais le moment pour le faire», explique Leïla Jabbarine. Sa révélation a été un profond choc pour ses proches mais elle a aussi répondu à nombre de leurs interrogations. «Maman pleurait toujours lors des cérémonies du jour de la Shoah en regardant la télévision israélienne», a déclaré son fils Nasser. «Nous n'avions jamais compris pourquoi. On s'éclipsait pour la laisser tranquille, seule à la maison. Maintenant on la comprend un peu mieux».