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La salive ouvre de nouvelles pistes pour soigner le diabète
Publié le 10/04/2012
Une étude met en évidence le rôle d'une enzyme de la salive dans la régulation du taux de glucose dans le sang. Une découverte qui pourrait fournir des clés dans le traitement du diabète.
Nous pensions avoir percé tous les secrets de l'amylase. Cette enzyme salivaire est connue depuis deux siècles pour son rôle dans la digestion de l'amidon, un sucre complexe qui en tant que principal nutriment des féculents et céréales, constitue une des bases de l'alimentation occidentale.
Pourtant, les chercheurs de l'institut Monell à Philadelphie ont récemment mis en évidence le rôle jusque là insoupçonné de l'amylase dans la régulation du taux de glucose dans le sang (glycémie), via l'insuline. Cette hormone, produite par le pancréas, permet l'absorption du glucose par les cellules musculaires et graisseuses et maintient ainsi la glycémie en deçà d'un seuil dangereux pour l'organisme.
L'équipe, dont les résultats ont été publiés dans le
Journal of Nutrition, a étudié la réaction de deux groupes d'adultes en bonne santé, ayant respectivement un fort et un faible taux d'amylase dans la salive, à l'ingestion d'une solution d'amidon. Les chercheurs ont observé chez les patients richement dotés en amylase une glycémie plus stable et plus basse que chez les autres, dans les deux heures suivant la prise d'amidon.
Facteur génétique«Ce résultat peut surprendre, car l'amylase était connue jusque-là pour casser la chaîne d'amidon, afin de faciliter le passage de ces maillons de glucose dans le sang, constate le professeur Michel Krempf, diabétologue à Nantes. Pourtant, l'étude montre que durant les neuf premières minutes suivant l'ingestion de l'amidon, le groupe riche en amylase produit sensiblement plus d'insuline que le second. Ces résultats vont dans le sens d'un lien entre la production d'insuline au niveau du pancréas et le contact entre l'amidon et l'amylase au niveau de la bouche, dont le mécanisme reste à élucider».
Ce rétrocontrôle de l'amylase sur l'insuline n'est constaté que chez les individus ayant beaucoup d'amylase. Le taux de l'enzyme varie sensiblement d'une personne à l'autre, en fonction de facteurs génétiques. Abigail Mandel, principal auteur de l'étude, en déduit que «deux individus peuvent avoir des réponses glycémiques très différentes à une même ingestion d'amidon. Les personnes ayant un fort taux d'amylase sont plus aptes à manger de l'amidon.» A l'inverse, un régime riche en féculents et céréales ferait courir aux perdants de cette loterie génétique un risque plus grand de développer une résistance à l'insuline, conduisant à l'augmentation de la glycémie, qui au-delà de 1,1 gramme est le signe sans appel d'un diabète.
Doit-on dès lors s'interdire de saliver sur un plat de pâte si notre amylase s'avère peu active? «Pas dans l'immédiat, estime Léopold Tchiakpe, professeur de nutrition à Marseille. Ces résultats sont intéressants, mais l'extrapolation de cette étude théorique à la pathologie diabétique semble prématurée. De plus amples investigations, notamment du côté de patients pré-diabétiques et diabétiques, seront sans doute nécessaires pour confirmer ces travaux». Pour l'heure, l'équipe américaine entend se concentrer sur l'identification des mécanismes qui connectent amylase et insuline.