Le Monde.fr | 18.02.2014 à 13h13 | Par Marie Charrel
L'étude publiée par les experts du FMI a passé en revue près d'un siècle d'indicateurs économiques provenant de trente-quatre pays.
La croissance d'un pays ne ralentit pas automatiquement lorsque sa dette publique dépasse le seuil de 90 % du PIB. C'est la conclusion à laquelle parviennent Andrea Pescatori, Damiano Sandri et John Simon dans une étude qu'ils viennent de publier sur le sujet, et intitulée « Dette et croissance : y a-t-il un seuil magique ? » (« Debt and Growth: Is There a Magic Threshold? »).
Ces trois chercheurs du Fonds monétaire international (FMI) apportent ici une nouvelle pierre à la polémique qui a violemment agité le monde académique – et politique –à l'été 2013.
L'affaire remonte à 2010, lorsque deux pointures de Harvard, Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, publièrent un article assurant qu'un taux d'endettement public supérieur à 90 % du PIB entraîne systématiquement une baisse du taux de croissance. Et ce, quel que soit le niveau de développement du pays.
Leur démonstration eut une influence majeure sur la conception des plans d'ajustement mis en œuvre dans les pays du sud de l'Europe. Olli Rehn, le Commissaire européen aux Affaires économiques, cita ainsi à de nombreuses reprises l'article afin d'encourager les pays en difficulté dans la zone euro à prendre des mesures de rigueur.
Problème : une partie des équations des deux économistes était fausse ! En 2013, deux étudiants de l'université Amherst du Massachussetts ont ainsi identifié plusieurs erreurs grossières dans les formules de calculs Excel qu'ils ont utilisées.
De plus, les données de certains pays, la Nouvelle-Zélande, le Canada et l'Australie, ont été exclues sans motif justifiable du champ de leur enquête.
Face au tollé, M. Reinhart et M. Rogoff ont reconnu leurs erreurs, tout en maintenant que leur constat était toujours valable.
LA TRAJECTOIRE AUSSI DÉTERMINANTE QUE LE NIVEAU
La nouvelle étude publiée par les experts du FMI sonne donc comme un nouveau coup de semonce pour les deux stars de Harvard. Les auteurs y passent en revue près d'un siècle d'indicateurs économiques provenant de trente-quatre pays.
« Nous n'avons trouvé aucune preuve d'un seuil particulier d'endettement au-dessus duquel les perspectives de croissance à moyen terme seraient significativement compromises », attestent-ils. Selon eux, la trajectoire suivie par l'endettement public est aussi déterminante que son niveau absolu.
« Les pays ayant une dette publique élevée mais en voie de diminution affichent en effet des taux de croissance similaires à ceux de pays beaucoup moins endettés », commentent-ils.
Une conclusion plutôt encourageante pour la zone euro, qui a vu son endettement se réduire de 93,4 % à 92,7 % du PIB au troisième trimestre 2013, soit la première baisse enregistrée depuis 2007.
Les auteurs soulignent néanmoins qu'un niveau élevé de dette publique rend le PIB plus volatil, notamment à cause de la pression des marchés et des mesures d'austérité mises en place pour tenter de redresser les finances publiques.
Cette étude illustre une nouvelle fois les débats régnant au sein même du FMI sur la question de la dette et de l'austérité. En janvier 2013, son économiste en chef Olivier Blanchard avait ainsi admis que l'institution a sous-estimé l'impact récessif des mesures d'austérité mis en œuvre pendant la crise.