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À Kiev, le défi des proeuropéens
Mis à jour le 01/12/2013 à 22:03 - Publié le 01/12/2013 à 13:07
Environ 350.000 manifestants sont descendus dans la rue pour réclamer le départ du président Ianoukovitch.
Le refus du président Viktor Ianoukovitch de signer un accord de libre-échange avec l'Europe précipite l'Ukraine au bord de la crise politique. Dimanche, près de 350 000 manifestants, selon une évaluation de l'agence Reuters, ont manifesté dans le centre de la capitale, Kiev, pour exiger la démission du chef de l'État. Ils ont également appelé à des élections anticipées ainsi qu'à une grève générale à partir de lundi. Selon plusieurs sources, il s'agirait de la plus grosse manifestation qu'ait connue le pays, au moins depuis son indépendance en 1991. «Révolution», «Honte», «Kiev, réveille-toi», tels étaient les mots d'ordre entendus en milieu d'après-midi.
Dans la rue Bankova, adjacente à la place Maïdan, centre névralgique de la capitale, quelques centaines de manifestants masqués ont tenté de prendre d'assaut l'administration présidentielle, selon le ministère de l'Intérieur, tout en installant des barricades devant les cordons de police.
En réponse, les forces de l'ordre ont lancé des salves ininterrompues de grenades lacrymogènes ainsi que de grenades assourdissantes. Les échauffourées se sont poursuivies près d'une heure avant que les forces de l'ordre ne chargent et reprennent le contrôle de la rue. Au moins cinquante manifestants ont été blessés, l'un souffrant d'un traumatisme crânien et un autre d'une blessure profonde à la cuisse, selon des images de la télévision Gromadkse. Selon le ministère de l'Intérieur, une centaine de policiers auraient été hospitalisés. Les leaders de l'opposition ont rejeté la responsabilité de ces débordements sur le pouvoir, qui, selon eux, aurait utilisé des «provocateurs». Ils ont rappelé le caractère «pacifique» de leur mouvement. Plus tard, néanmoins, des manifestants ont pris le contrôle de la mairie. Ils ont accroché sur la façade une banderole où était écrit: «QG de la Révolution».
Le pouvoir navigue à vue
Les événements se sont accélérés depuis la fin du sommet de Vilnius, au cours duquel Viktor Ianoukovitch a confirmé son refus de signer un accord d'association avec Bruxelles. Le lendemain, au petit matin, les forces de l'ordre avaient violemment délogé les manifestants qui s'étaient installés depuis une semaine sur la place de l'Indépendance. Ces derniers exigeaient justement du chef de l'État qu'il paraphe ce document.
Désormais, le pouvoir navigue à vue. Après avoir reproché à l'UE son manque de soutien financier, Viktor Ianoukovitch a déclaré que son gouvernement avait l'intention d'«accélérer» le rapprochement de son pays avec l'Union européenne. Le ministère des Affaires étrangères a annoncé l'envoi d'une délégation à Bruxelles, cette semaine. Parallèlement, le premier ministre, Mykola Azarov, a annoncé la visite prochaine en Russie du président ukrainien, afin de renforcer la coopération entre Kiev et Moscou. Des rumeurs de démission du ministre de l'Intérieur, impliqué dans les débordements policiers de samedi, ont couru, sans jamais être confirmées.
De même, l'opposition, qui tablait sur une sortie de crise en douceur, avant de relancer le combat de l'intégration européenne lors des élections présidentielles de 2015, semble courir après le mouvement, lequel, selon certains observateurs prend une allure «prérévolutionnaire». Celui-ci «n 'obéit à aucun parti, il fait penser à Mai 68, en France », estime le politologue Vadim Karassev, proche de l'opposition. «Nous ne partirons pas d'ici, Ianoukovitch doit rendre des comptes », soulignait Vera, une adolescente de 18 ans venue d'une ville du sud de Kiev.
Face au caractère imprévisible du mouvement, les deux autres principaux protagonistes de la crise - Europe et Russie - optent pour la discrétion. Pour l'instant, Bruxelles, à qui le déroulement des événements semble donner raison, s'est contenté de condamner les violences policières. Néanmoins, dans un communiqué commun, les ministres suédois et polonais des Affaires étrangères se sont dits persuadés que «le peuple ukrainien réalisera son rêve d'un avenir européen».