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Pourquoi favoriser une alimentation riche en iode ?
Publié le 25/11/2013
Les fruits de mer et certains poissons possèdent une grande quantité d'iode.
AVIS D'EXPERT - Contrairement à une idée répandue, l'eau de boisson ne suffit pas à assurer les besoins quotidiens en iode.
Près de 800 millions de personnes dans le monde sont affectées par la carence en iode et sa conséquence la plus visible, le goitre endémique. Cette situation concernerait 20 % de la population du globe, ce qui constitue un vrai problème de santé publique. En France, elle est plus discrète mais non moins réelle, ce qui nous situe au 13e rang en Europe.
C'est en cherchant à fabriquer du salpêtre pour faire de la poudre à canon qu'un chimiste de l'Empire, Bernard Courtois, découvre par hasard que l'acide sulfurique versé sur des extraits d'algues produit un gaz violet. Son ami, le célèbre chimiste, Gay-Lussac le baptise «iode», du grec
iodos, violet. Cette découverte permet très vite à un médecin suisse, Jean-François Coindet, de prouver l'efficacité de cette nouvelle substance pour traiter les goitres. Or, en 1840, en France, une grande enquête nationale rapporte que, sur 36 millions d'habitants, on compte 370.000 goitreux, dont 120.000 «crétins», en particulier dans les populations des régions montagneuses dont l'alimentation est alors très pauvre en iode en raison de l'absence dans l'eau et les sols de cet oligo-élément. C'est Diderot qui consigna le premier dans son
Encyclopédie le «crétinisme» pour parler de ces habitants des basses vallées alpines, d'où l'usage devenu courant de «crétin des Alpes»…
L'iode est absorbé au niveau de l'estomac et du duodénum, capté par la thyroïde et excrété dans les urines. Il est indispensable pour la synthèse des hormones thyroïdiennes dont notre organisme a besoin tout au long de la vie, à tous les âges, mais surtout chez le fœtus puis chez le nouveau-né. En effet, ces hormones jouent un rôle primordial dans le développement cérébral et, par conséquent, dans l'acquisition de l'intelligence et des capacités cognitives. Cette action s'étend de la période intra-utérine à la vie postnatale et diverses études ont clairement montré que des carences sévères en iode pouvaient entraîner des dysfonctionnements thyroïdiens à la fois chez la mère et le fœtus avec, dans des situations extrêmes, des conséquences neurologiques dramatiques et irréversibles. L'iode contenu dans le sang maternel traverse, en effet, la barrière placentaire pour permettre au fœtus de fabriquer ses propres hormones thyroïdiennes. Les besoins en sont donc augmentés pendant cette période cruciale du développement fœtal. Il en est de même durant l'allaitement. Or, plusieurs études ont confirmé l'existence d'une carence iodée chez les femmes enceintes dans notre pays, avec des valeurs variables selon les auteurs, mais toujours inférieures aux besoins estimés, de l'ordre de 200 à 250 microgrammes par jour. On peut s'interroger sur les risques que fait courir cette situation vis-à-vis du fœtus, d'autant que plusieurs enquêtes concluent qu'un déficit modéré, tel celui relevé en France, pourrait être responsable de retards scolaires et de troubles de l'audition chez les enfants nés de mères carencées en iode durant leur grossesse.
Où trouve-t-on de l'iode?
L'iode se retrouve essentiellement dans le milieu marin, ce qui explique qu'on observe plus de carences à l'est de la France que sur les côtes. Le lait et les produits laitiers constituent, avec environ un tiers des apports, la première source alimentaire de cet oligo-élément. On le doit à l'emploi de fertilisants riches en iode sur les sols destinés au fourrage des vaches laitières, à l'utilisation de produits iodés antiseptiques pour éviter les développements bactériens dans la chaîne de traitement, et à l'usage de médicaments vétérinaires contenant de l'iode. Du fait des précipitations, on retrouve aussi de l'iode dans les champs, d'où sa présence dans certains légumes.
Contrairement à une idée répandue, l'eau de boisson ne suffit pas à assurer les besoins quotidiens en iode, puisqu'elle n'apporte, en moyenne, que 1 à 2 microgrammes par litre, à peine le centième de ce dont nous avons besoin! Rien à voir avec la teneur des algues (4500 microgrammes/100 g), des crustacés, du poisson salé ou même des œufs (50 micro-grammes/100 g).
Quant au sel de table, l'une des grandes mesures de santé publique prise pour lutter contre la carence fut l'iodation systématique du sel dans les années 1950 par ajout de 10 à 15 puis 20 milligrammes d'iodure de sodium par kilo. Toutefois, cette heureuse initiative risque de perdre aujourd'hui de son efficacité avec la réduction actuellement recommandée de limiter les apports sodés pour lutter contre l'hypertension artérielle, un autre fléau de notre époque. Il serait certainement utile d'envisager l'iodation de la totalité du sel utilisé par l'industrie alimentaire, et pas seulement celle du sel de table qui ne représente qu'une faible partie de la consommation quotidienne.
Pour toute une vie, les besoins en iode représentent à peine l'équivalent d'une cuillère à café, mais si cet apport vient à manquer, c'est d'autant plus redoutable que notre organisme ne sait pas stocker cet oligo-élément de manière prolongée. Son déficit est responsable de l'endémie goitreuse encore répandue dans de nombreux pays dans le monde, avec des conséquences souvent graves sur le développement intellectuel. Vers 1600 avant J.-C., les médecins chinois, relayés plus tard en Europe par l'école de Salerne, traitaient ces troubles au moyen d'algues et d'éponges marines. Aujourd'hui, notre alimentation diversifiée a considérablement réduit les cas de carence iodée, sauf chez les personnes suivant un régime sans sel et chez les femmes enceintes ou allaitantes dont les besoins sont considérablement augmentés. Comment pallier ces déficits? Il n'existe pas de préparation pharmaceutique contenant exclusivement de l'iode à dose physiologique, mais il y en a en quantité suffisante dans certains suppléments vitaminiques et oligoélément.
Attention aux apports trop élevés
A contrario, l'usage de quantités excessives d'iode peut entraîner des effets secondaires. Normalement, la thyroïde s'adapte à des apports très élevés, dus notamment à certains médicaments comme l'amiodarone, mais, chez certaines personnes, un excès d'apports iodés peut provoquer un dérèglement thyroïdien. La prescription de médicaments contenant de grandes quantités d'iode doit donc s'accompagner d'une surveillance de la fonction thyroïdienne.
Aujourd'hui, même sans habiter au bord de la mer, il n'y a aucune raison d'être carencé en iode à condition tout simplement d'avoir une alimentation variée et équilibrée et une bonne hygiène de vie. Mieux vaut aussi éviter le tabac, dont on sait qu'il a une action antithyroïdienne et veiller à compenser certains régimes dans la mesure où ils réduisent les sources d'iode. Mais les femmes enceintes ou allaitantes doivent être les premières alertées sur la nécessité d'une alimentation suffisamment riche en iode pour donner toutes les chances à leur enfant.