La lettre du Congrès qui va détruire la défense de M6
Par Rafik Benasseur | 12/11/2013 | 16:10
Le roi du Maroc n’est décidément pas le bienvenu aux Etats-Unis où il devrait être reçu à la Maison Blanche par le président Barack Obama, le 22 de ce mois. Avant même d’y mettre les pieds, son tête à tête avec Obama est déjà piégé. La faute à une lettre sous forme d’appel conjoint qui vient de lancer le sénateur républicain, James Inhofe, de l’Oklahoma, et du sénateur démocrate, Patrick Leahy, du Vermont ( sur la photo avec Obama), au président américain.Que dit la missive ? «Nous vous adressons cette lettre pour vous demander d’examiner la question des violations incessantes des droits de l’homme au Sahara occidental avec le roi marocain Mohamed VI au cours de sa prochaine visite aux Etats-Unis».
Voici donc une lourde mine posée par le Congrès américain sur le chemin de Mohamed VI à la Maison Blanche. Le roi du Maroc qui a décidé de se mobiliser personnellement pour aller faire entendre «raison» à l’oncle Sam de moins en moins sensible à son discours trompeur sur le Sahara et le plan d’autonomie, se voit doublé par le puissant Congrès.
Une très mauvaise nouvelle pour cet inespéré rendez-vous avec le président américain, si crucial en perspective du prochain examen du dossier sahraoui au sein du Conseil de sécurité.
«Plus précisément, nous vous demandons de presser le roi Mohamed VI de cesser son opposition à la création d’un mécanisme de surveillance des droits de l’homme au sein de la MINURSO», ont souligné les deux influents sénateurs dans le document adressé au président américain.
Un front anti makhzen C’est la douche froide pour sa majesté pour qui l’extension du mandat de la MINURSO aux droits de l’homme acterait la fin d’un rêve ; celui de poursuivre la colonisation du territoire sahraoui. Que les sénateurs démocrates et républicains fassent bloc pour dénoncer les violations massives des droits de l’homme et «tacler» rudement la répression marocaines, est sans doute un cinglant désaveu pour le Makhzen qui a dépensé des millions de dollars pour s’offrir le coup de main des puissants lobbies dont le fameux pro sioniste AIPAC.
Les deux sénateurs soulignent dans leur lettre que l’élargissement de la MINURSO à un tel mécanisme «permettrait d’appliquer d’une manière efficace» une des principales recommandations du rapport sur le Sahara occidental adressé, en avril dernier, par le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, au Conseil de sécurité.
Et de rappeler à M. Obama que le chef de l’ONU avait clairement mentionné que compte tenu des rapports continus sur les violations des droits de l’homme, «la nécessité d’une surveillance indépendante, impartiale, globale et soutenue de la situation des droits de l’homme au Sahara occidental devient de plus en plus urgente».
Le chemin tortueux de la Maison BlancheDe la même manière James Inhofe et Patrick Leahy, soulignent que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU et le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, Juan Mendez, avaient préconisé eux aussi «la création d’un tel mécanisme». Les deux sénateurs se sont même appuyés sur le rapport Tannock, adopté en octobre dernier par le Parlement européen, ayant «regretté» que l’ONU n’ait toujours pas pu mettre sur pied un «mécanisme indépendant et crédible» sur la situation des droits de l’Homme au Sahara occidental.
Mieux encore, ils rappellent au président américain que tous ces rapports «viennent compléter les efforts engagés, en avril dernier, par le gouvernement d’Obama à l’ONU pour introduire un mandat de la surveillance des droits de l’homme au sein de la MINURSO mais auquel le Maroc s’est opposé».
En conclusion, les deux sénateurs soulignent à l’hôte de Mohamed VI que la création d’un tel mécanisme «est urgente à la lumière des récents événements».
De fait, le roi du Maroc évoluera sur un terrain miné le 22 de ce mois à Washington. Faut-il rappeler en effet que ce même Congrès avait adopté en 2011 une loi qui exige du département d’Etat d’examiner la situation des droits de l’homme au Sahara occidental occupé avant l’octroi de toute aide financière et militaire au Maroc, et de présenter, à cet effet, un rapport annuel sur les droits de l’homme.