Ouest-Tribune Le Premier Quotidien de l'Oranie
Samedi 14 septembre 2013
Sellal, Gaid Salah, Belaïz, Louh, Ghoul, Benyounès,... et les autres : Les hommes du Président
La scène politique et médiatique s’est enflammée et la majorité des observateurs et analystes, crédibles ou supposés, se sont interrogés sur le «dessous de carte» d’un remaniement ministériel qui n’a jamais été aussi commenté et controversé... «Que cachent les changements opérés par Bouteflika au sein du gouvernement ?», Quelle lecture apporter aux réajustements des structures des services de sécurité ? Quelles seraient les incidences directes ou indirectes sur la préparation de l’échéance présidentielle d’avril 2014 ? Chacun avance ses réponses et sa théorie. Les acteurs les plus connus pour leur opposition viscérale au président Boutéflika sont évidement montés au créneau de la dénonciation récurrente de tout ce qui peut s’apparenter à une volonté du pouvoir d’assurer sa propre reconduction aux commandes du pays. Selon eux, le président Bouteflika, et ses proches, auraient décidé de tous ces changements dans le seul but de baliser le terrain en faveur d’une «succession contrôle». Soit dans la perspective de l’élection d’avril 2014, soit dans l’optique moins probable d’une prolongation de mandat qui nécessiterait au préalable, une révision de la Constitution portant la durée du mandat présidentiel à sept ans.
Absence apparente et retour percutant....
Il est vrai que ce remaniement du gouvernement était déjà «dans l’air» depuis quelques temps. Reporté sans doute en raison de la maladie du président, il ne pouvait dés lors que prendre une forme inattendue de «remise en ordre» et «d’assainissement des rangs» en vue de la préparation des prochaines élections. Comme s’il venait de siffler la fin d’une longue récréation, le président Boutéflika surprend tout son monde, et surtout ses potentiels rivaux. Son absence pour convalescence a même été qualifiée par certains de «machiavélique stratégie d’observations qui lui aurait permis de cerner et de découvrir tous les profils, toutes les motivations et surtout toutes les ambitions cachées ou affichées des acteurs impliqués par la relève ou la succession.
Le remaniement ministériel, la réorganisation des structures du Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS) le «renforcement» des pouvoirs de Ahmed Gaïd Salah qui devient vice-ministre de la Défense tout en gardant son poste de chef d’état-major, sont autant de mesures pouvant illustrer il est vrai une «reprise en main» magistrale des rennes d’un pouvoir que d’aucuns espéraient - voir même déclaraient - vacant. Qualifié par certains de «Mouvement et choc tectoniques au cœur du pouvoir», considéré par d’autres comme un compromis in extremis entre «décideurs»’, ce dernier remaniement a sans aucun doute semé le désarroi, voire la panique dans les sphères réputées hostiles à Bouteflika et ses proches.
Cultivant une certaine forme de paradoxe, beaucoup se disent choqués et indignés par ces mesures de réajustement de structures qui pourtant peuvent s’inscrire dans une approche de rupture et de changement. On sait par exemple que les «services» de la DRS, qui ont toujours été placés sous la bannière de l’Armée, ne fonctionnaient qu’en instrument libre, en «pouvoir auto-constitué», dégagé de tout contrôle institutionnel ou populaire. Le transfert de missions importantes telles que la direction de la Communication, la Direction centrale de la sécurité de l’armée (DCSA) et le service de la police judiciaire de l’armée, sous la responsabilité directe du Chef d’Etat-major de l’ANP peut répondre à un souci de changement et de modernisation de la gestion des «services». Par ailleurs beaucoup soulignent que c’est la première fois qu’un remaniement ministériel n’est pas le fruit d’une «négociation» entre d’autres puissants cercles du pouvoir et la présidence de la République.
Le récent étalage de scandales de corruption mettant en cause des hommes présumés proches du cercle présidentiel est alors intégré en argument de justification d’un présumé «transfert des prérogatives présidentielles» au profit de l’entourage direct du Chef de l’Etat déclaré «hors-jeu» et définitivement absent. Ainsi, indiquent ces mêmes analystes,» à défaut d’avoir un candidat, le clan présidentiel pourrait assurer l’impunité de ses membres» auprès de présidentiables potentiels...
Plan de bataille pour 2014
Des ministères régaliens, notamment ceux de l’Intérieur et de la Justice, reviennent à des hommes connus pour leurs attaches avec le président de la République: Le ministère de l’Intérieur est confié à Tayeb Belaïz, et Tayeb Louh, seul ministre FLN présent lors de l’élection du nouveau patron du parti, hérite du puissant ministère de la Justice. Le trio Belaïz, Louh et Gaïd Salah, proche du cercle présidentiel, constituera le noyau dur chargé de préparer la relève ou la succession. Le président a également choisi de nouvelles figures, des wali connus pour leur compétence et leur engagement. Abdelwahab Nouri, le wali de Tlemcen, est nommé ministre de l’Agriculture et du Développement rural malgré le conflit qui l’oppose à la ministre de la Culture, khalida Toumi, au sujet de plusieurs factures et marchés avec des opérateurs engagés par le ministère au détriment des prérogatives du wali. Mohamed El Ghazi, wali en poste à Annaba, est nommé ministre chargé de la Réforme du Service public. Le wali de Constantine Nouredine Bedoui, qui fut auparavant l’un des meilleurs secrétaires généraux au chevet de la wilaya d’Oran, est désormais ministre de la Formation et de l’Enseignement professionnels. Et le wali d’Oran Abdelmalek Boudiaf qui hérite de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, jouit d’une très bonne réputation, suite aux multiples projets et chantiers engagés dans le cadre de la modernisation de la capitale oranaise.
Au sein du vieux parti, qui constitue toujours l’instrument électoral privilégié dans les enjeux de pouvoir, il semble bien que le président Boutéflika a voulu mettre un terme à l’instabilité par le culte des «redressements».
Le limogeage d’ Abdelaziz Belkhadem, puis son remplacement par Amar Saidani au prix d’un imbroglio administratif et judicaire sans précédent, est inscrit également au registre des préparatifs d’avril 2014, avec Saidani pour artisan. L’exclusion du nouveau gouvernement des trois ministres du FLN, Amar Tou, Abdelaziz Ziari et Rachid Harraoubia, est présenté comme une sanction à l’encontre de ceux qui avaient exprimé leur farouche opposition à la désignation de Amar Saidani aux commandes du FLN.
Avec le départ de Daho Ould Kablia qui a dépassé depuis très longtemps l’âge de la mise à la retraite, Chérif Rahmani et Mourad Medelci, les deux «vétérans» de l’équipe gouvernementale quittent eux aussi leur postes ministériels pour des raisons convergentes. Mourad Medelci, originaire de Tlemcen, et connu pour être un proche de Boutéflika, aurait selon certaines sources; fait les frais de plusieurs «ratages» diplomatiques, notamment durant la période d’éclatement des révolutions dans les pays arabes voisins. Chérif Rahmani, cadre influent du RND, qui a occupé plusieurs postes ministériels successifs, a été exclu d’un gouvernement où il était peut-être le seul à pouvoir «faire de l’ombre» à M. Sellal, le premier Homme du président, et Premier ministre retenu ; pour animer cette nouvelle période de transition cruciale.