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Syrie : pas d'union sacrée à l'Assemblée après le discours d'Ayrault
Le 04.09.2013 à 17h11 • Mis à jour le 04.09.2013 à 20h33
Jean-Marc Ayrault durant la session parlementaire extraordinaire à propos de la situation en Syrie, à l'Assemblée le mercredi 4 septembre.
Avant que François Hollande ne s'adresse aux Français, le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, est descendu dans l'arène de l'Assemblée nationale, mercredi 4 septembre, pour convaincre les députés du bien-fondé d'une opération militaire en Syrie. Un exercice qui n'a pas fait évoluer la position de l'UMP, toujours opposée à une intervention en dehors du mandat de l'ONU, comme le résume Alexandre Lemarié, notre journaliste sur place :Deux jours après la publication des "preuves" des services secrets français qu'une attaque chimique a bien été menée par le régime de Bachar Al-Assad le 21 août, M. Ayrault a répété qu'il s'agissait d'une
"certitude" :
"Le régime syrien en porte l'entière responsabilité". Le premier ministre a ensuite repris le vocabulaire utilisé mardi par le président Hollande pour justifier une intervention :
"Il est du devoir et de l'honneur de la France de prendre toutes ses responsabilités."Outre les conséquences du comportement d'Al-Assad sur son propre peuple, M. Ayrault a souligné le risque d'une absence de réaction internationale pour
"la paix et la sécurité de la région tout entière".
"Ce serait tolérer que demeure impuni un recours massif à l'arme chimique [...]. Quel message enverrions-nous à d'autres régimes, je pense à l'Iran ou à la Corée du Nord ?", a-t-il martelé.
Le premier ministre a également fait référence à l'usage de gaz toxiques pendant la première guerre mondiale, estimant une action
"réfléchie et collective" impérative :
"Nous ne pouvons accepter un épouvantable retour en arrière." Pour le ministre de la défense, Jean-Yves Drian, il ne s'agit rien de moins que de
"rétablir l'interdiction des armes de destruction massive".
Le chef du gouvernement a toutefois précisé qu'il n'était
"pas question d'envoyer des troupes au sol" :
"Bien entendu, nous souhaitons le départ de Bachar", mais
"il n'est pas question d'engager des opérations pour renverser le régime". Pour le premier ministre, ne pas réagir militairement en Syrie reviendrait à
[i]"fermer la porte à un règlement politique du conflit". [i]"Mais nous pensons que la sanction peut permettre de faire avancer politiquement"[/i][/i] la situation, a ajouté le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, qui se livrait au même moment à un exercice de persuasion parallèle devant les sénateurs.
- Faut-il attendre le mandat de l'ONU ?
Christian Jacob, patron des députés UMP, a réaffirmé son opposition à une intervention en dehors du mandat des Nations unies en se référant à la position de Jacques Chirac sur l'Irak, de même que le chef de file des centristes, Jean-Louis Borloo, très applaudi par les députés de l'opposition, qui a appelé à saisir l'Assemblée générale de l'ONU, puis à attendre sa position avant de prendre une décision. Selon le président de l'UDI,
"sans une coalition très large, un soutien de la Ligue arabe, de l'ONU, une frappe préventive n'est pas envisageable".Au lendemain d'un appel au respect de la légalité par le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-Moon, M. Ayrault a reconnu que,
"bien sûr, une autorisation explicite du Conseil de sécurité de l'ONU serait souhaitable", tout en appelant à être réaliste, en référence au blocage du Conseil par la Russie et la Chine. Une réponse qui n'a pas satisfait André Chaissaigne, représentant du Front de gauche :
"La France est-elle prête à violer la charte des Nations unies [qui interdit toute intervention en l'absence de mandat ou légitime défense] ?"
- La France partira-t-elle seule ?
Le premier ministre a assuré que Paris joindrait ses efforts à ceux
"d'autres partenaires".
"Lesquels ?", l'ont interpelé les députés. Jean-Marc Ayrault a répété que François Hollande travaillait pour
"réunir la coalition la plus large possible", comme le président l'avait déjà indiqué mardi. Des formules reprises quasiment mot pour mot par Laurent Fabius au Sénat :
Intervenant juste après Jean-Marc Ayrault, Christian Jacob a dénoncé
"l'isolement de la France dans l'Union européenne", qui se trouve selon lui dans une
"impasse diplomatique et militaire".
"Votre responsabilité était de créer les conditions d'un consensus. Tout a été fait pour que l'on n'y parvienne pas", a lancé le député de Seine-et-Marne.
"La France n'est à la remorque de personne, lui a rétorqué Bruno Le Roux, son homologue PS.
Elle joue son rôle sur la scène internationale."Jean-Marc Ayrault a affirmé à la tribune de l'Assemblée qu'une intervention militaire ne viserait pas à renverser le régime de Bachar Al-Assad.
François Hollande est pressé depuis plusieurs jours par l'opposition pour organiser un vote du Parlement sur le principe d'une intervention, bien que la Constitution ne l'y oblige pas. Comme il l'avait déjà annoncé, Jean-Marc Ayrault a confirmé que le débat de ce mercredi ne serait suivi d'aucun vote. Sans exclure de l'organiser plus tard, le premier ministre a expliqué que le président devait garder sa
"libre appréciation" d'engager ou pas la France dans une intervention, faisant référence au précédent du Mali, pour lequel, avec un vote, la France serait arrivée
"trop tard" pour sauver Bamako des islamistes.
Pas suffisant pour convaincre Christian Jacob, qui a martelé :
"Vous ne pourrez échapper d'une manière ou d'une autre à un vote." Un discours partagé par le radical de gauche Paul Giacobbi, qui estime que
"nous avons le temps d'organiser un vrai débat au sein de notre assemblée, qui devra être finalisé par un vote"
- Quelles sont les positions de chacun ?
Le PS a réaffirmé son soutien à une intervention. A l'exception de quelques voix isolées, comme Patrick Mennucci, les socialistes sont opposés à la tenue d'un vote. En début de semaine, le président de l'Assemblée, Claude Bartolone, avait jugé que ce n'était pas
"au moment où un dictateur menace la France que l'on fait bouger les institutions".
L'UMP place Hollande face à un choix : obtenir l'autorisation du Conseil de sécurité de l'ONU pour intervenir ou, à défaut, organiser un vote au Parlement s'il souhaite passer outre. Si ses responsables ont reconnu que l'organisation du vote est
"le droit le plus absolu" du président, ils accentuent chaque jour la pression sur le chef de l'Etat.
L'UDI continue d'exiger un vote au Parlement. Sceptique sur les
"preuves" montrant la responsabilité de Damas, Jean-Louis Borloo veut s'en remettre à l'ONU, en saisissant son Assemblée générale, si le blocage du Conseil de sécurité persiste.
Les radicaux de gauche ne sont pas défavorables à une intervention. Leur représentant, Paul Giacobbi, a toutefois estimé qu'elle
"ne changera pas profondément la situation" en Syrie. Ils sont en revanche largement favorables à la tenue d'un vote.
Le Front de gauche demeure formellement opposé à une intervention, privilégiant une solution politique. Le communiste André Chassaigne a dénoncé
"la seule volonté de punir", qui risquerait de
"plonger encore un peu plus la région dans le chaos généralisé", et réclamé la tenue d'un vote.
Les écologistes sont divisés, comme l'a admis le coprésident de leur groupe, François de Rugy. S'exprimant au nom de
"la position majoritaire" des députés EELV, il a estimé que
"personne ne peut se défausser d'apporter une réponse", tout en appelant à la constitution de la coalition
"la plus internationalisée possible".
Le Front national s'oppose vivement à l'opération, une
"décision précipitée, fondée sur des supputations". Sa présidente, Marine Le Pen, met en garde contre le danger islamiste en cas de renversement de Bachar Al-Assad, mais ne réclame pas de vote, jugeant que
"le Parlement français n'est pas représentatif de l'opinion des Français". Faute de groupe parlementaire, il ne s'est pas exprimé à l'Assemblée.