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La Maison Blanche demande à Moscou d’expulser Snowden
Publié le 30 juin 2013
Bruxelles devrait-elle accueillir Snowden ?
Des activistes ukrainiens protestent jeudi contre le programme d'espionnage des États-Unis devant l'ambassace américaine à Kiev.
Pas une ligne en première page du New York Times. Peu de réactions aux Etats-Unis. Le fossé transatlantique est une nouvelle fois béant. L'espionnage électronique de l'Union européenne par la National Security Agency (NSA) suscite un tollé en Europe, alors que les Américains minimisent les faits, quand même ils comprennent l'indignation européenne. Edward Snowden ne voulait peut-être pas en arriver là. Mais il est en train de réussir à rouvrir la plaie transatlantique. Et au-delà, à ce que les Etats-Unis se mettent de nouveau la planète à dos. Comme au moment de l'Irak et du forcing de George Bush, les Etats-Unis ressemblent au "bully" du reste du monde : vendredi, quand Joe Biden a appelé le président équatorien Rafael Correa, il était difficile de ne pas penser aux coups de fil de George Bush aux opposants au renversement de Saddam Hussein.
L'état major démocrate, qui aurait été indigné, probablement si George Bush était au pouvoir, n'a pas de mots assez forts pour réclamer la tête de l'ex-consultant de la NSA. Nancy Pelosi a souhaité à Snowden de croupir à l'aéroport de Moscou
. "Qu'il y reste". Le sénateur Bob Menendez, président de la commission des affaires étrangères, a menacé de geler les négociations sur le renouvellement des accords commerciaux avec l'Equateur, ce que Quito a dénoncé comme une nouvelle tactique de "
chantage".
OBAMA N'EN A CURE Barack Obama n'en a -officiellement- cure, occupé qu'il est à entretenir son mythe : ce matin, c'était à Robben Island, lors d'une visite à la cellule de Nelson Mandela. Et le président a expliqué à ses filles que Gandhi, avant d'être l'apôtre indien de la non violence, a exercé son métier de juriste en Afrique du sud.
"Et c'est l'action de Gandhi qui a inspiré Martin Luther King", a-t-il expliqué.
Quand il a été interrogé sur Snowden, il a minimisé dans des termes qui ressemblaient à ceux de son prédécesseur lorsqu'il n'arrivait pas à attraper Ben Laden: "
Je ne vais pas lancer d'urgence l'aviation pour attraper un hacker de 29 ans" ...
Ben Rhodes, son porte-parole diplomatique, a renvoyé toute question aux services de renseignement. C'est l'éternelle danse de l'esquive. Les Américains refusent de commenter. Les Européens demandent des explications.
LA TRADITION DE L'ESPIONNAGE Ce n'est pas la première fois que des bribes sortent, sur l'espionnage américain en Europe. Sous la présidence Sarkozy, la France avait même failli sortir de la catégorie des "pays-cibles" pour rejoindre le camp des pays très-proches (Royaume Uni, Nouvelle Zélande, Australie, Canada).
Selon les informations publiées à l'époque par
Le Monde (dans l'édition du 25 mai 2010), les négociations avaient commencé entre Dennis Blair, alors directeur national du renseignement, et Bernard Bajolet alors au conseil national du renseignement, sur un "pacte" qui aurait permis à la France de bénéficier comme Londres d'un accès au système sécurisé d'échange et de réception d'informations. Mais les Américains s'étaient inquiétés de ce qui se passerait si un gouvernement moins amical parvenait au pouvoir, et les négociations n'avaient pas été suivies d'effet, d'autant que Dennis Blair avait été écarté.
Peu après l'élection du probablement moins "amical" François Hollande, les ordinateurs de l'Elysée ont été piratés, et quand en novembre
l'Express a révélé que les coupables se trouvaient aux Etats-Unis, les démentis ont été sans conviction.
"SUR LA DEFENSIVE" Mais cette fois, les révélations de Snowden sont difficiles à ignorer. Selon un responsable européen à Washington, les Américains sont
"embarrassés";
"sur la défensive". Un groupe de travail a été constitué après la rencontre de Dublin entre ministres européens et l'Attorney general Eric Holder. Il était réuni la semaine dernière à Washington.
Les Américains renvoient les Européens à leurs propres pratiques d'espionnage. Ils ne comprennent manifestement pas que si l'affaire est aussi importante, c'est par l'affront qu'elle symbolise : aux yeux des Américains, les Européens restent des citoyens de seconde zone.
L'ancien chef de la NSA, Michael Hayden, l'a résumé crument. Bien sur, a-t-il confirmé,
"les Etats-Unis font de l'espionnage". Mais le quatrième amendement de la Constitution -qui protège les citoyens américains contre les "fouilles infondées"- n'est "
pas un traité international". Autrement dit, le respect de la vie privée est réservé aux Américains. En espionnant les dirigeants européens, la NSA ne fait rien d'illégal.
Edward Snowden cherche un point de chute. A Hong Kong, il a révélé des informations sur le piratage des ordinateurs chinois. Pékin l'a laissé partir. A-t-il livré des informations au Spiegel en espérant obtenir un refuge en Europe ? Les responsables politiques français, qui ont proposé d'accorder l'asile politique au jeune transfuge, sont surtout ceux qui, opposés au TTIP, le traité commercial transatlantique, ne sont pas mécontents d'une telle occasion de retarder les négociations.
Mais on ne peut s'empêcher de penser que si Bruxelles faisait mine, ne serait-ce qu'un instant, de considérer l'idée d'accueillir Edward Snowden, les Américains -et le reste du monde- prendraient note que l'Europe existe de nouveau. Et l'administration Obama s'apercevrait, comme l'administration Bush avant elle, qu'on ne peut impunément humilier ses Alliés.