WEB - GOOGLE - ACTUALITE > International
L'Allemagne frappée par le blues de l'Eurovision
Publié le 20/05/2013 à 19:13
Dans un pays obsédé par son image internationale, l'échec au concours musical européen déclenche l'introspection.
Le concours de l'Eurovision s'est mué en un curieux thermomètre de popularité outre-Rhin. La cuisante défaite de l'Allemagne, samedi soir devant 125 millions de téléspectateurs européens, a provoqué une polémique inattendue dans le pays. Le groupe Cascada s'est classé en 21e position avec sa chanson Glorious: le plus mauvais résultat allemand à l'Eurovision depuis cinq ans. Certains commentateurs n'hésitent pas à attribuer cette débâcle à une mesure de rétorsion contre la politique d'austérité d'Angela Merkel, honnie dans nombre de pays européens.
Alors que la Danoise Emmelie de Forest a raflé la victoire avec 281 points, l'Allemagne en est réduite à énumérer les pays qui lui ont attribué son total de 18 points. L'Autriche, Israël, l'Albanie, la Suisse et l'Espagne ont offert quelques voix à l'Allemagne… qui se lamente de constater que 34 pays sur 39 ne lui ont pas accordé le moindre point. «Il y a sûrement aussi une situation politique, s'est désolé Thomas Schreiber, responsable des programmes de divertissement de la chaîne de télévision ARD. Je ne veux pas dire: 18 points pour Angela Merkel. Mais il faut considérer que Cascada n'était pas seule sur scène. C'est aussi l'Allemagne qui était jugée.»
À l'Eurovision 2010, la jeune chanteuse de Hanovre Lena Meyer-Landrut avait décroché une victoire éclatante avec son tube Satellite. L'Allemagne tout entière avait célébré l'événement dans une vague de «Lenamania». Le pays avait voulu y voir une marque d'affection de ses voisins européens, alors qu'il se considérait déjà comme un modèle de résilience face à la crise. Angela Merkel avait salué en Lena «une expression magnifique de la jeunesse allemande».
Consolation française
L'Allemagne s'est longtemps trouvée mal-aimée par ses voisins en raison de la tache laissée par le IIIe Reich. Chaque étude d'opinion réalisée montrant que le pays et ses habitants sont jugés «sympathiques» à travers le monde est célébrée comme un motif de fierté nationale. À l'inverse, les manifestants du sud de l'Europe touchent une corde sensible lorsqu'ils griment la chancelière en dictateur nazi et renvoient l'Allemagne à un passé dont elle a honte.
Depuis la Coupe du monde de football 2006, organisée par leur pays, les Allemands osent aussi vivre une sorte de «coming out» patriotique tous les deux ans, à l'occasion de la Coupe d'Europe ou du Mondial. Cependant, certains dirigeants outre-Rhin redoutent les effets négatifs des réussites allemandes. Ainsi, le ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, a rejeté l'idée d'une «domination allemande» sur le football comme sur l'économie européenne. À la question de savoir s'il trouvait juste que deux clubs allemands disputent la finale de la Ligue des champions, le 25 mai, alors que l'Allemagne est garante de l'économie européenne, Schäuble a répondu: «L'un et l'autre n'ont aucun rapport.»
Et de rappeler la déclaration «malheureuse», selon lui, du joueur et entraîneur Franz Beckenbauer en 1990 - année où l'Allemagne a remporté la Coupe du monde et s'est réunifiée -, selon laquelle les Allemands seraient pour un certain nombre d'années imbattables. «Cela s'est terminé autrement», a-t-il constaté. De nombreux commentateurs allemands jugent que l'Europe n'aurait pas supporté d'ajouter un succès à l'Eurovision aux réussites économiques et footballistiques… Ils pourront se rassurer en observant que la Française Amandine Bourgeois s'est classée derrière l'Allemagne, 23e avec 14 points.