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Anne Lauvergeon contre-attaque
Publié le 16/01/2012 à 22:34 Anne Lauvergeon, lundi, à Paris.
L'ancienne présidente du directoire d'Areva, en conflit ouvert avec la nouvelle direction, explique aussi avoir été victime de tentatives de déstabilisation émanant «du plus haut niveau de l'Etat».
Chez Areva, les polémiques ne se sont pas éteintes avec le remplacement en juin dernier d'Anne Lauvergeon par Luc Oursel à la présidence du directoire. «Il faut m'abattre et pour cela tous les moyens sont bons»: l'ancienne patronne de l'atome français, accompagnée de ses avocats, a donné le ton, hier, à l'occasion d'une conférence de presse à Paris pour répliquer aux attaques dont sa gestion fait l'objet depuis quelques semaines. Au cœur du dossier, l'acquisition aussi coûteuse que controversée de la société UraMin en 2007. L'affaire est portée sur la place publique depuis qu'Areva a décidé de passer ses comptes à la paille de fer en décembre dernier et qu'Anne Lauvergeon l'a assigné en référé pour non-paiement de ses indemnités de départ. L'ancienne dirigeante a aussi porté plainte pour écoutes illégales.
• Une mine chèrement acquiseLa société UraMin, cotée à l'époque au Canada et propriétaire de gisements non exploités en Namibie, en Afrique du Sud et en République Centrafricaine, a été achetée en 2007 pour 1,8 milliard d'euros. Une opération majeure, qui a justifié l'équivalent d'un milliard de dollars d'investissement par la suite, et qui a débouché sur une catastrophe financière: sa valeur a été dépréciée de 1,46 milliard d'euros le mois dernier. «C'est cette ampleur qui fait que le conseil de surveillance souhaite aujourd'hui analyser le processus d'acquisition», souligne Areva. Mauvaise opération, comme d'autres en ont réalisé juste avant le début de la crise financière, ou escroquerie, et dans ce cas au bénéfice de qui? Un rapport commandé par la branche mines d'Areva l'année dernière au cabinet Apic penche pour la seconde hypothèse. Les avocats d'Anne Lauvergeon, Me Jean-Pierre Versini-Campinchi et Alexandre Marseille, dénoncent une totale absence de fiabilité.
Selon les détracteurs d'Anne Lauvergeon, l'acquisition aurait été réalisée sans contre-expertise de la richesse en uranium des gisements. L'ancienne dirigeante rappelle que le potentiel de ces mines est encore évalué aujourd'hui à quelque 63.000 tonnes (contre 90.000 à l'origine). Dans l'intervalle, les prix de l'uranium se sont considérablement dépréciés, tandis que les coûts de l'exploitation éventuelle des gisements d'UraMin ont été revus en très nette hausse.
• Le poids des responsabilitésQui a décidé de racheter UraMin? Les détracteurs d'Anne Lauvergeon l'accusent de gestion «en solo», sur cette opération en particulier. Faux, réplique-t-elle. Anne Lauvergeon dit avoir respecté un processus extrêmement rigoureux associant non seulement les équipes d'Areva et des partenaires financiers de premier plan, mais aussi son conseil de surveillance ainsi que les services de l'État. «La façon dont nous avons piloté cette opération nous a même valu les félicitations de l'Agence des participations de l'État», souligne l'ancienne dirigeante d'Areva. Et Luc Oursel, affirme-t-elle encore, a directement participé au processus de décision.
• Les enquêtes en coursL'affaire UraMin a dérapé dans la rubrique judiciaire. Anne Lauvergeon a porté plainte pour espionnage, après avoir eu connaissance de rapports à son sujet faisant état d'écoutes téléphoniques illégales. Le cabinet suisse Alp Service a réalisé ces enquêtes, à la demande de Sébastien de Montessus, responsable du secteur minier d'Areva. Reste à savoir si ce dernier avait commandité une «enquête» fouillée sur le dossier UraMin, ou s'il était prêt pour l'emploi «des méthodes dignes des barbouzes», comme les stigmatisent les défenseurs d'Anne Lauvergeon.
Autre question: Sébastien de Montessus va-t-il prendre seul la responsabilité d'une telle procédure qui visait à l'époque…sa propre patronne? Dans le camp d'Anne Lauvergeon, on n'y croit pas un seul instant. «Autrement dit, il a agi après en avoir référé en haut lieu et avec la possibilité d'agir en se sentant couvert», résume un observateur. Qui alors a pu commanditer cette tentative de déstabilisation? Anne Lauvergeon ne répond pas directement. «Certains ont pensé que j'allais faire une dépression nerveuse, mais non», indique-t-elle. Mais de façon générale, elle se dit convaincue d'être victime d'une déstabilisation impliquant «le plus haut sommet de l'État».
• Les suites de l'affaireChez Areva, on ne polémique pas. «Nous sommes dans la raison, pas dans l'émotion. La priorité, c'est le redressement de l'entreprise», souligne un porte-parole. Mais, en interne, l'affaire est en train de miner les relations au plus niveau. Le groupe a confié à trois administrateurs indépendants la rédaction d'un rapport sur UraMin. Les conclusions sont attendues fin février. «Nous en tirerons alors les enseignements.» Areva dit encore «travailler de manière professionnelle avec les administrateurs, sans aucune logique de règlement de compte». Là encore, Anne Lauvergeon s'inscrit en faux: «Les auditions réalisées par ces administrateurs ne donnent lieu à aucun procès-verbal. Ils travaillent (…) avec des documents sélectionnés en amont.» Les prochaines semaines s'annoncent extrêmement tendues.