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Mélenchon : «Hollande est l'une des causes de la crise »
Publié le 04.05.2013, 21h54 | Mise à jour : 05.05.2013, 13h17
Appelant ce dimanche à une manifestation qu'il conçoit comme «une marche de gauche», le co-président du Parti de gauche explique longuement ses positions dans «Le Parisien Dimanche» et «Aujourd'hui en France Dimanche»
Le coprésident du Parti de gauche est persuadé de frapper un grand coup ce dimanche, pour rappeler François Hollande à ses devoirs envers ses électeurs. Un chef de l’Etat qu’il étrille tout au long de cet entretien.
Pourquoi tapez-vous autant sur François Hollande qui ne gouverne que depuis un an ?Jean-Luc Mélenchon. En raison de la volte-face qui l’a conduit à donner une exclusivité totale aux intérêts des actionnaires et des grands patrons et à la politique d’austérité européenne au détriment des salariés, de leur pouvoir d’achat et de leur niveau d’emploi.
N’est-ce pas lui faire payer cher la crise ?Il est l’une des causes de la crise, comme Mme Merckel et les autres dirigeants européens qui ont fait le choix de l’austérité. La ponction qu’il va faire sur le pouvoir d’achat, soit 60 milliards, c’est le triple des 17 milliards demandés par François Fillon en deux plans d’austérité. François Hollande contribue à la contraction de l’activité économique et à l’envolée du chômage. Ça suffit de prendre la crise comme prétexte!
Lui reprochez-vous de gouverner sans trancher ?Moi, je trouve qu’il tranche très bien en faveur des intérêts de la finance! Pour le reste, oui, il pratique la méthode spongieuse qu’il appliquait au PS, avec son « passe-plat » Jean-Marc Ayrault.
L’amnistie sociale, vous dites que le président vous l’avait promise les yeux dans les yeux. Comment expliquez-vous son revirement ?Depuis le début, il voulait donner des gages au grand patronat, sinon il aurait inscrit le texte à la session extraordinaire de l’Assemblée en juillet dernier. L’amnistie a toujours été prononcée par tous les présidents de la République à l’exception de Nicolas Sarkozy, ce qui était normal de la part de la droite décomplexée. A l’Assemblée, François Hollande a engagé tout son poids politique pour contrer ce texte.
Si le PS ne prend même plus la peine de vous écouter, alors à quoi servez-vous ?Je ne sers à rien au PS et j’en suis fier, car je ne me soucie pas des Solfériniens. En revanche, c’est utile et bon pour tout le monde de demander la relance de la consommation populaire qui remplira les carnets de commande et créera de l’emploi.
Votre stratégie de radicalisation n’est-elle pas stérile puisque le gouvernement semble considérer qu’il n’a aucune concession à vous faire ?Mon but n’est pas de complaire au PS mais de conduire François Hollande à faire son devoir en reconsidérant sa politique d’austérité. La majorité constituée aux législatives de juin 2012 vient des mêmes électeurs : il n’y a pas de socialiste élu sans Front de gauche. C’est un tout dont le chef de l’Etat doit situer le centre de gravité. Or, il met le curseur à la droite extrême de son parti.
Et que lui demandez-vous ?De se remettre sur la gauche, où il était au moment du vote. Comme il refuse d’entendre, j’ai dit que nous, au Front de gauche, étions prêts à gouverner et moi à être Premier ministre.
Vous l’envisagez vraiment ?Il est bien plus simple d’imaginer une cohabitation à gauche qu’hier des cohabitations à droite lorsque Chirac et Jospin gouvernaient le pays.
Qu’entendez-vous par cohabitation de gauche ?Un président qui dit qu’il n’est plus socialiste avec un Premier ministre qui confirme qu’il est de gauche.
Est-ce bien réaliste de penser que vous pourriez être appelé à Matignon ?Peut-on continuer à tordre le bras à la démocratie telle qu’elle s’est exprimée en juin 2012? Accepter que des gens élus pour faire une politique de gauche appliquent une politique sociale-libérale, voire carrément libérale? Cette tâche peut aussi être confiée à un autre que moi. N’ai-je pas dit récemment que si Arnaud Montebourg était Premier ministre, nous discuterions avec lui? Ce n’est donc pas une affaire personnelle.
Quelle serait votre première mesure emblématique à Matignon ?La convocation d’une Assemblée constituante puis des mesures d’urgence sociale.
Prendriez-vous d’autres mesures de moralisation de la vie publique ?Hollande a rendu suspects ministres et parlementaires en prenant des mesurettes dérisoires et attrape-nigauds comme la publication des succursales des banques françaises dans les paradis fiscaux alors que, durant sa campagne, il avait dit qu’il les interdirait! De même, je demande la liste des fraudeurs du fisc dans ces paradis puisque cette liste existe.
Ce climat explique-t-il les hauts scores de Marine Le Pen dans les sondages ?Ce serait paradoxal puisque ce sont ses proches qui organisent l’ouverture de comptes en Suisse pour les fraudeurs socialistes. Mme Le Pen est la fille bien logée d’un milliardaire qui lui-même a fait l’objet de plusieurs redressements fiscaux assez spectaculaires. Les Français se rendent compte qu’avec sa famille elle participe depuis trente ans au système. Elle en est le chien de garde!
Le populisme dont on vous taxe aussi n’y contribue-t-il pas ?Le populisme, ce n’est pas une ligne politique. C’est un concept pour mettre dans un même sac des gens qui n’ont aucun rapport entre eux. Ça protège la classe dirigeante en justifiant qu’on la reconduise au pouvoir. Le principal pourvoyeur de voix de droite et d’extrême droite est à l’Elysée!
Qu’y aura-t-il de particulier dans la manifestation d’aujourd’hui ?C’est une marche de gauche alors que, depuis trois mois, c’est la droite et l’extrême droite qui occupent la rue. De larges secteurs d’Europe Ecologie-les Verts et de l’extrême gauche seront avec nous ainsi que des organisations syndicales.
Vous espérez faire mieux qu’au 1er mai ?Vraisemblablement, car le mouvement syndical est traumatisé et divisé par le texte du Medef sur l’emploi et la compétitivité. Hollande les a enfermés dans un traquenard.
Certains communistes ne se retrouvent pas dans le slogan du « coup de balai »…Le balai n’est pas un slogan, mais un instrument de nettoyage. Avec ou sans, le PCF est très bien mobilisé pour cette marche.