WEB - GOOGLE - ECONOMIE > Consommation La consommation flanche, le gouvernement légifère
Publié le 01/05/2013 à 18:08
Benoît Hamon, ministre délégué à la Consommation.
Le texte présenté en Conseil des ministres par Benoît Hamon vise à « redonner du pouvoir » aux consommateurs. Il pourrait aussi attiser la guerre entre industriels et distributeurs.
Le balancier de la politique gouvernementale continue d'osciller. Après les mesures annoncées en début de semaine par François Hollande dans le cadre des Assises de l'entrepreneuriat, c'est Benoît Hamon qui entre en scène ce jeudi avec la présentation en Conseil des ministres d'un projet de loi sur la consommation qui suscite nettement plus de réserves chez les chefs d'entreprise. «Franchement, est-ce vraiment de cela dont l'économie française a besoin aujourd'hui?», s'interroge l'un d'eux, sceptique.
Le texte est d'importance pour le ministre délégué à la Consommation, dont l'action a été plutôt ­discrète à l'exception de l'affaire de la viande de cheval dans laquelle il était en première ligne. Benoît ­Hamon appartient aussi à ce groupe de ministres qui réclament un ­virage dans la politique économique du pays. Son projet de loi qui sera dis­cuté le mois prochain à l'Assemblée nationale puis à l'automne au Sénat comprend quelque 70 articles aux sujets divers. À travers eux, Benoît Hamon souhaite «redonner du pouvoir» aux consommateurs en ­rééquilibrant les relations économiques, tant entre les consommateurs et les entreprises qu'entre les entreprises elles-mêmes.
Entre promesses électorales et consumérisme, la discussion du texte s'inscrira dans un débat de fond. Car elle intervient à un moment clé pour l'économie française qui voit la consommation, son premier moteur économique, flancher à son tour.
«Fichier positif»Certes, selon l'Insee, le mois de mars a connu un léger rebond ( 1,3 %). Mais il n'empêche que la consommation française a enregistré deux trimestres consécutifs de recul (- 0,4 % au premier trimestre 2013, - 0,1 % au quatrième trimestre 2012), avec des chiffres particulièrement mauvais pour l'automobile ou encore l'habillement.
Dans le texte de Benoît Hamon, la mesure la plus emblématique sera la création de «class actions» à la française, ainsi que le renforcement de la loi contre les clauses abusives. Les moyens de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) seront accrus, qu'il s'agisse de retards de paiement ou de tromperies économiques. À la suite du scandale de la viande de cheval, les amendes contre les fraudeurs seront dé­cuplées. Autre priorité, la lutte contre le surendettement. L'instauration d'un «fichier positif» sera introduite par voie d'amendement lors de l'examen de la loi au Parlement.
Mais c'est paradoxalement le débat sur les relations entre les entreprises qui s'annonce le plus tendu, avec des batailles parlementaires animées en perspective. Le projet de loi a donné lieu par avance à un véritable bras de fer entre les enseignes de la distribution et leurs fournisseurs. L'enjeu est une révision de la loi de modernisation de l'économie (LME), qui, en 2008, a instauré le principe de négociations annuelles, bouclées chaque 1er mars. Toilettage ou redistribution des cartes? Les lobbies de tous bords sont sur le pied de guerre.
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«La loi de modernisation de l'économie avait pour but de satisfaire les distributeurs, sous la pression de Michel-Édouard Leclerc, et avec le soutien sans ­réserve de Bercy»
Philippe Mangin, président de Coop de ­France, qui fédère les coopératives agricoles
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Pour les fournisseurs - une alliance de circonstance s'est forgée entre la FNSEA et les industriels -, la Loi Hamon est l'occasion de corriger les «insuffisances» de la LME. «Nous n'oublions pas que la LME avait pour but de satisfaire les distributeurs, sous la pression de Michel-Édouard Leclerc, et avec le soutien sans ­réserve de Bercy», peste Philippe Mangin, président de Coop de ­France, qui fédère les coopératives agricoles.
Le nouveau texte devrait notamment imposer aux distributeurs de faire figurer dans le contrat annuel l'ensemble des prestations prévues (promotions, têtes de gondole…) et réaffirmer la primauté des ­conditions générales de vente comme socle de la négociation. «La Loi Hamon nous donne ainsi un arsenal administratif et judiciaire qui devrait nous permettre de mieux nous défendre», indique Jean-René Buisson, président de l'Ania, qui rassemble les industriels de l'agroalimentaire, confrontés au­jourd'hui à une crise sans précédent pour ce secteur. «On peut regretter d'être obligé de passer par une loi pour établir des relations contractuelles de confiance avec la grande distribution», déplore Xavier Beulin, président de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles).
Couvrir les chargesLe bras de fer se focalise aussi sur la renégociabilité des prix de certains produits en fonction de l'évolution du cours des matières premières avec des amendes à la clef. La Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) est vent debout. «Nous sommes opposés à tout mécanisme d'indexation, souligne Jacques Creyssel, son délégué général. Ce serait un retour à l'économie administrée à l'état pur.» D'après le texte, les discussions devraient en théorie commencer dès que les cours des matières premières franchissent, à la hausse ou à la baisse, un certain seuil, et être bouclées en l'espace de deux mois.
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«On retrouve dans cette loi ce que nous demandons depuis trois ans»
Xavier Beulin, président de la FNSEA
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«On retrouve dans cette loi ce que nous demandons depuis trois ans», se félicite Xavier Beulin. L'objectif pour la FNSEA est de permettre «aux agriculteurs de vivre de leur production avec un prix de vente qui couvre leurs charges». La liste exacte des produits concernés sera débattue au Parlement. Sont concernés les produits agricoles de base comme la viande (bœuf, veau, porc, volaille…), les œufs ou les produits laitiers.
«À partir du moment où une telle clause est introduite dans la loi, le risque d'élargissement à une nouvelle catégorie dès qu'un secteur est en crise, voire à tous les produits alimentaires, existe, met en garde Jacques Creyssel, qui redoute une hausse des prix. Elle entraînerait dans le contexte actuel une chute des volumes. Si les consommateurs achètent moins, cela aura in fine des conséquences néfastes pour les distributeurs, nos fournisseurs et les producteurs.»