WEB - GOOGLE - Actualité > Santé30.000 séropositifs s'ignorent en France
Publié le 26/04/2013
Un test de dépistage rapide utilisé par Médecins du monde en Guyane en avril 2010.
Les personnes infectées mais non dépistées sont responsables de 60 % des contaminations chaque année dans notre pays. Infectées sans le savoir, elles deviennent des vecteurs inconscients de la maladie. En France, 30.000 personnes ignorent qu'elles sont séropositives et constituent le «réservoir caché» de l'épidémie de sida, selon une étude réalisée par une équipe de l'université Pierre-et-Marie-Curie, à Paris. «Alors qu'elles ne représentent que 20 % des personnes porteuses du VIH, on estime qu'elles sont à l'origine de 60 % des contaminations chaque année», souligne Virginie Supervie, épidémiologiste à l'Inserm, qui a présenté ce travail vendredi lors du séminaire de l'Agence nationale de recherches sur le sida (Anrs).
Par une méthode de «rétrocalcul», l'équipe de chercheurs a estimé, à partir des données de surveillance de la maladie, le nombre de personnes séropositives sans le savoir à la fin de l'année 2010, mais aussi leur profil. Il s'agit d'hommes dans deux tiers des cas, dont près de 60 % nécessiteraient un traitement médical immédiat. «Pour ces personnes, l'ignorance de leur statut virologique constitue une énorme perte de chance: une prise en charge précoce permet d'éviter des complications de l'infection et de prévenir son évolution vers le stade sida», souligne Antoine Henry, porte-parole de l'association Aides.
Grâce aux progrès de l'arsenal thérapeutique, un patient traité dans les semaines qui suivent son infection a aujourd'hui une espérance de vie proche de celle de la population générale, tout en conservant une bonne qualité de vie.
Or, en France, le délai entre l'infection par le virus et sa découverte est de trente-sept mois en moyenne chez les homosexuels et de plus de quatre ans chez les hétérosexuels. Et ce retard au diagnostic ne s'améliore pas au fil des années, malgré les efforts déployés par les pouvoirs publics pour systématiser le repérage.
«Au-delà de l'intérêt pour la santé individuelle des personnes atteintes, le dépistage précoce est un enjeu collectif majeur en termes de prévention et de contrôle de l'épidémie», a rappelé le Conseil national du sida dans un rapport publié le 22 mars. Les personnes qui sont informées de leur séropositivité protègent en effet leur partenaire et limitent les comportements à risque. On sait aussi désormais que le traitement antirétroviral, en diminuant la quantité de virus présente dans les sécrétions, réduit très fortement le risque de transmission sexuelle.
Selon Antoine Henry (Aides), «dépister et traiter tous les séropositifs qui s'ignorent signerait la fin de l'épidémie en deux ou trois décennies». C'est avec cet objectif que l'association demande une sensibilisation des Français à l'intérêt d'un dépistage très régulier. L'étude de l'Inserm montre que 70 % des personnes contaminées sans le savoir ont été infectées depuis plus d'un an (16 % vivent avec le VIH depuis plus de cinq ans).
Pour les spécialistes, l'arrivée prochaine des autotests permettra d'accroître les opportunités de repérage du sida. Grâce à l'analyse d'une goutte de sang prélevée au bout du doigt, ils livrent un diagnostic en trente minutes. Leur mise à disposition en France vient d'être validée par le Comité consultatif national d'éthique. L'association Aides, qui les utilise depuis 2010, précise qu'ils permettent de toucher des populations éloignées du système de soins. Selon l'association, ce dépistage «hors les murs» a été à l'origine l'an dernier de dix fois plus de résultats positifs que dans les centres classiques.