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 François Jacob, prix Nobel de médecine et résistant, est mort

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Jamel
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Jamel


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François Jacob, prix Nobel de médecine et résistant, est mort Empty
MessageSujet: François Jacob, prix Nobel de médecine et résistant, est mort   François Jacob, prix Nobel de médecine et résistant, est mort Icon_minitimeLun 22 Avr - 10:14

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François Jacob, prix Nobel de médecine et résistant, est mort

Mis à jour le 21/04/2013 à 23:21 - Publié le 21/04/2013 à 23:07

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François Jacob en 1997, sous la Coupole de l'Académie française, où il a été élu fin 1996.

Médecin des Forces françaises libres et prix Nobel de médecine 1965, il avait 92 ans.

Il avait vingt ans en 1940. François Jacob est mort vendredi à l'âge de 92 ans. Prix Nobel de médecine en 1965, avec André Lwoff et Jacques Monod, pour ses travaux sur le contrôle génétique des synthèses enzymatiques et virales, il avait combattu avec les Forces françaises libres pendant la seconde guerre mondiale. Auteur de nombreux livres, il fut l'un des rares scientifiques admis à l'Académie française. «Enfant, j'ai parfois rêvé être un autre», racontait-il dans La statue intérieure, un ouvrage autobiographique d'une profondeur saisissante publié en 1987 chez Odile Jacob, la maison d'édition fondée par sa fille deux ans plus tôt. Il n'aura en réalité jamais cessé d'être lui-même. «Je porte en moi, sculptée depuis l'enfance, une sorte de statue intérieure qui donne une continuité à ma vie, qui est la part la plus intime, le noyau le plus dur de mon caractère. Cette statue, je l'ai modelée toute ma vie», écrivait-il alors.

Fils unique de Simon Jacob et de Thérèse Franck, né le 17 juin 1920 à Nancy, le jeune François profitera d'une enfance bourgeoise aussi douce que brutalement détournée de son cours. A l'âge des premiers grands choix, il commence par lorgner sur Polytechnique suivant en cela le modèle de son grand père, Albert Franck, «premier juif à atteindre le grade de général de corps d'armée», et dont il n'est pas peu fier. Son passage en «matélém» (mathématiques élémentaires) le dissuade de persévérer dans cette voie ou «la fonction du lycée était moins d'enseigner que de mater les jeunes, les uniformiser, les couler tous dans le même moule». Non pas qu'il rechigne à l'effort, mais encore faut-il que celui-ci lui semble justifié. L'alchimie s'opère après une visite dans un service de chirurgie, «un monde qui, aussitôt, me passionna». Un monde sur le point de basculer.

Début juin 1940, il perd sa mère au moment où la France se perd. «Un monde qui finissait, le monde doux et tiède de mon enfance». Il rejoint son père, réfugié avec ses grand-mères à Vichy, avant de gagner Saint-Jean-de-Luz. «Quel inimaginable bordel! En quelques jours, on a vu se désintégrer un pays tout entier», témoignera-t-il sans ambages dans La statue intérieure. Le voilà voguant vers l'Angleterre avec son ami Maurice Schumann, «embarqué sur un même bateau pour aller poursuivre la guerre contre l'Allemagne nazie». Il s'engage comme artilleur dans les Forces françaises libres mais se trouve rapidement affecté au service de santé comme médecin auxiliaire. Il ne reposera le pied en France que quatre années plus tard, le 1er août 1944, en Normandie, à Utah Beach.

Quatre années de sable, de soleil et de sang. Dakar, tout d'abord en septembre 1940, puis le Gabon, le Tchad, la Lybie, la Tunisie. Première blessure, au bras, par un éclat de mortier au Djebel Garci au Sud de Tunis en mai 43. Mais c'est en août 44 que la libération de la France prend pour François Jacob un goût amer. Il est sévèrement blessé en portant secours à un camarade lors d'un bombardement aérien qui laisse dans sa chair plus de quatre-vingts éclats d'obus. Le début d'un long chemin de croix dans les hôpitaux, d'opération en opération, qui va durer plus d'un an. Lui, l'engagé des premières heures, fêtera la libération de Paris, à l'hôpital du Val-de-Grâce, «cloué sur un lit comme un hanneton sur le dos. Emprisonné comme dans une camisole de force», plâtré de la tête au pied.

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«Ce que l'homme cherche jusqu'à l'angoisse dans ses dieux, dans son art, dans sa science, c'est la signification.»

François Jacob
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La vie reprend son cours interrompu. En 1947 il épouse la pianiste Lise Bloch, avec qui il aura quatre enfants: Pierre, Laurent, Odile et Henri. Veuf, il épousera Geneviève Barnier, fondatrice du Samu de Paris, en seconde noce.

Plus question pour le blessé de guerre d'être chirurgien, «ce métier n'admettait aucun handicap», tranche-t-il sans hésiter. «Faute d'être médecin, il me fallait un autre destin. Je ne savais que faire. Je voulais tout faire. Pas la moindre vocation. Une totale vacance d'esprit et de goût. Prêt à tout et à rien. Capable de tout et de rien». Le hasard des rencontres, les tâtonnements de la jeunesse, François Jacob les confesse avec d'autant plus de facilité que l'on sent en l'homme un agnosticisme qui le pousse, sans qu'il le sache encore, vers la recherche scientifique. La religion, il s'en est défait peu après sa «Bar-Mitzvah», comme on refuse subitement de remettre un vêtement encore familier la veille. Le jour de Kippour, «soudain fulgura l'interrogation: “Et si Dieu n'existait pas”». François Jacob y répond à sa façon, rude mais poétique, subite mais définitive, vertigineuse mais humble: «Le ciel était vide. Les hommes étaient seuls. Seuls ils faisaient ce qu'ils pouvaient. Comme ils pouvaient».

Pas sûr que Dieu lui ait manqué: «Ce que l'homme cherche jusqu'à l'angoisse dans ses dieux, dans son art, dans sa science, c'est la signification. Il ne supporte pas le vide. Il verse du sens sur les événements comme du sel sur les aliments». Avec une immodestie qu'on lui pardonne d'autant plus aisément qu'il eu ensuite le prix Nobel et n'avait alors pas vingt ans, François Jacob annonce ses intentions: «Si Dieu n'existait pas, il fallait s'en passer. Le ciel vidé, il y avait une terre à remplir et c'était à moi de la remplir. Un monde à construire et c'était à moi de le construire».

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François Jacob (à droite) et Jacques Monod, ici en 1971 dans leur laboratoire de l'Institut Pasteur, à Paris. Les deux hommes ont remporté le prix Nobel de médecine en 1965.

Tendu vers son destin, François Jacob va aimer la recherche. Il va l'aimer passionnément, éperdument. «Je cherche la Terre promise. J'écoute la musique des lendemains. Ma nourriture c'est l'expectation. Ma drogue, l'espoir», écrira-t-il. Sa Terre promise, il la trouvera à l'Institut Pasteur, dans le laboratoire d'André Lwoff, à l'autre bout du couloir de Jacques Monod, ses deux mentors avec qui il sera à jamais unis dans l'histoire de la médecine, puisqu'il partage avec eux le prix Nobel de médecine 1965.

Trois sentiments apparemment sans lien vont précipiter François Jacob au cœur de la révolution génétique qui s'amorce. Tout d'abord un pressentiment, alors que nous sommes au début des années 1950 et que Watson et Crick n'ont pas encore découvert la structure de l'ADN: «À certains indices, on pouvait espérer un prochain remue ménage aux confins de la génétique, de la bactériologie et de la chimie. De toute la biologie, c'était la génétique, la science de l'hérédité qui m'attirait le plus». François Jacob veut y participer. Il en sera l'un des meneurs.

Ensuite, une révolte, plus viscérale celle là, le fourvoiement de la science communiste à travers l'affaire Lyssenko, qui conduisit en déportation des scientifiques au motif que la génétique était incompatible avec le matérialisme dialectique. «Que la passion idéologique pût conduire à un tel abaissement, une telle servilité, des hommes libres de toutes contraintes apparente que les intellectuels communistes français groupés derrière Aragon, c'était incroyable. Devant ce délire collectif, la génétique devenait un bastion de la raison. Faire de la génétique, c'était refuser l'intolérance et le fanatisme».

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«Je suis conscient de n'être qu'un maillon dans une longue chaîne de chercheurs»

François Jacob, lors de sa réception à l'Acédémie française
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Enfin, son ignorance, lui dont le diplôme de médecin finalement acquis en 1947 devait plus à ses faits de guerre qu'à ses compétences médicales. «Penser en termes de génétique et non de biochimie convenait à un ignorant de mon genre», confesse-t-il amusé. Une ignorance qu'il va rapidement combler. La découverte qui lui vaudra le prix Nobel, il la fait en 1958. Appuyé sur André Lwoff, d'un côté, expert mondial de l'évolution des êtres unicellulaires dans leurs capacités biosynthétiques, et sur Jacques Monod de l'autre, plongé dans l'adaptation enzymatique des bactéries en fonction du milieu dans lequel elles se trouvent. «Je suis conscient de n'être qu'un maillon dans une longue chaîne de chercheurs», dira-t-il modestement lors de son discours de réception à l'Académie française en 1997.

http://www.ina.fr/video/CPF86655639

Mais si la recherche a besoin de rigueur, elle a aussi besoin de créateurs de monde: «Elle commence par l'invention d'un monde possible, ou d'un fragment de monde possible, pour le confronter, par l'expérimentation, au monde extérieur». L'apport de François Jacob sera décisif. En découvrant l'opéron lactose de l'E .Coli, il dévoile la façon dont la régulation des gènes de biosynthèse s'exerce sur l'ADN lui-même, par un mécanisme de marche/arrêt. Il pose surtout ainsi les bases du génie génétique qui va révolutionner toute la médecine.

En 1960, il est nommé Professeur de génétique cellulaire au Collège de France. Ils publient deux ouvrages devenus incontournables dans l'histoire de la génétique, La logique du vivant, une histoire de l'hérédité (1970) et Le jeu des possibles, essai sur la diversité du vivant (1986). Dans la statue intérieure, il laisse surtout ce message à ceux qui forment la longue chaîne de chercheurs: «C'est à nous de plaquer les accords, d'écrire la partition, de faire jaillir la symphonie, de donner aux sons une forme que, sans nous, ils n'ont pas». Lui qui, enfant, ne craignait rien tant que d'avoir une vie ennuyeuse aura déjoué toute la fureur du siècle. Il avait vingt ans en quarante.

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