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Mariage gay : la calme détermination des opposants
Mis à jour le 22/04/2013 à 06:43 - Publié le 21/04/2013 à 23:56
Entre 45.000 personnes, selon la police, et 270.000, selon les manifestants, ont participé au défilé.
À deux jours du vote de la loi, la mobilisation restait intacte parmi le cortège qui a défilé dimanche à Paris.
Galvanisés par un soleil de printemps, ils sont venus nombreux au point de ralliement, place Denfert-Rochereau, à Paris, pour manifester jusqu'aux Invalides contre le mariage et l'adoption par les couples homosexuels, dont le texte de loi est solennellement voté mardi. Une étape, pas la fin du mouvement, qui doit se prolonger par deux autres manifestations les 5 et 26 mai. Entre 45.000 personnes, selon la police, et 270.000, selon les manifestants, ont défilé avec pancartes et drapeaux dans une ambiance rythmée par la sono, les cornes de brume, les coups de sifflets et les appels à l'unité de Frigide Barjot. L'égérie de la Manif pour tous récuse toute comparaison de mobilisation, n'ayant pas appelé à un rassemblement national ce dimanche.
«Hollande, ta loi, on n'en veut pas!», s'époumonaient les manifestants. «Pas de fiction pour la filiation », affichaient des banderoles, «Touche pas au mariage, occupe-toi du chômage ». Les jeunes et les familles sont venus par Scénic et Picasso entières, mais c'est surtout l'ancienne génération qui frappe par son nombre et sa détermination. Cannes-sièges, mises impeccables, soie et lainages… La France d'avant est là. En chignon pour les dames, en complet-cravate pour les messieurs. François, 80 ans bientôt, porte beau sous sa pancarte qui lui barre le torse: «Gauche, droite, peu importe la position, un père une mère pour la filiation», est-il écrit. Cet ancien ponte de l'industrie est de toutes les Manifs pour tous alors qu'il n'a jamais manifesté de sa vie. «On vit peut-être une repolitisation de toutes les masses inertes», dit-il à la vue de tous «ces anciens» qui battent le pavé. «La plus grande idéologie fasciste, c'est l'égalité, affirme-t-il. C'est la diversité qui est le garant de la stabilité.» Son fils, Jean-Yves, chercheur en biotechnologies à Villejuif, conforte son jugement: «En biologie, sur le plan de la cellule, l'égalité, c'est la mort, dit-il, c'est ce qu'on apprend en cours de première année.»
La France d'avant est làDes dames très chics, entre 76 et 84 ans, sont venues entre amies. Des gens de Paris, de banlieue et de province alors que la manifestation n'était pas annoncée comme nationale. Hubert, Claire et Jean-Marie sont venus de Brest et du Havre en voiture, car leur «place est là». À 48 heures du vote de la loi, ils ont toujours l'espoir qu'elle ne verra pas le jour. «La loi n'est pas encore promulguée et après il y a encore le Conseil constitutionnel, dit l'un deux. C'est déjà arrivé qu'une loi soit abrogée!» Le petit groupe pense aussi que le mouvement de la Manif pour tous ne sera pas circonscrit au débat sur le mariage homo, qu'il vivra au-delà «compte tenu des autres défis bioéthiques qui s'apprêtent à modifier la famille et l'être humain dans les années à venir ». Dans le cortège, avec des représentants UMP, on compte quelques membres du Front national, comme Gilbert Collard. Des sympathisants du FN défilent avec des drapeaux tricolores, tel Rémi, 20 ans, venu d'Orly où il travaille dans un magasin de jouets. C'est sa première Manif pour tous: «Je suis contre l'adoption par les homos qui me choque beaucoup.»
Le dernier sondage BVA pour i-Télé a indiqué que 58 % des Français étaient pour la loi, mais que 53 % étaient opposés à l'ouverture de l'adoption aux homosexuels. À cause des nombreux incidents qui ont émaillé les semaines passées entre pro et anti-mariage, les forces de l'ordre avaient été renforcées et Frigide Barjot, en préambule de la manifestation, avait tenu à faire une mise au point et un appel à la non-violence. 600 bénévoles de la Manif pour tous avaient été affectés à la sécurité et devaient coopérer avec la police pour repérer et isoler les «casseurs » et «radicaux » que récuse le mouvement. Sur son char à la sono hurlante, elle cherchait non sans ironie où étaient «les éléments incontrôlés » et «les pères et les mères haineux ». Et d'exhorter la foule à «prouver à la face de la France » que les manifestants étaient «les premiers acteurs de la sécurité et de la paix civile ». «Nous ne sommes ni violents ni homophobes, c'est tout le contraire, a-t-elle martelé. Ceux qui veulent le faire croire nous tendent un bâillon: celui de la propagande et du dénigrement. Or notre mouvement c'est la résistance de la paix, un appel du cœur, des tripes, de l'âme.»
À quelques mètres en retrait de la manifestation, une file s'allonge devant le stand des produits dérivés à l'effigie de la manif. Tout le monde veut le sweat-shirt figurant un père et une mère tenant la main de leurs deux enfants. Rupture de stock. Chantal et Philippe, 60 et 67 ans, sont dépités. On s'arrache alors les bracelets et les étoles roses et bleus. «Une bleue, s'il vous plaît, c'est pour mon curé!», lance une cliente. Grâce aux sweat-shirts à 35 € et autres souvenirs, «les recettes vont de 50.000 à 100.000 euros par manif », confie une jeune vendeuse bénévole. Mais promis, assure-t-elle, «il y aura du réassort pour les prochaines manifs ».
Dans la soirée, alors que la manifestation s'était dispersée, des heurts ont opposé des militants à la police. Une quinzaine de personnes auraient été interpellées du côté des Invalides.