WEB - GOOGLE - ACTUALITE > International
Boston : Bruguière juge la piste islamiste sérieuse
Mis à jour le 18/04/2013 à 11:09 - Publié le 18/04/2013 à 09:47
Jean-Louis Bruguière, l'ancien patron de l'antiterrorisme en France, en 2009.
Le FBI s'intéresserait à deux suspects moyen-orientaux ou maghrébins, identifiés sur des clichés pris durant le double attentat. L'ancien patron de l'antiterrorisme en France juge l'hypothèse djihadiste crédible.
Alors que le FBI aurait identifié sur des photos deux suspects, possibles ressortissants du Maghreb ou du Moyen-Orient, l'ancien vice-président du tribunal de Paris chargé de la coordination antiterroriste en France, Jean-Louis Bruguière, explique pourquoi il faut prendre au sérieux la piste islamiste dans les attentats de Boston. Resté très proche des autorités américaines, l'ex-juge l'assurait au
Figaro dès le 16 avril, au lendemain des attaques sur le sol américain: «Ce n'est pas parce qu'al-Qaida au Pakistan prétend ne pas être l'auteur d'une agression que celle-ci n'a rien à voir avec le djihad». Lui a évoqué d'emblée l'hypothèse d'un acte d'al-Qaida en Afrique, type Aqmi (al-Qaida pour le Maghreb islamique ). Un acte peut-être en lien avec les soubresauts au Mali et plus généralement dans la région subsaharienne, «où le djihad s'internationalise», rappelle-t-il.
Depuis la double explosion de lundi aux États-Unis, la piste du terrorisme interne était surtout évoquée, notamment celle de l'extrême droite. Mais le juge Bruguière trouvait «étrange que cette mouvance américaine, focalisée dans un combat contre les institutions fédérales ou leurs représentants, s'en prennent subitement à des civils et même à des enfants, dans un attentat aveugle».
Nitrate de fioul ou poudre noirL'explosion filmée et largement diffusée par les médias a fait dire à cet observateur avisé, qui a visionné des dizaines de films d'attentats et assisté à de nombreuses reconstitutions techniques, que «l'explosif employé à Boston n'était pas un explosif brisant, de type semtex ou penthrite».
Selon lui, «les images font plutôt penser à une explosion de nitrate de fioul ou de poudre noire, très usités par les islamistes radicaux». Le morceau, retrouvé sur place, de la cocotte-minute contenant l'explosif accrédite, il est vrai, une telle hypothèse. Par ailleurs, «le mélange avec des billes d'acier et de clous, pour faire un maximum de victimes, ainsi que les explosions coordonnées, sont typiques de la signature des commandos type Aqmi ou Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC)». Il cite comme exemple les attentats de Madrid en 2004.
À quelle logique répondrait une telle agression? «Le Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), issu d'une scission d'Aqmi en 2011, a annoncé récemment qu'il comptait internationaliser son combat et il s'appuie sur les islamistes libyens, spécule le juge Bruguière. Par ailleurs, dans la région, le groupuscule islamiste du Nigeria Boko Haram, responsable notamment de l'enlèvement d'une famille française au Cameroun, a revendiqué son allégeance à al-Qaida.»
Le précédent Hamed RessamSi la piste islamiste devait se vérifier, l'ancien magistrat invite à s'intéresser à ce qui se passe dans la communauté islamiste au Canada. «L'opération contre la base pétrolière de BP en Algérie, en janvier dernier, agrégeait deux islamistes venus du Canada.» Et l'ancien juge d'ajouter: «L'opération terroriste de Mogadiscio, le 14 avril dernier, qui fit 34 morts, avait été pilotée également par un Canadien et en incluait un autre dans le commando.»
Jean-Louis Bruguière rappelle que «c'est aussi par le Canada que Hamed Ressam avait tenté de passer pour réaliser un attentat contre l'aéroport de Los Angeles en 1999, en prélude aux actions du 11 septembre 2001». Selon lui, le nord des États-Unis, avec sa frontière terrestre, est «perméable».
Et l'ex-juge de conclure: «Si c'est bien cette piste africaine qui émerge, ce serait un bouleversement géopolitique majeur, car ces actions placeraient l'Afrique au centre des préoccupations de la population américaine. Et les États-Unis restent rarement sans réagir…» Les enquêteurs du FBI disent ne vouloir pour l'heure privilégier aucune thèse.