WEB - GOOGLE - ACTUALITE > Société Pro et anti-mariage gay inquiets des violences
Mis à jour le 10/04/2013 à 22:44 - Publié le 10/04/2013 à 21:08
La leader des anti-mariage pour tous, Frigide Barjot (ici lors d'une manifestation le 4 avril à Paris) et le rapporteur PS du projet de loi, Erwann Binet, ont tous deux subi des intimidations.
Les opposants comme les défenseurs du projet de loi sont harcelés jour et nuit. Une dérive qui les préoccupe.
Il y a les injures, les slogans outranciers, les brimades insidieuses, les crachats, les coups même, parfois. Depuis l'automne, les organisateurs de la Manif pour tous sont harcelés jour et nuit. En face, le camp des pro-mariage gay subit le même traitement, symptomatique d'une radicalisation du débat. Mais ne l'analyse pas de la même manière.
<p>Têtes d'affiches du débat, Frigide Barjot, égérie du collectif anti-mariage gay, tout comme Erwann Binet, rapporteur PS du texte, ou Nicolas Gougain, président de l'Inter-LGBT (Lesbiennes, Gay, Bi, Trans), constituent des cibles privilégiées d'attaques. Fin mars, la polémiste catholique a porté plainte pour «dégradation volontaire» de son scooter et «appels malveillants». «Avant et après chaque manifestation, les coups de fil redoublent, indique-t-elle, précisant être sous antidépresseurs. Menaces de mort, de viols ou de crucifixion, je reçois des appels ininterrompus et des mails en cascade.» Florilège: «2 planches, 3 clous, Jésus l'a fait, pourquoi pas vous!», «Mes 2 papas te pètent la gueule quand tu veux!».
Autre porte-parole de la Manif pour tous, Xavier Bongibault, de «Plus gay sans mariage», ne compte plus non plus les offenses. «J'ai été violemment agressé à Bruxelles par des militants socialistes belges, raconte le jeune homme. Mais l'attaque la plus grave a eu lieu dans un bar gay où j'ai mes habitudes: on m'a brisé deux verres sur la figure.»
Des enveloppes remplies d'excrémentsLe collectif a également porté plainte contre l'homme d'affaires Pierre Bergé, qui avait retweeté en mars le message d'un certain Andrea C.: «Vous me direz, si une bombe explose sur les Champs à cause de #laManifPourTous c'est pas moi qui vais pleurer». Quelques jours plus tard, une conférence de presse des opposants avait été interrompue par une alerte à la bombe.
Les défenseurs du texte ne sont pas en reste. En janvier, le député socialiste d'Isère, Erwann Binet, a reçu des enveloppes remplies d'excréments. En novembre, une lettre garnie d'une douille atterrissait à la fédération PS de l'Isère. Plus récemment, il s'est vu empêché de débattre dans deux universités, à Saint-Quentin-en-Yvelines puis à Saint-Étienne, où il a été reçu par des «gaillards» des jeunesses nationalistes criant «La France aux Français». Le rapporteur vient d'annuler toutes ses conférences. «Depuis quelques semaines, le dialogue est tout simplement devenu impossible», regrette l'élu, qui craint une poussée de violence. Même s'il s'amuse des missives qui le qualifient de «manipulateur», comme des coups de téléphone où des interlocuteurs hurlent «connard» avant de raccrocher.
Nicolas Gougain, à la tête de l'Inter-LGBT, préfère rester discret sur le tombereau d'insultes déversé sur son compte Twitter, de messages «odieux» sur son adresse mail ou son répondeur. «Je n'ai jamais porté plainte, dit-il. Ce que je subis, je ne souhaite pas en faire un élément de communication. C'est anecdotique en rapport à l'homophobie quotidienne que subissent les homosexuels. Ce n'est pas une nouveauté, même si aujourd'hui une frange de l'opposition perd pied et se sent autorisée à dire des horreurs.» Pas toujours «rassuré», il est en contact avec la ­Préfecture de police pour faire le point sur sa sécurité à la tenue de chaque rassemblement.
Agressions homophobesAlors que l'agression de deux homosexuels, le week-end dernier à Paris, a fait le tour des réseaux sociaux, photo de la victime à l'appui, SOS Homophobie pointe une «augmentation inédite» des outrages, avec environ 1.200 témoignages depuis le début de l'année. «Nous avons reçu trois fois plus d'appels en décembre 2012 et près de quatre fois plus en janvier 2013 d'un an sur l'autre. Quatorze ans après le Pacs, on a l'impression que rien n'a changé», déplore Michaël Bouvard, vice-président de SOS Homophobie. Mercredi, les associations de défense des homosexuels appelaient à un rassemblement d'urgence contre l'homophobie devant l'hôtel de ville de Paris.
Si les anti comme les pro s'inquiètent de l'exaspération montante, les interprétations divergent. «Je m'étonne d'un nouvel appel à manifester des anti alors que la loi est quasiment ratifiée, constate Nicolas Gougain. Au vu des récents débordements d'une frange radicale, ce n'est pas très responsable.» «Nous avons dit depuis le début que ce projet de loi allait entraîner une résurgence de l'homophobie, clame Frigide Barjot. C'est la responsabilité du gouvernement qui refuse d'entendre le peuple.»