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Hollande veut dégeler les relations avec Poutine
Mis à jour le 27/02/2013 à 23:44 | publié le 27/02/2013 à 17:57
Vladimir Poutine et François Hollande, lors d'une conférence de presse à l'Élysée, à l'occasion de leur première rencontre, le 1er juin 2012.
Le chef de l'État, qui est accompagné par des grands patrons français, est reçu ce jeudi au Kremlin par le président russe.Méthodiquement, voyage après voyage, François Hollande s'applique à dérouler une feuille de route axée sur la diplomatie économique en direction des grandes nations émergentes.
Après l'Inde, où il a récemment mis les pieds pour la première fois, avant la Chine où il ira bientôt, le chef de l'État découvre jeudi la Russie - en l'occurrence plutôt un pays «ré-émergent» - accompagné d'une quinzaine de chefs de grandes entreprises (Airbus, Total, Astrium, Technip, SNCF, Thales, Sanofi, LVMH…). Une visite qui, dit-on une fois encore à l'Élysée, ne vise pas à signer des contrats, mais plutôt à «faciliter» et à «accélérer» l'aboutissement des affaires. Dans cet esprit, les patrons seront reçus au Kremlin en présence des deux chefs d'État. Quelques accords sont prévus à cette occasion, dont un entre la SNCF et les chemins de fer russes.
À écouter les diplomates qui ont préparé cette «visite de travail», on ne peut pas dire que François Hollande se rende à Moscou dans l'enthousiasme - plutôt par intérêt bien compris. Comme le chef de l'État l'a lui-même laissé entendre, sa première rencontre avec Vladimir Poutine, début juin à l'Élysée, ne s'est pas franchement traduite par un coup de foudre. Depuis, des «irritants», parfois persistants comme la Syrie ou le problème des visas (qui fera l'objet d'un accord), parfois plus anecdotiques mais très médiatiques, tel le tapis rouge ostensiblement déroulé à Gérard Depardieu, n'ont pas contribué à réchauffer le climat.
Convergence sur le MaliPourtant, avec la Russie, le partenariat est structuré, comme nul autre, en rencontres régulières à tous les niveaux. Cela n'empêche pas une forme de brouillage permanent et, souvent, d'incompréhension mutuelle, dont le déséquilibre des relations économiques porte la marque. Les investissements russes en France se montent à 1 milliard d'euros, soit douze fois moins que dans le sens inverse. Beaucoup reste à faire pour accroître, fluidifier et diversifier les échanges commerciaux, qui ont quadruplé en une décennie, mais dans lesquels les achats de gaz et d'hydrocarbures entrent pour une large part.
Si le défi n'est pas relevé, certains invoqueront aussi une «difficulté» traditionnelle de la gauche française, pour des raisons puisant à l'histoire, de traiter avec les dirigeants russes, lesquels, eux, préféreraient notoirement avoir affaire à des gouvernements de droite. «Il faut miser sur la Russie pour deux raisons: son potentiel d'universalité et sa francophilie», estime pour sa part un ambassadeur de France. Alors que Barack Obama, engageant son deuxième mandat, pourrait tenter de relancer
(reset) une nouvelle fois ses relations passablement dégradées avec Moscou, Français et Européens pensent avoir une carte à jouer.
Rencontre avec des personnalités de l'oppositionÀ l'Élysée, de fait, on souhaite développer une relation «forte et stable» avec un grand pays, membre du Conseil de sécurité de l'ONU, du G8, du G20, et dont le rôle est jugé «essentiel pour former le consensus et atteindre les décisions à l'échelle internationale». Peu de «consensus» est toutefois à attendre sur la Syrie. Le sujet sera abordé jeudi «de façon franche et sans tension», promet-on à Paris. Mais malgré de récents signes d'ouverture en direction de certains pans de l'opposition, Moscou, tout en n'excluant pas un avenir sans Bachar el-Assad, n'est toujours pas prêt à sacrifier son allié sur l'autel d'une solution politique. En revanche, davantage de convergence devrait s'exprimer sur l'Iran et sur le Mali. François Hollande plaidera notamment auprès de son interlocuteur pour l'envoi, après l'intervention militaire française, d'une mission de paix de l'ONU «à forte implication africaine».
Sur le plan des libertés fondamentales, une rencontre est prévue avec des personnalités d'opposition. Rien qui puisse fâcher le Kremlin. Cette question est «suivie avec une grande attention», dit-on dans l'entourage du chef de l'État en ajoutant que l'«on ne peut pas réduire la relation franco-russe à la question des droits de l'homme».
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Le retour du «Che» sur le front russeON A RETROUVÉ le général Chevènement sur le front russe. Nommé en octobre dernier «représentant spécial» pour les relations avec la Russie, le sénateur de Belfort, 74 ans la semaine prochaine, accompagne François Hollande à Moscou. Il s'y est déjà rendu à deux reprises, en décembre et en février, dans le cadre de la diplomatie économique lancée par Laurent Fabius. L'occasion pour lui de multiplier les rencontres avec les ministres et les grands patrons russes, tels celui des chemins de fer ou du holding d'État Rostechnologies.
Jean-Pierre Chevènement a été nommé en octobre dernier «représentant spécial» pour les relations avec la Russie.
«Je mets de l'huile dans les rouages, je suis un facilitateur», dit-il, lorsqu'on l'interroge sur son rôle. L'accueil que lui réservent ses interlocuteurs russes est «excellent», dit-on. «Ils me connaissent depuis longtemps», glisse l'ancien ministre de la Défense de François Mitterrand. En décembre, il était à Alger, aux côtés du chef de l'État, et le week-end dernier, à Bamako, avec une mission parlementaire.
Sur les bords de la Moskova, il rassure: souverainiste, étatiste, industrialiste, eurosceptique, américano-critique - le profil idéal. «Il apporte un regard différent et peut entretenir avec les autorités russes une relation plus directe que l'ambassadeur», estime un diplomate.
Pour Jean-Pierre Chevènement, la croissance russe, quoique ralentie (3,4 % l'an dernier, contre 7 % en 2000), reste porteuse, y compris, pense-t-il, en matière de libertés fondamentales: «Aider la démocratie, c'est aider la Russie à progresser et à soutenir l'essor de sa classe moyenne.» À l'aune des besoins croissants du pays, les perspectives de coopération économique sont prometteuses: énergie, automobile, transports, distribution… Ce qui ne l'empêche pas de rester prudent sur la réussite de ses efforts. Tout de même, se félicite-t-il sans en dire davantage, «de petits dossiers commencent à se débloquer»…