Tunisie : les islamistes passent à la "méthode GIA"

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Jeudi, 07 Février 2013 09:50

ASSASSINAT DE CHOKRI BELAÏD, SG DU PARTI DES PATRIOTES DÉMOCRATES UNIFIÉS, DANS UN ATTENTAT TERRORISTE

Tunisie : les islamistes passent à la “méthode GIA”

Par : Imed O



Le chef d’Ennahda, Rached Ghannouchi, et le ministre de l’Intérieur sont directement accusés par les manifestants d’être derrière cet attentat. L’opposition démocratique a appelé à une grève générale pour aujourd’hui.

La Tunisie est sous le choc. Tout le pays a été ébranlé, hier matin, juste après l’assassinat du leader du parti des Patriotes démocrates, tué à bout portant, à 8h15, par trois terroristes au parking de son immeuble à Menzeh-6, quartier chic de Tunis. L’information est tombée tel un couperet sur les chaînes de télévision. Tous les Tunisiens suivaient l’évènement avec émoi, la peur au ventre. On s’est rendu à Menzeh, mais rien ne donnait l’air que ce quartier venait de vivre un attentat terroriste. Sauf que toutes les bouches ne parlaient que de l’assassinat de Chokri Belaïd.

De là, on a appris que l’avenue Habib-Bourguiba était bondée de monde où la population est vite descendue pour protester devant le ministère de l’Intérieur contre cet assassinat. Sur place, on nous annonce que les avocats allaient suspendre leur activité pour rejoindre la protestation. Selon les avis recueillis auprès de beaucoup de manifestants, des femmes notamment, l’assassinat de Chokri Belaïd a été commandité par le parti Ennahda et les Qataris. Ce qui se passe actuellement en Tunisie, et plus particulièrement avec l’assassinat de l’opposant Belaïd, est quasiment le même scénario qu’a vécu l’Algérie au tout début des années noires, il y a 22 ans. “Mon frère a été assassiné, je suis plus que désespéré et déprimé”, a indiqué à l’AFP Abdelmajid Belaïd. Selon l'épouse de l’opposant, s’exprimant sur la radio Mosaïque, il a été touché par deux balles alors qu’il sortait de chez lui. Son frère a immédiatement accusé le parti islamiste Ennahda, qui dirige le gouvernement tunisien, d'être responsable du meurtre. “J’emmerde tout le mouvement Ennahda et j’accuse (son chef) Rached Ghannouchi d’avoir fait assassiner mon frère”, a-t-il déclaré. Alors que Rached Ghannouchi, joint par téléphone par la chaîne Al-Jazeera, dément toute implication de son parti dans cet assassinat qui, pour lui, “est une atteinte à la Tunisie et au projet de développement du pays”.

De leur côté, le gouvernement et le parti islamiste Ennahda ont vite réagi. Le Premier ministre tunisien, Hamadi Jebali, du parti islamiste Ennahda, a dénoncé sur la radio Mosaïque FM “un acte criminel et un acte de terrorisme” contre toute la Tunisie. Il a promis de tout faire pour que le tueur soit arrêté rapidement. Le président tunisien, Moncef Marzouki, a dû annuler sa participation au sommet de l'Organisation de la coopération islamique au Caire pour retourner d'urgence à Tunis. Il a dénoncé l’“odieux assassinat” de l’opposant Belaïd. Environ un millier de manifestants se sont rassemblés devant le ministère de l'Intérieur à Tunis avant de se diriger vers La Casbah. Les protestataires scandaient des slogans contre le parti islamiste Ennahda, qui dirige le gouvernement tunisien, et chantaient l'hymne national face au ministère. Plusieurs dizaines de manifestants ont pris d'assaut les locaux d'Ennahda à Mezzouna, situé à 75 km au sud-est de Sidi-Bouzid, avant de l'incendier. À Gafsa, dans le bassin minier tunisien, des dizaines de personnes ont pénétré dans les locaux d'Ennahda, y brisant les meubles et arrachant les banderoles du mouvement. Par ailleurs, environ 2 000 manifestants scandaient des slogans anti-islamistes à Sidi-Bouzid. Des centaines de personnes ont aussi manifesté à Kasserine, Béja et Bizerte. Abdenaceur Aouini, avocat et membre du Front populaire, n’a pas mâché ses mots en accusant le leader du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, d’avoir planifié l’assassinat de Chokri Belaïd et Ali Laârayedh, ministre de l’Intérieur, “de superviser cette opération d’assassinat”. M. Aouini a également indiqué que lui et les partisans du Front populaire vont prendre leur revanche sur les assassins de Chokri Belaïd et “balayer” le mouvement Ennahdha du pouvoir. Quatre formations de l'opposition tunisienne — le Front populaire (gauche), le Parti républicain, Al-Massar et Nidaa Tounes (centre) — ont lancé, hier, un appel à la grève générale jeudi et décidé de suspendre leur participation à l'Assemblée nationale constituante (ANC). Ces décisions ont été adoptées à l'issue d'une réunion entre ces formations politiques pour répondre au meurtre de l'opposant Chokri Belaïd, a expliqué à l'AFP le chef du Parti républicain, Nejib Chebbi. Ces partis, qui ont créé un comité de coordination ouvert à d'autres formations, ont appelé à la grève générale pour le jour des obsèques de l'opposant, prévues a priori jeudi, et exigé le départ du ministre de l'Intérieur, Ali Laârayedh, membre du parti islamiste Ennahda qui dirige le gouvernement. “Nous demandons le départ du ministre de l'Intérieur et la dissolution des Ligues de protection de la révolution (milice pro-pouvoir, ndlr) comme mesures immédiates”, a ajouté M. Chebbi. “Le ministre de l'Intérieur assume personnellement la responsabilité de l'assassinat de Chokri Belaïd, car il le savait menacé et n'a rien fait”, a-t-il accusé. M. Belaïd “est la première victime sur une liste de personnalités politiques ciblées par des assassinats, les autorités le savent et elles m'ont dit que je figure sur cette liste”, a affirmé M. Chebbi. “Tant que la police ne sera pas au service de tous les Tunisiens, la paix civile restera menacée et la transition démocratique compromise”, a-t-il averti.

I. O.