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Mali : la guerre en visite guidée pour la presse internationale
Mis à jour le 28/01/2013 à 10:11 | publié le 27/01/2013 à 19:28
Les militaires maliens ont conduit les journalistes sur les cibles des bombardements de l'aviation française à Konna.
Depuis le début de ce conflit, les médias ont la plus grande difficulté à s'approcher des zones d'affrontement. Seuls ceux embarqués à bord des blindés français ont pu suivre en partie le déroulement de l'offensive
De notre envoyé spécial à Sévaré Il y a une guerre au Mali mais on ne le voit presque pas. Il y a une guerre au Mali mais on ne la comprend pas. Et il y a une raison à cela. Depuis plus de deux semaines et le début de ce conflit, les médias ont la plus grande difficulté à s'approcher des zones touchées d'affrontement. Au fil des jours, la situation s'est détériorée. D'abord à une trentaine de kilomètres des fronts, les journalistes ont deviné, de loin, la poussée des armées françaises et maliennes vers le nord, vers Douentza, Gao puis bientôt Tombouctou. Seuls, ceux embarqués à bord des blindés français ont pu suivre le mouvement et distinguer un peu la réalité de l'offensive.
Les autres se trouvent à plusieurs centaines de kilomètres des villes reprises par les troupes qui, il est vrai, avancent bien plus vite que ne le prévoyaient les stratèges. De si loin, les rares informations ne sont souvent que des rumeurs, presque invérifiables car les téléphones sont coupés dans la partie du pays toujours aux mains des rebelles.
Tenter de suivre l'avancée par ses propres moyens, c'est se heurter aux barrages étanches que l'armée malienne a dressés sur les routes. Il s'agit d'éviter les infiltrations de djihadistes en déroute. D'éviter aussi, expliquent les officiers maliens, que des Occidentaux se fassent enlever ou servent de bouclier humain. Ce risque est réel.
«On ne peut pas tout dire, on ne peut pas tout montrer»Reste qu'atteindre simplement Sévaré, à 580 kilomètres de Gao, et qui n'est jamais tombée entre les mains des islamistes relève déjà de la gageure. Il faut parfois contourner les points de contrôle par la brousse et négocier des heures de passage.
Pour l'étape suivante, Konna, à 55 kilomètres de Sévaré, les discussions ont pris plus d'une semaine. L'attaque de cette ville par Ansar Dine le 9 janvier avait déclenché l'intervention française. Elle a été reprise, le 18 janvier, par les forces spéciales françaises, une victoire qui a symbolisé le début de l'offensive. Une fois encore loin des regards. Car ce n'est que samedi que les journalistes internationaux ont pu s'y rendre, bien encadrés. «On ne peut pas tout dire. On ne peut pas tout montrer. Pour Konna, c'est la visite guidée», avait ainsi expliqué un officier pour le moins honnête.
On conduit donc le cortège de presse devant la préfecture, l'éphémère QG local des islamistes. Il ne reste du bâtiment qu'une carcasse éventrée par les tirs des hélicoptères français. Le parking est jonché de pick-up carbonisés. Le maire, sein de l'écharpe tricolore, attend pour chaudement remercier la France et François Hollande. Le port de pêche, lui aussi touché, par des frappes aériennes offre le même visage. Peu à peu, des témoins des combats entre l'armée malienne et les islamistes arrivent.
Un conflit mystérieuxDans le quartier de Jamnat, les murs sont criblés d'impacts de balles. Une maison est trouée par un tir de roquette. Malick Sobodié a perdu ce jour-là sa sœur et trois nièces. Les voisins racontent la peur, l'arrivée brusque des islamistes, conduit par Amadou Kouffa, un marabout de Mopti. «Il y avait de tout parmi eux. Des Noirs comme des Arabes et des Touaregs. Ils nous ont tout de suite forcés à remonter nos pantalons et à voiler les femmes», se souvient Souleyman. Ils racontent aussi la «libération», l'entrée des troupes françaises à la nuit tombante et la fuite des islamistes. Lentement, une première image plus précise de la guerre et de l'invasion se dessine. Fugace. L'ordre est vite donné de partir.
Rarement, au cours des dernières années, une guerre aura été aussi peu accessible. Pourquoi? Nul ne le sait. La rapidité du déclenchement des combats, qui a laissé peu de temps à la préparation, est bien sûr une explication. Le peu d'habitude des troupes maliennes à communiquer en est une autre. Il n'empêche, les blocages font que la guerre au Mali est pour l'instant très mystérieuse.