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Prothèses PIP : les couacs des contrôles
Publié le 03/01/2012Les prothèses mammaires sont considérés comme des dispositifs médicaux. Elles requièrent à ce titre une certification CE pour leur mise sur le marché.
Les implants mammaires reçus par des milliers de patientes n'étaient pas conformes. Comment une telle fraude a-t-elle pu se produire pendant tant d'années?
Des révélations inquiétantes sur la composition des prothèses vendues par Poly Implant Prothèse (PIP) se sont multipliées lundi. Un groupe industriel allemand a confirmé avoir fourni à PIP du Baysilone, un type de silicone utilisé normalement pour sceller des matériaux de construction et dans les composants électroniques. D'autres huiles de silicones utilisées dans l'industrie du caoutchouc auraient également été employées par la société varoise pour fabriquer des prothèses, selon RTL. Or un implant mammaire est défini en France comme un dispositif médical (tout objet non-médicamenteux permettant de soigner). Quels mécanismes -qui n'ont pas fonctionné ici- sont censés en assurer la qualité et l'inocuité?
À l'Agence française du médicament (Afssaps), on explique que «les dispositifs médicaux ne requièrent pas d'autorisation de l'Afssaps, contrairement aux médicaments, mais seulement une certification CE de la part d'un laboratoire agréé». Ces laboratoires, au nombre de 70 à 80 en Europe, sont habilités par l'agence du médicament du pays où ils se trouvent et délivrent une certification valable dans toute l'Union européenne. Celle-ci est renouvelée régulièrement, en général une fois par an, sur la base d'un audit. C'est le fabricant qui fait appel au laboratoire. Il reste responsable du produit qu'il met sur le marché. Dans le cas des implants PIP, la procédure a été confiée au laboratoire allemand TÜV Rheinland, agréé par l'homologue allemand de l'Afssaps.
Le laboratoire dit avoir été «trompé»Problème: la certification CE se fait sur la base d'un «référentiel documentaire» - autrement dit des documents écrits - fourni par le fabricant. Elle est complétée d'une visite sur site pour interroger l'industriel sur son processus de fabrication, généralement sur rendez-vous. Et selon TÜV Rheinland, PIP a donné des informations falsifiées. L'organisme a d'ailleurs porté plainte le 10 février contre PIP auprès du parquet de Marseille, estimant dans un communiqué publié à cette date avoir été «trompé manifestement en totalité et constamment par l'entreprise PIP, au détriment des femmes concernées».
Confirmation du directeur de l'évaluation des dispositifs médicaux à l'Afssaps, Jean-Claude Ghislain, mercredi sur TF1/LCI: «PIP pratiquait des fabrications en désaccord total avec leur dossier de mise sur le marché, alors que leur documentation sur les lots fabriqués était conforme. Donc il y avait falsification de la documentation, ce qui rend évidemment les audits très difficiles».
Quant aux audits sur site, ils auraient été réalisés à l'insu du laboratoire sur des échantillons conformes conservés par PIP dans des cuves spéciales, tandis qu'un autre gel, moins cher, était utilisé pour la fabrication, selon les révélations d'un employé.
Contrôle sur siteSi la certification CE des dispositifs médicaux ne relève pas de ses compétences, l'Afssaps peut néanmoins procéder à des contrôles inopinés sur site - notamment si elle a des doutes sur la qualité des produits. C'est ce qui s'est produit en mars 2010, après le constat au dernier trimestre 2009 d'une augmentation du taux de rupture des prothèses - deux fois supérieur à la normale - et les craintes exprimées par un expert sur les pratiques de la société varoise. «Ce genre de contrôle ne s'improvise pas en une semaine», insiste-t-on à l'Afssaps pour justifier le délai de réactivité. L'enquête a révélé l'utilisation d'un gel de silicone différent de celui qui avait été déclaré lors de la mise sur le marché et l'Afssaps a demandé le retrait du marché des implants PIP. La dernière inspection de l'Agence remontait à 2001, et un lot non-conforme avait été retiré, mais il ne s'agissait pas de prothèses remplies de gel de silicone, précise l'organisme.
Les prothèses aujourd'hui incriminées n'auraient en effet pas toujours été d'aussi mauvaise qualité. Les enquêteurs soupçonnent la direction de PIP, en proie à des difficultés financières, d'avoir modifié la composition de ses produits au milieu des années 2000 pour réduire les coûts de fabrication. Dès 2005, des représentants commerciaux de la société ont d'ailleurs alerté la direction sur le défaut de solidité des prothèses. Peine perdue: ils ont été invités à se concentrer sur le chiffre d'affaires de l'entreprise.