Mort de Ravi Shankar : c'est un peu grâce à lui que je suis musicienne

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Mort de Ravi Shankar : c'est un peu grâce à lui que je suis musicienne

Modifié le 12-12-2012 à 19h42

LE PLUS. La légende indienne du sitar, Ravi Shankar, est décédé à l'âge de 92 ans aux États-Unis. Des Beatles à John Coltrane, en passant par les Rolling Stones, nombreux sont les artistes à avoir été influencé par ce virtuose des cordes. Pour Brigitte Menon, sitariste, le musicien a le mérite d'avoir popularisé la musique indienne.


Ravi Shankar est décédé à l'âge 92 ans à San Diego

Ravi Shankar restera celui qui a introduit et popularisé la musique indienne en occident, celui grâce à qui j’ai entendu les premiers sons de sitar, celui qui m’a donné envie de voyager en Inde, et finalement celui qui m’a permis de découvrir Ustad Vilayat Khan. Aujourd’hui, je suis musicienne sitariste et Ravi Shankar n’y est pas pour rien même si je me suis tournée vers un style très différent !

Dans les années 70, j’étais alors lycéenne et je m’essayais à la guitare, au violon, aux instruments à cordes en général. Je me rappelle avoir entendu Ravi Shankar et d’avoir été intriguée et fascinée par les sons du sitar. Une musique que je pratique maintenant depuis 36 ans.

Un musicien ouvert sur le monde

Ravi Shankar était un grand musicien, mais c’était aussi une personnalité très différente des musiciens traditionnels indiens. Éclectique, éloquent, cultivé, il était très ouvert sur les autres cultures. Il a aussi rencontré les bonnes personnes au bon moment. Il s’est notamment fait connaître grâce à Yehudi Menuhin, le violon du siècle !


Ravi Shankar, accompagnée par sa fille Anoushka Shankar au Symphony Hall de Birmingham

À 10 ans déjà, ce jeune garçon issu d’une famille de notables érudits voyageait beaucoup, notamment en France. Il parlait français, anglais et savait particulièrement bien s’exprimer, communiquer. Danseur dans la compagnie de son frère Uday, il s’est par la suite intéressé à cet instrument étonnant : le sitar.

Les Beatles, Les Rolling Stones et John Coltrane

Grâce à lui, dans les années 70, de nombreux artistes ont été inspirés par la musique indienne. Ils ont découvert cette musique extra-européenne et ont été touchés par le mysticisme qui en émanait.

George Harrison, musicien hors-pair et membre des Beatles, fût l’un de ses plus célèbres disciples. Une influence que l’on retrouve notamment dans l’album "Sgt.t Pepper’s Lonely Hearts Club Band" et le titre "Within You Without You".


Extrait de l'album "Sgt.t Pepper’s Lonely Hearts Club Band" des "Beatles" : "Within You Without You"

Dans une moindre mesure, on pourrait citer les Rolling Stones et leur "Paint it Black". Il y a également eu John Coltrane qui a composé le titre "India" et a appelé son fils Ravi en son honneur. Ses collaborations très nombreuses et diverses, heureuses ou non, reflètent son esprit très créatif.

En 1969, Ravi Shankar joue au festival de Woodstock. Il y avait là un côté un peu incongru. Lui, qui était plutôt strict sur ses principes, participait à un évènement musical où tout était permis.

Il avait pourtant senti chez les jeunes le formidable espoir d’un monde nouveau et ouvert et il ne manquait jamais une occasion de faire connaître sa musique. Seulement il exigeait le respect et par exemple refusait de jouer si les gens buvaient de l’alcool ou s’il jugeait le comportement de son public irrévérencieux.

Je respecte sa démarche

J’ai rencontré à plusieurs reprises Ravi Shankar. J’appréciais ce type de musique, mais il m’est aussi arrivé d’être déçue par quelques-unes de ses prestations. C’était un très bon sitariste mais j’aimais moins ses compositions.

Certains disent que son ex-épouse, Annapurna Devi, est une bien meilleure musicienne que lui. Aujourd’hui, elle vit recluse à Bombay et ne s’est jamais plus produite en public depuis leur divorce.

J’ai longtemps étudié à Bénarès, la ville où il est né mais c’est vers son rival que je me suis tournée : Ustad Vilayat Khan. C’est une autre tradition, une grande dynastie de sept générations de musiciens qui ont voué leur vie au sitar et ont mené cet instrument à un niveau incomparable.

Je ne peux pas me considérer comme fan de de Ravi Shankar, mais je respecte sa démarche. Je lui dois d’avoir éveillé ma curiosité, ce qui finalement a décidé de mon parcours musical.

Je regrette juste le fait qu’en 2004, la mort de Vilayat Khan soit passée inaperçue. Mais que dire ? Ravi Shankar a su se faire connaître internationalement et restera dans les yeux du plus grand nombre cet ambassadeur de la musique indienne, et on ne peut que l’en remercier.

Propos recueillis par Louise Auvitu