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Pourquoi Barbara nous fascine
Créé le 21/11/2012 à 18h28 -- Mis à jour le 23/11/2012 à 17h26
Barbara, le 18 février 1969.
CHANSON - Il y a quinze ans disparaissait «la femme qui chante». Elle reste aujourd'hui l'une des chanteuses les françaises les plus adulées, y compris des nouvelles générations. Le lien intime qu'elle entretenait avec son public et la valeur à la fois personnelle et universelle de ses textes expliquent en partie cette fascination... «Sa plus belle histoire d’amour», c’était son public. Son public, qui, le 24 novembre 1997, était contraint de lui dire adieu, après plus de quarante ans de «carrière», un mot que Barbara détestait. Quinze ans plus tard, la ferveur est toujours là. On ne compte plus les artistes contemporains se réclamant de son héritage. Les disques de la longue dame brune, souvenirs d’une époque pour les quinquas, se transmettent à des ados conquis par cette voix fragile, toujours à la limite de la rupture, aujourd’hui disparue.
Comment expliquer l’aura de Barbara? «Il y a 20 ans, je vous aurais dit: son lien unique avec son public. Il faut croire qu’il n’y avait pas que ça, puisque des jeunes qui ne l’ont jamais vue tombent aujourd’hui totalement ‘’dedans’’. Mais jamais je n’ai ressenti dans un concert un tel sentiment amoureux entre un artiste et son public»» raconte Jean-François Fontana, auteur de plusieurs livres et animateur de conférences sur Barbara.
Une femme de scène Et des concerts, il en a fait beaucoup. 300, dit-il. Simple spectateur, «admirateur éperdu» de la chanteuse dans les années 1960, Jean-François Fontana est aujourd’hui le plus grand collectionneur de Barbara. Son «archiviste, comme elle n’archivait rien». Pendant des années, quand il va la voir à la fin de ses concerts, il lui glisse un «merci», n’ose lui dire plus. Jusqu’à ce qu’il dégote en 1987 aux puces de Clignancourt trois enregistrements inédits, qu’il grave sur une cassette et remet à Barbara. Ils s’écrivent, s’appellent. En 1991, elle lui demande de collaborer à la constitution du premier coffret intégral de ses disques. «On était proches, mais on n’a jamais pris le petit-déjeuner ensemble!» veut tempérer Fontana.
Pour Fontana, à l’exception peut-être de celui de Pantin, «aucun enregistrement ne restitue totalement» l’atmosphère magique des concerts, l’émotion ressentie, l’heure minimum d’applaudissements. «En 1978, elle chantait deux heures sur scène, puis recevait les gens dans sa loge pendant deux, trois heures. Elle donnait son numéro à toute personne qui lui demandait. Et quand on l’appelait ou quand on lui écrivait, elle répondait» assure l’homme de 58 ans. Femme de scène, Barbara a cultivé et chéri toute sa vie ce lien avec ses fans dont elle disait qu’ils lui avaient «rendu [sa] douceur», et fait accepter [son] physique», elle qui se trouvait si laide.
«Ce qui est important, ce n’est pas le moment sur scène où on est couronnés, c'est ce qui se passe après. Il y a une responsabilité extrêmement lourde qu'il faut assumer, qui est merveilleuse. On ne peut pas tricher» disait-elle.
«Je n’ai aucune imagination»C’est adolescente que la chanteuse Barbarie a découvert Barbara. Par ses textes. C’est là qu’est pour elle, comme pour tant d’aficionados, la force magnétique de Barbara, qui contrairement à Edith Piaf, écrivait la majorité de ses chansons. «Ce sont des paroles tellement intimes, et pourtant elles rejoignent l’histoire de chacun. C’en est presque perturbant. C’est comme si quelqu’un trouvait des mots sur notre vie, à la fois poétiques et très simples» confie la chanteuse.
Barbara voyait les choses autrement. «Je n’ai aucune imagination», «Je n’ai pas le talent d’écrire» répétait-elle parce que ce qu’elle écrivait, c’était sa vie. La mort de son père avec
Nantes, la première de ses chansons exutoires. L’inceste subie par de sa part pendant des années, dans
L’aigle noir. «Tout ce que j'ai à dire est dans mes chansons et je vous prie de ne pas me poser ce genre de question» avait-elle répondu un jour à un journaliste belge avec la sécheresse qu’elle réservait à la presse, dont elle détestait les interviews.
Barbarie Crespin chante Barbara depuis six ans. Quand elle a écouté, encore et encore, les enregistrements de Barbara pour s’en inspirer pour son spectacle, l’interprète raconte avoir été «énormément touchée» de remarquer qu’au fil de sa vie, les chansons évoluaient. «Dans
Nantes, par exemple, elle chante à propos de son père ‘’Je veux que tranquille il repose’’. A la fin de sa vie, elle chante ‘’Je
sais que tranquille il repose’’. C’est incroyable. Ça montre à quel point sa vie était sur scène, à quel point elle donnait tout» s’enthousiasme Barbarie.
Une adolescente éternelle Certains la jugent trop sombre, trop triste, trop assommante. Barbara ne fait bien sûr pas l’unanimité. Ce qui surprend Jean-François Fontana, c’est son succès toujours renouvelé auprès des adolescents. «C’est incroyable à quel point elle parle aux jeunes. Mais ce n’est pas un hasard. Barbara était une adolescence éternelle. Avec le mal de vivre, la joie de vivre, les amours contrariés, jamais aboutis, la quête d’absolu. Elle n’a jamais vieilli, et son message est intemporel» assure l’inconditionnel.
Quant à Barbara elle-même, qui aurait pourtant bien du mal à nier qu’elle chantait presque toujours au bord des larmes, elle avait une réponse. «Je suis quelqu’un de très gai! On croit toujours que je suis triste, ce n’est pas vrai. Mais il me paraît impossible de traverser cette vie sans y voir le désespoir».