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L'hôpital al-Shifa, centre névralgique de Gaza
Mis à jour le 20/11/2012 à 20:23 | publié le 20/11/2012 à 20:22
Dimanche, dans la morgue de l'hôpital al-Shifa de Gaza, un Palestinien embrasse la main d'un de ses proches tué lors d'un bombardement israélien.
Le lieu est l'un des rares endroits sûrs du territoire palestinien. Les blessés y arrivent les uns après les autres mais aussi des visiteurs politiques.L'hôpital central al-Shifa est devenu ces derniers jours un lieu de rassemblement et un forum politique permanent dans Gaza bombardée. Al-Shifa est considéré comme l'un des rares endroits sûrs d'une ville où les bombes et les missiles israéliens s'abattent un peu partout depuis presque une semaine.
Une partie des visiteurs sont des proches des blessés ou des morts, dont le nombre a subitement augmenté au cours des deux derniers jours, pour atteindre plus de 120 mardi soir.
La relative sécurité de l'hôpital attire aussi ceux qui craignent d'être victime des assassinats ciblés israéliens. Les cadres du Hamas, passés à une semi-clandestinité depuis la mort d'Ahmed al-Jaabari mercredi dernier, n'apparaissent plus en public que dans cette enceinte, surgissant soudainement avant de disparaître à nouveau. C'est là qu'Ismaël Haniyeh, premier ministre du Hamas à Gaza, a fait une brève apparition au début des bombardements.
Les délégations étrangères à Gaza, Égyptiens, Turcs et Tunisiens, se succèdent aussi à al-Shifa pour de brefs points de presse. Leurs véhicules sont garés moteur tournant dans la cour, en attendant leurs occupants manifestement anxieux de s'éterniser sur place.
Mardi après-midi, alors que courent les rumeurs d'un cessez-le-feu prochain, l'affluence est à son comble. Policiers du Hamas en uniforme gris-bleu, infirmiers et médecins en blouse verte sortis du bloc opératoire pour griller une cigarette, journalistes caparaçonnés de gilets pare-balles et hérissés de micros et de caméras, curieux, badauds, petits vendeurs de café, enfants à vélo se mêlent dans une foule dense et chaotique. Tout le monde envoie des SMS, tweete, téléphone, échange des rumeurs parfois contradictoires. Les drones israéliens tournent dans le ciel avec un bruit de tondeuse à gazon. «Un cessez-le-feu sera déclaré ce soir.» «Des tracts israéliens disent aux gens de partir.»
Certains sont venus saluer la visite du ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, dernier visiteur en date dans la bande de Gaza. «Je soutiens la Turquie depuis l'affaire de la Flottille», dit M. Abdullah, un imprimeur brandissant un drapeau turc plus haut que lui. «C'est la grande différence avec la dernière opération israélienne, nous avons maintenant des soutiens à l'étranger.»
Photos géantes des victimesRégulièrement, des ambulances foncent toutes sirènes hurlantes à travers la foule, manquant de peu d'écraser des gens qui s'écartent comme un banc de poissons. On sort des corps ensanglantés sur des civières. Un homme tué par un tir de missile dans l'après-midi n'a plus de tête. Des hommes crient «Allah est grand!» au passage des brancards. Les ambulances repartent aussi vite.
Sous un auvent sont exposées les photos géantes et horribles d'enfants tués ou gravement blessés dans les bombardements. «Voici la liste des cibles israéliennes», annonce une pancarte. Des groupes épais de reporters se forment autour des visiteurs de marque ou des politiciens locaux, masse compacte de caméras tenues à bout de bras et de micros au bout de leurs perches. Ils abandonnent parfois l'interviewé au milieu de sa déclaration pour courir vers un autre dignitaire jugé plus intéressant. Personne ne se presse autour du pauvre Nabil Shaath, le négociateur en chef de l'OLP venu de Ramallah, représentant d'une Autorité palestinienne discréditée.
D'autres visiteurs prennent soin d'attirer le minimum d'attention. Le porte-parole du Hamas, Taher al-Nounou, un petit homme en costume civil dont le téléphone reste généralement éteint depuis le début de la crise, surgit dans la cour d'al-Shifa. «Notre gouvernement arrive à fonctionner même dans ces circonstances, affirme-t-il. Nous sommes habitués à ces situations. Nous pouvons travailler depuis des tentes, depuis les rues. Le vainqueur de cette guerre est la volonté du peuple palestinien. Nous n'avons pas les mêmes armes ni la même puissance que nos adversaires, mais nous avons la volonté de continuer, et c'est notre avantage sur les Israéliens.»
Puis il disparaît. Peut-être pas très loin. Une rumeur persistante veut que le gouvernement du Hamas se soit installé au grand complet dans les caves de l'hôpital.