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Alger demande la «repentance» de la France
Publié le 01/11/2012 à 18:57
Une manifestation antifrançaise à Alger dans les années 1960.
Les responsables algériens font de la surenchère avant la visite de Hollande.La reconnaissance de la répression du 17 octobre 1961 ne suffira pas à garantir à François Hollande une visite apaisée à Alger. Depuis quelques jours, les officiels algériens multiplient les déclarations pour réclamer «une reconnaissance», voire une «repentance» de la France pour «l'ensemble des crimes coloniaux».
«Les Algériens veulent une reconnaissance franche des crimes perpétrés à leur encontre», a affirmé mardi Mohammed Cherif Abbas, ministre des Moudjahidins (anciens combattants). Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme, l'avait devancé lundi: «La colonisation a été un crime massif dont la France doit se repentir si elle envisage d'établir avec l'Algérie de véritables relations délivrées d'un passé tragique, dans lequel le peuple algérien a souffert l'indicible, dont il n'est pas sorti indemne et qu'il ne peut effacer de sa mémoire.»
Un discours récurrent à l'approche de chaque 1er Novembre, anniversaire du déclenchement de la guerre d'indépendance et… des visites présidentielles. En 2010, celle de Nicolas Sarkozy avait été précédée par un geste de bonne volonté du ministre des Affaires étrangères: Mourad Medelci avait annoncé l'abandon de l'exigence de repentance, ce qui avait immédiatement provoqué la colère de l'Organisation nationale des moudjahidins.
«Restituer les bien pillés»«Au regard de tous les crimes commis de 1830 à 1962, la reconnaissance de François Hollande est insuffisante, insiste Abdelhamid Salakdji, président de la Fondation du 8 mai 1945. Pour aller de l'avant, nous souhaitons que le président français condamne la colonisation en général et la colonisation de l'Algérie en particulier.» Tant pis si le président Bouteflika n'a jamais rien exigé de tel ou que le projet de loi criminalisant le colonialisme a été bloqué en 2010, bien avant son examen à l'Assemblée nationale. «Il y a forcément consensus au sein du gouvernement, assure Abderrezak Makri, vice-président du MSP (islamistes). Le ministre des Moudjahidins est sous les ordres du chef de l'État. Il ne peut pas afficher de position contradictoire. Cette demande de reconnaissance est bien réfléchie. Il faudra que l'on y arrive, dans l'intérêt de la France et de l'Algérie, et que l'on parle d'indemnisation.»
L'historien Hassan Remaoun en doute. «Je crois que des deux côtés, on continuera à être très pragmatique. Le président Bouteflika est obligé de contenter la société civile tout en continuant à avoir des rapports normaux avec les Français.» Pour Ismaël-Sélim Khaznadar, qui a dirigé l'ouvrage collectif sorti cet été, Aspects de la repentance, «les propos des politiques sont une réponse compulsive qui vise à obtenir un bénéfice électoral à moindre coût. Pour faire décanter l'histoire, il faudrait plutôt aider les historiens dans leur travail, organiser des séminaires, ouvrir les archives.»
Le terrain s'annonce miné pour François Hollande. Mardi soir, Amar Bentoumi, ministre de la Justice du premier gouvernement de l'Algérie indépendante, qualifiait à son tour la reconnaissance du 17 octobre 1961 d'«insuffisante», demandait à la France de «reconnaître tous les crimes qu'elle a commis contre les Algériens» et de «restituer les biens pillés».