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Le pragmatique Rajoy prend les commandes en Espagne
Publié le 20/12/2011 à 14:20
Traversé de multiples courants, le Parti populaire n'a fait qu'une seule promesse: bien gérer le pays. Une modération inspirée par son chef, Mariano Rajoy, élu mardi chef du gouvernement par les députés.
Cliquez sur l'aperçu pour agrandir l'infographie. Le Parlement espagnol a investi mardi Mariano Rajoy président du gouvernement. Après sept ans et demi passés dans l'opposition, les conservateurs du Parti populaire (PP) s'apprêtent à revenir aux affaires. Le chef du parti s'empare de la Moncloa - la résidence du chef de l'exécutif - grâce à la plus large majorité absolue obtenue par la droite depuis la mort de Franco. Un triomphe électoral fruit de la campagne la moins idéologique de ces dernières décennies. Car, face à l'étendue de la crise, Rajoy n'a formulé qu'une seule promesse: bien gérer le pays. Lundi encore, lors de son discours d'investiture, le futur chef de l'exécutif a abordé exclusivement les sujets économiques.
L'identité de la droite espagnole, ses idées et ses valeurs, du coup, sont passées au deuxième plan. La droite? Le mot même semble parfois… déplacé. «Il est très difficile de se dire de droite en Espagne», juge Pedro Carlos González, professeur d'histoire à l'Université nationale d'éducation à distance (Uned) et auteur de l'ouvrage de référence
Historia de las derechas españolas. «José María Aznar (président du gouvernement entre 1996 et 2004, NDLR) préférait l'expression “centre réformiste”, rappelle González. La panacée de la droite, c'est le centre!» résume-t-il.
Cliquez sur l'aperçu pour agrandir l'infographie. Le PP, pourtant, ratisse large. La formation, forte d'un million de militants, rassemble une droite plurielle, des sociaux-démocrates repentis jusqu'aux nostalgiques du franquisme. «Il n'y a pas d'extrême droite au sein du PP, mais une frange de militants pourrait être qualifiée de droite extrême», juge ainsi Graciano Palomo, journaliste spécialiste de la droite. «Le franquisme continue d'embarrasser à droite, estime pour sa part Mariano Calleja, journaliste parlementaire au quotidien
ABC. Zapatero a utilisé des lois mémorielles sur le franquisme pour diviser ses adversaires, poursuit-il. Mais Rajoy a refusé d'entrer dans son jeu. Il avait tout à perdre.»
Les radicaux écartésOutre la frange radicale, les démocrates-chrétiens, les néoconservateurs et les technocrates complètent la liste des sensibilités à l'intérieur de la droite espagnole. Ces courants, toutefois, sont parfois de simples coteries, destinées à porter au pouvoir telle ou telle personnalité. Des groupes qui se meuvent en fonction des dynamiques de pouvoir.
En 2008, par exemple, de nombreux cadres du PP avaient parié sur la présidente de la région de Madrid, Esperanza Aguirre. Rajoy venait d'essuyer sa deuxième défaite consécutive face à Zapatero et certains notables souhaitaient changer de monture. Une droite décomplexée, proche du Tea Party américain, selon l'aveu d'Aguirre, semblait pouvoir s'imposer, face à la «modération» revendiquée par le président du parti.
Depuis qu'il a repris le contrôle sur sa formation, Rajoy a façonné un PP à son image. «La force de Rajoy a été de maintenir le parti uni», juge Graciano Palomo. Ceux qui semblaient trop radicaux ont été écartés. Au Pays basque, par exemple, la présidente de la fédération régionale, María San Gil, représentait la ligne la plus intransigeante. En 2008, elle finit par annoncer que ses désaccords idéologiques avec la direction du parti la contraignaient à la démission. Le PP l'a remplacée par Antonio Basagoiti, un homme consensuel qui soutient au Parlement basque le gouvernement de Patxi López… un socialiste!
Les proches de Mariano Rajoy se veulent pragmatiques, précisément. «Les marianistes sont plus intéressés par le pouvoir que par l'idéologie», conclut Palomo.