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À Beyrouth, la colère contre Assad
Mis à jour le 21/10/2012 à 23:58 | publié le 21/10/2012 à 20:27
Des milliers de personnes ont suivi les obsèques nationales du général Wissam al-Hassan, dimanche place des Martyrs, au centre de Beyrouth.
Les obsèques du général al-Hassan, tué vendredi dans un attentat, ont été marquées par des violences.Les obsèques de Wissam al-Hassan se sont transformées dimanche­ après-midi en une violente manifestation antisyrienne et antigouvernementale. À la fin de la cérémonie funéraire, place des Martyrs, au centre de Beyrouth, une partie de la foule s'est mise à lancer des slogans hostiles à la Syrie. Les manifestants accusaient Damas d'être responsable de l'assassinat du général al-Hassan, tué dans l'explosion d'une voiture piégée vendredi après-midi au centre du quartier chrétien d'Achrafié. Ils réclamaient aussi la démission du premier ministre, Najib Mikati, chef d'un gouvernement libanais dominé par les partis prosyriens, dont le puissant Hezbollah chiite, et qu'ils tiennent pour complice du meurtre.
Leur cortège a pris la direction du Sérail, ancien palais ottoman et siège du gouvernement, où ils se sont heurtés à des cordons de policiers et de soldats qui ont tiré des rafales en l'air et lancé des gaz lacrymogènes pour les arrêter.
Le calme est revenu en fin de journée. Mais ces heurts témoignent de la vive tension qui règne au Liban après l'assassinat du général al-Hassan. Les rues de Beyrouth sont presque désertes. Les chars de l'armée sont déployés aux carrefours, et les axes principaux sont bloqués par des barrages improvisés par les sunnites, en signe de protestation contre le meurtre.
L'opposition se mobilisePour les manifestants comme pour l'opposition, la responsabilité syrienne ne fait aucun doute. «C'est Damas, c'est signé. Wissam al-Hassan était une cible, et il le savait, comme tous ceux qui gênent la prise du pouvoir par la Syrie et le Hezbollah au Liban», explique Carlos Eddé, homme politique libanais et défenseur de la souveraineté du Liban.
Chef des services de renseignements des Forces de sécurité intérieures, l'équivalent libanais de la gendarmerie, al-Hassan avait ouvertement défié le régime de Damas en arrêtant cet été un ex-ministre libanais prosyrien, Michel Samaha, soupçonné de préparer des attentats à la bombe au Liban pour le compte des services secrets syriens. Le général al-Hassan avait ajouté à l'affront en lançant un mandat d'arrêt contre Ali Mamlouk, le puissant chef des renseignements syriens.
Son assassinat vendredi en plein quartier chrétien a constitué un choc, rappelant que l'opposition à la politique syrienne au Liban était passible de mort, comme pendant la vague d'attentats du milieu des années 2000, qui avait tué de nombreux adversaires de l'ingérence syrienne.
Plusieurs figures de l'opposition ont appelé à manifester à l'occasion des funérailles du général al-Hassan, dans l'espoir de remobiliser leurs partisans.
Les obsèques nationales du général Wissam al-Hassan ont commencé devant l'immeuble des FSI où il travaillait. Le président libanais, Michel Sleimane, et le général Achraf Rifi, chef des FSI ont prononcé des discours où ils ont rendu hommage au défunt, saluant les coups qu'il avait portés aux «réseaux terroristes».
Le cortège transportant les cercueils du général et de son chauffeur, tué lui aussi dans l'attentat, a ensuite traversé les rues de Beyrouth-Est jusqu'à la place des Martyrs, au centre-ville. Devant la grosse mosquée jaune al-Amine, bâtie dans un style néo-ottoman par l'ancien premier ministre Rafic Hariri, s'est tenue une cérémonie religieuse. Puis le général a été inhumé sous la tente voisine aux côtés de Rafic Hariri, dont il avait été le chef de la sécurité.
Drapeaux de la révolution syrienneEnviron dix mille personnes s'étaient rassemblées sur la place. La foule brandissait des drapeaux bleu ciel du Courant du futur, le parti sunnite dirigé par Saad Hariri, des drapeaux blancs des Forces libanaises, parti chrétien antisyrien, mais aussi des drapeaux de la révolution syrienne ornés de trois étoiles rouges au lieu des étoiles noires du régime baasiste.
Les slogans s'en prenaient à Mikati, premier ministre sunnite, mais considéré comme l'homme de paille d'un gouvernement inféodé à Damas, à Bachar el-Assad, mais aussi à Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah et allié indéfectible du régime syrien.
Car, comme depuis le début des années 2000, la politique libanaise continue de se définir autour de la question syrienne. L'opposition actuelle s'appelle le Mouvement du 14 mars, en souvenir de la manifestation monstre du 14 mars 2005, qui avait rassemblé plus d'un million de Libanais et obtenu le départ des troupes syriennes du Liban.
Les prosyriens aujourd'hui au pouvoir s'appellent, quant à eux, le Mouvement du 8 mars en référence à une autre manifestation organisée une semaine plus tôt en soutien au régime de Damas.
Cette ligne de fracture s'est encore creusée depuis le début du soulèvement syrien, qui menace régulièrement de s'étendre au Liban. Les incidents, parfois meurtriers, se sont multipliés ces derniers mois entre les communautés.
Mais le Hezbollah et ses alliés prosyriens du Mouvement du 8 mars ont intérêt au maintien du statu quo actuel. Le contrôle de l'appareil d'État permet au mouvement chiite de bloquer toutes les velléités de désarmer son puissant appareil militaire.