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Damas mis au ban du monde musulman
16 août 2012 à 08:04
Le roi Abdallah d'Arabie Saoudite (c) aux côtés du président turc Abdullah Gul (d) et du sultan du Brunei (g) le 14 août 2012 à La Mecque lors d'un sommet de l'OCI.
La Syrie a été suspendue de l'Organisation de coopération islamique, réunie à La Mecque, alors que l'ONU dénonce des crimes au sein du régime comme de l'opposition.Les pays musulmans, réunis en sommet extraordinaire à La Mecque, en Arabie saoudite, ont suspendu tôt jeudi la Syrie de l’Organisation de coopération islamique (OCI) dans le but d’isoler davantage le régime de Damas, accusé par l’ONU d’avoir commis des crimes de guerre.
Alors que la Syrie entre dans le 18e mois d’une révolte qui s’est militarisée face à la répression, faisant plus de 23 000 morts selon l’OSDH, les dirigeants du monde musulman sont tombés d’accord sur
«la nécessité mettre fin immédiatement aux actes de violences en Syrie et de suspendre ce pays de l’OCI», selon le communiqué final. L’Iran, un solide allié du régime de Damas, a été le seul à refuser ouvertement cette suspension parmi les 57 membres de l’OCI représentant un milliard et demi de musulmans à travers le monde.
A Genève, un nouveau rapport de la Commission d’enquête de l’ONU a accusé les forces gouvernementales syriennes et les Chabbiha (milices pro-régime) de crimes contre l’humanité, dont des meurtres et des tortures, tout en estimant que l’opposition armée était également coupable de crimes de guerre, mais à moindre échelle. La commission note une
«détérioration significative de la situation depuis le 15 février», et prépare pour septembre
«une liste confidentielle d’individus et d’unités» qui pourrait servir de base à d'éventuelles poursuites devant le Tribunal Pénal International (TPI).
De son côté, le Conseil de sécurité de l’ONU se réunit jeudi pour mettre fin formellement à la mission de ses observateurs en Syrie, alors que les grandes puissances sont toujours divisées sur les mesures à prendre pour venir à bout du conflit qui ravage le pays. Le mandat de la Mission d’observation en Syrie des Nations unies (Misnus) s’achève à minuit dimanche et les divergences de vues entre les grandes puissances empêchent tout espoir de prolongation, selon des diplomates. Au mieux, les 15 membres du Conseil se mettront d’accord pour conserver un bureau de liaison politique à Damas afin d’appuyer les efforts du futur médiateur international qui doit prendre la suite de Kofi Annan.
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ANALYSE : «La France à l'assaut d'Al-Assad» Sur le terrain, un raid aérien dévastateur a fait plus de 30 morts dans une ville près d’Alep (nord). Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), le raid mené par un avion qui a brisé le mur du son avant de tirer des missiles contre Azaz, une ville rebelle de 70 000 habitants près de la frontière turque, a fait au moins 31 morts et plus de 200 blessés. «Beaucoup de gens sont encore piégés sous les décombres, la situation est horrible», a déclaré le chef de l’OSDH, Rami Abdel Rahmane.
A Azaz, un journaliste de l’AFP a vu des dizaines de personnes escalader en criant les décombres à la recherche de survivants. Selon lui, une dizaine d’habitations ont été rasées. A l’hôpital de la ville, il a vu les corps sans vie de plusieurs très jeunes enfants.
«Toutes ces maisons étaient pleines de femmes et d’enfants qui dormaient en raison du jeûne du ramadan. Même Israël n’oserait pas faire une chose pareille», a dénoncé un habitant, Abou Omar, un ingénieur de 50 ans.
«Les morts sont des civils et des combattants, mais ce qui est clair c’est que c'était une base de l’Armée syrienne libre» (ASL, qui regroupe des déserteurs et des civils ayant pris les armes), a expliqué M. Abdel Rahmane.
L’attaque a provoqué un vent de panique dans la ville, et des centaines de personnes, essentiellement des femmes et des enfants, se pressaient mercredi soir à la frontière turque toute proche, selon le journaliste de l’AFP.
Le raid a aussi eu des répercussions au Liban, dans la mesure où il a «grièvement blessé» quatre membres d’un groupe de 11 pèlerins chiites libanais enlevés en mai dans le nord de la Syrie.
L’annonce erronée de leur mort par des médias libanais a provoqué le chaos dans des zones chiites au sud de Beyrouth. Des hommes armés ont enlevé des dizaines de syriens et vandalisé leurs biens, selon l’Agence nationale d’information (ANI). Des proches d’autres chiites libanais retenus en Syrie ont également enlevé des dizaines de Syriens pour réclamer la libération des leurs. Des manifestants chiites ont bloqué la route de l’aéroport en brûlant des pneus.
«Par précaution», un vol Air France parti de Paris en direction de Beyrouth a été dérouté mercredi soir vers Chypre, en raison de problèmes de sécurité constatés au Liban, après avoir fait un arrêt à Damas le temps de refaire le plein de carburant, a indiqué à l’AFP la compagnie aérienne. Il devrait repartir jeudi en début d'après-midi vers Beyrouth.
Tensions au LibanLe conflit en Syrie divise profondément le Liban voisin, pays à l'équilibre confessionnel très fragile, notamment entre des chiites qui expriment leur sympathie pour le régime alaouite - une émanation du chiisme - et des sunnites qui penchent vers les insurgés.
Les Emirats arabes unis et le Qatar ont officiellement appelé mercredi leurs ressortissants à quitter
«immédiatement» le Liban en raison du contexte de tension lié au conflit syrien. L’Arabie saoudite a fait de même, selon des médias libanais.
En visite à Damas, la responsable de l’humanitaire à l’ONU, Valerie Amos, a affirmé que la situation en Syrie était de plus en plus précaire et que quelque 2,5 millions de Syriens pourraient actuellement être dans le besoin, contre un million fin mars.
À Damas, un attentat à la bombe revendiqué par l’ASL a visé un bâtiment de l'état-major et une fusillade a éclaté près des bureaux du Premier ministre.
À Alep, où rebelles et troupes gouvernementales se livrent une guerre ouverte depuis près d’un mois, un nouveau front s’est ouvert dans le quartier Ouwayja (nord-est). Un journaliste de l’AFP sur place a évoqué des bombardements terrestres et aériens sur le quartier.
De durs combats ont également eu lieu à Salaheddine, dont les autorités ont affirmé avoir repris le contrôle il y a quelques jours.
«La stratégie, c’est de les harceler jusqu'à l'épuisement plutôt que de mener de grandes opérations» dans cette ville dont certaines rues étaient jonchées de dizaines de cadavres de rebelles ou de soldats, selon une source de la Sécurité.
À travers le pays, les violences ont fait mercredi au moins 156 morts, dont 107 civils, 32 soldats et 17 rebelles, selon l’OSDH.