WEB - GOOGLE - ACTUALITÉ Société
Près de Lille, un camp de Roms démantelé
Mis à jour le 09/08/2012 à 09:20 | publié le 08/08/2012 à 22:01
L'évacuation du camp de Roms, situé sur le parking et le terrain en friche le long de la rue verte à Villeneuve d'Ascq, a commencé jeudi matin.
Un collectif de riverains à Villeneuve d'Ascq demandait depuis plusieurs années l'expulsion du camp de Roms installé en face de chez eux. La situation menaçait de virer au drame.Les habitants du quartier de la rue Verte, à Villeneuve-d'Ascq, ont obtenu gain de cause. Une ordonnance d'expulsion prise par un juge lillois a permis l'évacuation du camp de Roms qui a progressivement vu le jour depuis deux ans sur un terrain en friche au pied de leurs maisons. Jeudi matin, les militants de l'association Atelier Solidaire, qui souhaitaient empêcher cette expulsion, ont rapporté sur Twitter que les opérations étaient en cours.
Lassés des incivilités et des désagréments liés à leur cohabitation forcée avec les Roms, les riverains s'étaient rassemblés au sein d'un collectif qui porte le nom de leur impasse, «La Voie perdue », qui donnait sur le campement abritant environ 200 personnes. Ils avaient même créé un blog, pour montrer, «de la façon la plus objective possible, les aberrations que l'on vit au quotidien avec des vidéos, des photos…», témoigne Christophe, son porte-parole.
Peu à peu, un conflit larvé s'était installé avec les Roms. Il y a deux semaines, la tension était montée d'un cran et des coups de feu avaient même été tirés. L'aveu d'impuis­sance d'un riverain excédé. Un événement qui avait fait réagir Michel-François Delannoy (PS), premier vice-président de Lille métropole communauté urbaine (LMCU), propriétaire du terrain. «Ce sont des signaux d'alerte que nous ne pouvons pas prendre à la légère », avait-il reconnu, confirmant que la collectivité et l'État, propriétaires des terrains, avaient engagé une procédure devant la justice pour que soit démantelé ce campement illi­cite. Le préfet, Dominique Bur, s'était dit prêt à évacuer le campement une fois l'ordonnance prise.
Recrudescence des agressionsEn avril 2012, Maryvonne Girard (divers gauche), première adjointe au maire en charge de la sécurité, tirait déjà la sonnette d'alarme: «J'ai peur que les riverains manifestent leur mécontentement d'une façon violente.» Depuis 2010, la situation était bloquée. Martine Aubry, présidente de la LMCU, «avait instauré un moratoire pour arrêter les expulsions et trouver des solutions », confie l'élue. Mais rien n'a été fait pour le camp de la rue Verte.
Christophe, du collectif La Voie perdue, expliquait que «les conditions de vie (étaient) devenues insupportables » et faisait par de son inquietude pour la santé et la sécurité des habitants. Pour Mélanie, jeune maman, l'une de ses principales sources de préoccupation, «c'est cette colonne de fumée noire toxique qui s'élève du camp » quand des câbles sont brûlés pour récupérer le cuivre, jusqu'à rendre «l'air irrespirable ». Mais aussi la recrudescence des agressions: «En sortant du supermarché, une Roumaine a voulu m'arracher mon sac de course, elle m'a fait tomber à terre alors que j'étais enceinte, j'ai ensuite été hospitalisée deux mois », se rappelle-t-elle amèrement. Les problèmes sont récurrents et les riverains nombreux à se plaindre d'insultes, de menaces, de vols, de tapages nocturnes… «Quatre nuits d'affilée, j'ai été réveillé», relate un riverain fatigué, avant d'ajouter: «Maintenant, la police ne prend même plus la peine de se déplacer…»
Les associations dénoncent «les expulsions sans solution»Le démantèlement soulève en revanche l'indignation de l'association Atelier solidaire, emmenée par Yann Lafolie. Il avait décidé d'occuper le terrain «jour et nuit sept jours sur sept » auprès des familles roms afin d'éviter leur expulsion. Une mobilisation qui laissait sceptique Patrick Vigneau, directeur de l'Association régionale d'étude et d'action sociale (Aréas), mandatée par la LMCU pour accompagner sur le plan social, sanitaire et scolaire la population rom de la métropole. Il était en effet plus réaliste: «L'expulsion est inévitable, l'intérêt maintenant est que ça se passe au mieux.»
L'agglomération lilloise compte aujourd'hui 2 800 Roms. «C'est presque trois fois plus qu'en 2010 », précise Maryvonne Girard. «La question des Roms reste en suspens, constate Patrick Vigneau. Les principaux problèmes sont le manque de moyens financiers et de terrains pour accueillir des Roms toujours plus nombreux. Des terrains qui permettraient aux travailleurs sociaux de faire un travail de fond, sur le long terme…»
Aujourd'hui, le père Arthur, 73 ans, investi auprès des Roms de la rue Verte, a décidé de baptiser publiquement «à la demande des parents»une dizaine d'enfants d'un camp situé à Hellemmes, tout proche. Pour dénoncer les expulsions: «Nous n'avons plus d'autres munitions.»
Pour les riverains de «La Voie perdue», l'important était de retrouver leur tranquillité et de rétablir la vérité: «Il faut arrêter de dire qu'on est des petits-bourgeois… On s'en fout, des caravanes et des papiers, on n'est pas insensibles à leur misère, mais ils n'acceptent pas des règles de vie élémentaires… les lois de la République sont les mêmes pour tous.»