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Pakistan : le premier ministre destitué par la justice
Publié le 19/06/2012 à 17:04
Yusuf Raza Gilani, le 26 avril, à la Cour suprême du Pakistan.
Dans son bras de fer avec Yusuf Raza Gilani, la Cour suprême a pris une décision lourde d'implications politiques.La nouvelle a fait l'effet d'un coup de tonnerre: mardi, la Cour suprême du Pakistan a destitué de ses fonctions le premier ministre, Yusuf Raza Gilani, menaçant de plonger le pays dans un nouveau chaos politique. La mesure est rétroactive, a indiqué le juge Iftikhar Chaudhry, président de la Cour, rappelant que le chef du gouvernement avait été condamné le 26 avril dernier pour outrage à la justice.
«Yusuf Raza Gilani est destitué de son rang de parlementaire à partir du 26 avril, date de sa condamnation. Il cesse également d'être premier ministre du Pakistan, a tranché le juge suprême. La Commission électorale devra notifier officiellement cette destitution et le président (Asif Ali Zardari) devra prendre les mesures nécessaires pour assurer la continuité du processus démocratique.» En clair, organiser l'élection d'un nouveau premier ministre.
Ironie de l'histoire, c'est parce qu'il était déterminé à protéger jusqu'au bout ce même président que Gilani vient d'être sacrifié sur l'autel d'une justice de plus en plus politisée. Officiellement, Gilani s'était attiré les foudres de la Cour suprême parce qu'il refusait depuis trois ans de demander aux autorités helvétiques de rouvrir les lourds dossiers de corruption qui pèsent sur Asif Ali Zardari.
En renvoyant Gilani dans ses foyers, la Cour suprême risque de rompre le fragile équilibre démocratique qui prévaut au Pakistan depuis février 2008, date à laquelle s'étaient tenues les premières élections libres après la dictature du général-président Musharraf. De plus en plus de voix s'élèvent pour contester ce nouveau rôle dont l'appareil judiciaire s'est auto-investi.
Précédent ou abus de pouvoir?«Le pays se dirige tout droit vers une nouvelle phase d'instabilité politique. Elle pourrait, au bout du compte, conduire à une nouvelle autocratie. Le Pakistan connaît des jours bien tristes», met en garde l'avocate Asma Jehangir dans une tribune du quotidien
Dawn. Ajoutant: «Quatre ans de régime démocratique ont certes donné peu de raisons de se réjouir au peuple pakistanais (…). L'appareil judiciaire était resté la seule institution dans laquelle les Pakistanais avaient encore confiance. Au cours des années, celle-ci s'est aussi érodée.»
À Lahore, l'analyste politique Hasan Askari Rizvi ne dit pas autre chose. «La Cour suprême vient une fois encore d'étendre son champ d'action, lance-t-il. Elle n'a pas le pouvoir de destituer le premier ministre, seul le Parlement peut le faire. C'est la première fois dans l'histoire du Pakistan que la Cour suprême congédie un premier ministre et cela crée un précédent», explique-t-il.
Vu sous cet angle, Gilani n'est donc pas encore sur le départ. Le PPP, le parti du clan Bhutto, auquel il appartient, est majoritaire au Parlement et le chef du gouvernement a 30 jours pour faire appel. Pour autant, s'il décidait de s'«accrocher», une nouvelle confrontation avec la justice pourrait aggraver la crise politique. Sans doute serait-il plus raisonnable que Gilani se retire, jugent nombre d'experts, estimant que le gouvernement a toutes les chances, dans ce cas, de survivre jusqu'aux prochaines élections, prévues au plus tard en février 2013.