LE MINISTRE FRANÇAIS DE L'INTÉRIEUR ATTENDU LE 4 DÉCEMBRE À ALGER :Quelle mission pour Claude Guéant ?
Lundi 28 Novembre 2011
Par Tahar FATTANICette visite attendue est très significative
Cette visite du ministre français de l'Intérieur, qui intervient avec un avant-goût de campagne électorale, permettra aux deux pays de remettre sur la table beaucoup de dossiers sensibles
Redynamisation des visites officielles entre l'Algérie et la France ou virée avec un avant-goût de campagne électorale? L'une ou l'autre ou les deux à la fois, la mission est endossée à Claude Guéant. Ainsi, le ministre français de l'Intérieur, de l'Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration est attendu dimanche prochain pour une visite officielle en Algérie, a-t-on appris de source autorisée.
Cette visite attendue donc pour le 4 décembre prochain, est très significative. Elle intervient dans un contexte très particulier. Cela aussi bien sur le plan du climat des relations algéro-françaises que sur le climat politique régnant en France. L'occasion sera offerte pour remettre sur la table les dossiers les plus sensibles entre les deux capitales.
En sa qualité de ministre de l'Intérieur, M.Guéant aura à ouvrir, certainement, avec son homologue algérien, Daho Ould Kablia, les dossiers relatifs à l'immigration, à la communauté nationale établie en France et à la coopération sécuritaire. Sur la question de l'immigration, le ministre français fait de cette question son cheval de bataille depuis son installation à la tête de ce département.
En matière de lutte contre l´immigration, M.Guéant table sur 30.000 reconductions aux frontières en 2011. Le même responsable compte également réduire de 20.000 chaque année le nombre d'entrées légales. La question des sans-papiers concerne directement des milliers d'Algériens en attente d'une régularisation. Pour des raisons historiques, la France reste la première destination pour les émigrés algériens, et ce, depuis des dizaines d'années. L'ancien secrétaire général de l'Elysée est persona non grata chez les immigrés en France, notamment chez la communauté musulmane. Il n'avait pas cessé de faire des déclarations qui avaient tendance à stigmatiser l´Islam.
Abordant l'accroissement de la communauté de musulmans en France, M.Guéant avait jugé qu'«un certain nombre de comportements posent problème». Quant à sa vision des immigrés, il croit dur comme fer que l'échec des enfants d'immigrés représente les deux tiers des échecs scolaires en France. C'est autant de déclarations qui font de Claude Guéant «un ministre provocateur» au sein de la communauté issue de l'immigration en France.
Ainsi, toutes les questions liées à l'immigration clandestine feront l'objet de discussions entre les deux ministres. Quant à la coopération sécuritaire, Alger et Paris sont liés par de nombreux accords relatifs à la coopération en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, le blanchiment de fonds et l'immigration irrégulière, et enfin la cybercriminalité. Ces conventions ont été paraphées notamment sous l'ère de Nicolas Sarkozy à la tête du ministère français de l'Intérieur.
En dépit de nombreux points de convergence entre les deux pays en matière de lutte antiterroriste, il n'en demeure pas moins qu'Alger et Paris se sont engagés dans un conflit silencieux concernant le paiement des rançons. L'Algérie a défendu dans les tribunes internationales le principe consistant à interdire le paiement de rançons aux terroristes contre la libération des otages. Il est reproché à la France d'entrer dans des négociations indirectes avec les groupes armés pour libérer les otages français, comme cela était le cas avec Pierre Camate. Loin du cadre officiel, ce déplacement intervient à quelques mois de l'élection présidentielle en France. M.Guéant est l'un des proches du président français. Avant de rallier le département de l'Intérieur, il était nommé secrétaire général de l'Elysée par le président Sarkozy. Il était également directeur de cabinet du ministre d'État, ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire, poste occupé alors par l'actuel président français. Il était chargé en février 2010 de réchauffer les relations algéro-françaises empoisonnées à cette époque par Bernard Kouchner, ancien ministre français des Affaires étrangères.
C'est autant d'éléments qui témoignent des relations qu'entretient M.Guéant avec le président français. Dans ce sens, le ministre français aura pour mission de sonder la tendance du pouvoir algérien quant à la prochaine élection présidentielle. Les candidats à la présidentielle française ont toujours oeuvré pour arracher la sympathie de personnalités influentes et même des pays avec lesquels «Paris possède des relations stratégiques». A travers l'histoire de l'élection présidentielle en France, l'Algérie a toujours constitué un enjeu important dans l'équation. Lors de la dernière élection de 2007, M.Sarkozy avait effectué de nombreux déplacements entre Alger et Paris afin de gagner la sympathie de la communauté algérienne résidant en France. Notons que le premier enjeu est bien le réservoir électoral que constituent les émigrés algériens établis sur le sol français. La communauté algérienne arrive en tête des immigrés qu'accueille la France. Environ trois millions d'Algériens et de Franco-Algériens résident en France. Les électeurs algériens sont considérés parmi les plus importants de la liste «d'électeurs immigrés en France». En tout état de cause, il est attendu à ce que ce déplacement contribue au dégel et à la décrispation des relations algéro-françaises.