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Syrie : dialogue musclé entre Hollande et Poutine
Mis à jour le 02/06/2012 à 00:06 | publié le 02/06/2012 à 00:04
Vladimir Poutine et François Hollande vendredi soir, lors d'une conférence de presse qui s'est déroulée dans une atmosphère tendue.
Le président français a affichéson désaccord avec son homologue russe qu'il recevait à l'Élysée.
De l'électricité est passée vendredi soir à l'Élysée lors de la conférence de presse entre François Hollande et Vladimir Poutine. Tout avait pourtant plutôt bien commencé. À l'issue d'un entretien et d'un dîner, les deux dirigeants qui se voyaient pour la première fois ont indiqué leurs convergences de vue sur la coopération bilatérale mais aussi sur l'Iran, la Corée du Nord et la défense antimissile. Sur ce dernier projet, rejeté par Moscou, le chef du Kremlin a déclaré que la France était l'un «des rares pays à écouter mais aussi à entendre» la Russie. Un agenda pour la coopération a été mis en place. François Hollande a accepté une invitation à se rendre en Russie.
Mais, sur la Syrie, l'ambiance s'est nettement gâtée. «Le régime de Bachar el-Assad s'est conduit de manière inacceptable, intolérable», a déclaré le président français, allusion au massacre de Houla qui, il y a une semaine tout juste, a fait 108 morts dont 34 femmes et 49 enfants. «Il n'y aura de sortie à cette situation qu'avec le départ de Bachar el-Assad», a poursuivi le président de la République. Pour obtenir ce résultat, la pression et les sanctions sont «nécessaires, indispensables». Poutine a pris le contre-pied. Lui, que François Hollande escomptait «convaincre», n'a pas bougé d'un iota. «Les sanctions doivent être débattues au Conseil de sécurité, elles ne sont toujours pas efficaces, affirme Poutine. Il faut éviter que la situation évolue vers la pire des situations, la guerre civile.» À l'entendre, «la Russie n'a pas d'intérêts commerciaux en Syrie, pas d'intérêts militaires, elle ne soutient ni Bachar ni son opposition. Elle veut juste la fin des violences et mettre toutes les parties autour de la table…» Et Poutine, très remonté, de poursuivre: «Regardez, l'Irak, la Libye, est-ce que c'est le bonheur, est-ce que ces pays sont en sécurité aujourd'hui? Nous savions tous que Kadhafi était un tyran. Mais pourquoi n'écrivez-vous pas ce qui s'est passé après sa chute, à Syrte notamment?»
La Russie serait-elle prête à accueillir Bachar dans le cadre d'une solution négociée? Poutine, narquois: «Assad a plus visité Paris que Moscou, regardons le problème aussi sous cet angle-là». Hollande, du tac au tac: «Sur les visites d'Assad père et fils, je n'ai aucune responsabilité, c'était une autre époque.» Certes, les présidents français et russe appuient tous deux la mission Annan et rejettent toute intervention militaire. Mais ces rapprochements n'ont guère transparu au fil de ces échanges rugueux.
L'Ukraine, où l'Euro de football débutera dans quelques jours, est encore venue pimenter le propos. «Je suis contre l'amalgame entre la politique et sport», a dit Poutine. Hollande: «Je ne suis pas pour un boycott sportif mais pour ce qui concerne ma présence et celle de mon gouvernement, je considère que ma place n'est pas en Ukraine.» Et le président russe d'envoyer une autre pique en soulignant la faiblesse des échanges commerciaux franco-russes contrairement à ceux que Moscou entretient avec l'Allemagne: «Vingt-huit milliards d'euros contre 72 milliards, vous pouvez voir la différence…»
À la question posée par une journaliste russe - «la première impression est souvent la bonne, qu'avez-vous pensé de François Hollande» - Vladimir Poutine a botté en touche. À la toute fin de la conférence, François Hollande a repris la question, avec une phrase lourde de sous-entendus: «Je confirme, la première impression est souvent la bonne.» Remontant les marches du perron, après avoir salué son invité, le président de la République ressemblait à un boxeur soulagé et un peu groggy. Pas de doute, réélu le 4 mars, «Battling» Poutine est de retour.