Un débat "agressif" dont Hollande sort "renforcé" pour la presse européenne
Le Monde.fr | 03.05.2012 à 15h21 • Mis à jour le 03.05.2012 à 17h24
Des militants socialistes regardent le débat mercredi 2 mai.
Sur la photo choisie pour la une du Spiegel Online, les deux candiats arborent une gestuelle offensive devant David Pujadas, qui tente vainement de temporiser ; le blog international d'El País affiche avec une certaine facilité l'image de deux coqs, tandis que The Independent file l'allégorie animale, annonçant que les deux candidats "se sont battus comme des chats". Comme les médias français, la presse européenne a scruté le débat présidentiel pour retenir un débat "agressif" qui semble avoir profité au candidat socialiste.
"CONFRONTATION SAUVAGE"
"Sarkozy et Hollande s'insultent" : à l'instar du titre de la BBC, la presse européenne souligne le style agressif du débat. D'emblée, l'article de la BBC relaye les mots échangés, Nicolas Sarkozy a traité François Hollande de "petit calomniateur" quand ce dernier l'a accusé de se défiler devant ses responsabilités, "il y a eu de nombreux échanges empreints de colère, avec deux candidats s'accusant de mentir", retient la BBC. Toujours sur la forme, le Guardian, qui a assuré un suivi en live du débat, note un débat "orageux". La "confrontation" a été "sauvage", abonde le journal grec Ta Nea.
Particulièrement sévère sur le comportement des candidats, Le Spiegel Online considère ce débat comme "le plus agressif qui n'ait jamais eu lieu" et compare les candidats à "des boxeurs sur un ring". "Sarkozy n'est pas parvenu à cacher le profond mépris qu'il éprouve pour Hollande, et ce dernier n'a pas pu se retenir d'exprimer son aversion pour Sarkozy", décrit le quotidien allemand. Si le journal italien Corriere della Sera se contente de relever un "déluge de chiffres", le Spiegel fustige une "bataille de chiffres mesquine", les "attaques personnelles" et la récurrence du mot "mensonge" dans la rhétorique du président sortant. Mais cet "échange d'insultes" n'a cependant pas provoqué de "KO final", estime The Independent, comme la Radio Télévision suisse, qui commente "un débat télévisé tendu, où le thème de l'économie a été central mais où personne ne semble l'avoir emporté".
"UN FAVORI SOLIDE QUI SORT RENFORCÉ"
Dans le détail, pourtant, ces mêmes analystes décrivent ce qui apparaît pour eux comme un avantage du candidat socialiste. "La pugnacité de François Hollande semble avoir pris Nicolas Sarkozy par surprise, observe The Independent, avant de poursuivre : dans l'ensemble, l'opposant socialiste s'est montré sûr de lui et solide". "La 'grand-messe unique', à laquelle le candidat PS est resté fidèle, lui a donc bénéficié", renchérit Le Soir. "A l'aise sur l'exemple allemand, convaincant sur la nécessité de désendetter le pays et sur le peu de marge de manœuvre pour la France, le président sortant a néanmoins toujours été ramené par son adversaire à son bilan et à son tempérament", détaille le quotidien belge. Le Corriere della Sera décrit un candidat socialiste "calme" face à un président sortant qui "a la colère de ceux qui doivent se rattraper". "Sarkozy semblait trembler de rage", face à Hollande qui s'est imposé, estime le Spiegel. "Même l'attaque sur Dominique Strauss-Kahn (...) est tombée à plat et s'est révélée inefficace", commente le journaliste.
"Le favori, qui est apparu solide, sort renforcé [du débat] devant un président très agressif et gêné par son bilan", tente de résumer El País, qui comme les autres journaux européens différencie style et gestuelle entre un président sortant "irrespectueux et énergique" et un opposant socialiste qui "a résisté aux attaques avec courtoisie et a porté les coups les plus percutants, en étant ironique, ferme et serein". "Le président a donné l'impression de courir à sa perte," poursuit l'article. Contrairement aux médias britanniques ou allemands, la presse espagnole observe avec intérêt ce qui semble "à des milliers d'années-lumière de ce qui se fait en Espagne," comme le souligne El Mundo. A contre-courant, El País analyse un "face-à-face qui a maintenu un grand niveau d'intérêt, un échange qui s'est déroulé avec habileté".
"Pourquoi tant d'intérêt depuis l'étranger ?", lance sur son blog l'ancien correspondant à Londres et à Bruxelles d'El País. "Parce que non seulement les pays européens, mais aussi l'économie mondiale, dépendent de l'avenir de l'Union européenne et surtout de l'euro", motive Andrés Ortega. Or, pour l'éditorialiste, l'Europe de Nicolas Sarkozy est celle "du retour aux frontières". Avançant les conséquences directes de l'élection française sur l'Europe, un autre article du journal souligne que dès le 7 mai, François Hollande doit, s'il est élu, présenter "un plan pour faire approuver un pacte de croissance en Europe". Le quotidien grec I Kathimerini relève ainsi que l'économie et l'immigration se sont imposés parmi les thèmes forts du débat. Alors qu'en Grèce, des électeurs confrontés à une situation économique désastreuse doivent également se rendre aux urnes dimanche 6 mai, l'Europe a trouvé "avec difficulté sa place dans le débat", note I Kathimerini. Le Spiegel met également en exergue les positions sur l'Europe des deux candidats et la volonté de François Hollande de mettre en place des euro-obligations, contrairement à son rival. Mais le quotidien allemand conclut sa longue analyse du "mépris de la haine" émanant du débat par sa faible incidence finale : "Hollande est toujours le favori incontesté. Et il ne reste plus à Sarkozy qu'à espérer une immense surprise pour dimanche."
Flora Genoux