Le parti qui perd des plumes mais jamais son plumage
Écrit par web
FLN : le Sphinx ?
Belkadem Abdelaziz, SG du FLN
Nombreux sont les observateurs qui pensent que le vieux parti est mal parti avec ces législatives. Leurs analyses semblent tenir la route, lorsqu’on se base sur les conséquences des récents événements qui continuent de secouer le FLN, avec la grogne d’une bonne partie des membres du comité central et la colère grandissante des milliers d’autres cadres et militants de la base.
D’ailleurs, le comble de cette crise a atteint un seuil «intolérable» aujourd’hui, quand la direction politique du FLN a décidé d’annuler officiellement son meeting prévu à Mostaganem, fief attitré d’un grand déçu, Si Affif, qui se pose comme l’un des chefs de file de la contestation. Faut-il rappeler que l’ancien SG, Benflis, fut laminé par un virulent mouvement de redressement en 2004, dont le point de départ fut justement Mostaganem et par un certain Si Affif ?
Cette situation difficile a généré, aux dires de l’entourage même de Belkhadem, d’autres scissions organiques et politiques, avec le départ de responsables chevronnés, ayant créé d’autres nouveaux partis, ou encadrant d’autres formations ou carrément confectionnant des listes d’indépendants. Tout le monde est d’accord que cette révolte interne a fait du mal au FLN, démobilisant les plus fidèles et malmenant un encadrement déboussolé par les clivages. Cette base a du mal à suivre cette campagne, à animer et à donner le plus aux candidats du parti. Ces analyses objectives, certes, omettent, toutefois la capacité légendaire de ce parti à remonter la pente et à susciter un regain de vitalité. Car le FLN a gardé cette image d’une «machine politique bien huilée», qui se meut en appareil de la haute administration et se confond avec l’Etat.
Au niveau des partisans de Belkhadem, on estime qu’il existe des évidences symboliques et culturelles qui influencent grandement les réflexes électoraux. Un postulat qui favorise le FLN pour des raisons historiques, grâce à un électorat traditionnel, bien ancré dans le monde rural et dans certaines régions où règnent encore les logiques tribales et l’omniscience des zaouïas. Mieux, «le FLN est devenu, explique-t-on, un parti refuge pour cet électorat conservateur, qui craint le pire et l’inconnu».
C’est dans ce registre que les proches de Belkhadem nous rappellent la célèbre boutade du défunt Messaâdia, puissant patron du FLN au temps de la «déboumediennisation» durant les années 1980 : «Le FLN pourrait perdre son BP ou son CC, des kasmas et des milliers de militants, il ne disparaîtra pas de sitôt. Tous les dix ans, il doit changer tout simplement de plumage !» Belkhadem le sait et tente de le rappeler à chaque meeting, que le FLN est bien plus grand et qu’il connaît, au gré des circonstances et des périodes, des mutations organiques et des transformations structurelles, sans toucher à ses principes et à ses crédos.
Pour cet entourage, les» listes des candidats ont été confectionnées selon des critères solides, afin de répondre aux exigences de l’heure, notamment l’emergence de nouvelles élites parlementaires, même si certaines têtes d’affiche n’ont jamais possédé la moindre carte de militant ni même exercé la moindre activité partisane». Selon eux, la démarche de Belkhadem s’inspire des nouvelles donnes nationales, comme «le rajeunissement graduel, l’assainissement qualitatif, activation de nouvelles forces dormantes de la société et engagement politique». Ce sont «des choix qui répondent aux doléances des citoyens. Ces derniers exigeaient de nouvelles têtes, de nouvelles compétences et des hommes et femmes aux styles novateurs et créatifs».
Cela pourrait être un risque non calculé pour Belkhadem, mais on soutient que c’est cette voie qui va redynamiser le FLN et lui permettre de maintenir sa suprématie politique pour une bonne décade au moins. Autrement dit, ces législatives ne sont qu’un prétexte pour opérer un toilettage et non un lifting, d’autant que les futures batailles politiques seront féroces et déterminantes pour le pays. Reste maintenant à ces candidats FLN de séduire encore davantage un électorat difficile, retors, réticent et moins réceptif que ne l’était l’inamovible électorat traditionnel du FLN des vingt dernières années.
Hani Rabah