WEB - GOOGLE - ACTUALITÉ > Présidentielle
Marine Le Pen : «Je suis la candidate antisystème»
Mis à jour le 09/04/2012 à 18:57 | publié le 09/04/2012 à 17:54
Marine Le Pen, vendredi 6 avril à Paris.
INTERVIEW - La présidente du Front national, qui mène sa première campagne présidentielle, ne donnera «pas de consigne de vote» en cas de duel Sarkozy-Hollande au second tour.
- Quelle appréciation portez-vous sur le déroulement de votre première campagne présidentielle? Marine LE PEN. - On reproche souvent aux candidats à la présidentielle d'éluder les sujets qui fâchent. Je ne me sens pas visée par cette critique. J'ai développé des sujets qui correspondent aux préoccupations des Français - euro, pouvoir d'achat, protectionnisme, fondamentalisme, immigration. S'il y a bien un candidat qui a pris des positions claires sur les débats de fond, c'est moi. En revanche, nos concitoyens sont victimes de la concurrence commerciale que se livrent les médias. D'un discours d'une heure et demie, les rédactions ne retiennent que la «petite phrase» susceptible de faire du buzz. Le commentaire journalistique est devenu très prévisible. Par rapport à la campagne présidentielle de 2007, la situation a empiré.
Nicolas Sarkozy semble en passe de séduire de nouveau une partie de vos électeurs… Les Français n'ont pas la mémoire d'un poisson rouge. Ils vont se souvenir des résultats calamiteux de Nicolas Sarkozy en matière de chômage, de pouvoir d'achat, d'insécurité et d'immigration. Le président sortant me fait penser à un cancre qui ne fait rien pendant toute l'année scolaire et qui, à quinze jours du conseil de classe, met tout en œuvre pour se faire bien voir par la maîtresse. Si le conseil de classe est indulgent et l'admet en classe supérieure, il recommence aussitôt à décevoir ses professeurs. Le conseil de classe de Nicolas Sarkozy, c'est l'élection présidentielle. Ça n'arrive qu'une fois tous les cinq ans. J'en appelle donc aux Français et je leur dis: ne soyez pas laxistes envers le président sortant et sanctionnez-le.
Êtes-vous favorable à sa proposition d'un référendum sur le contentieux des étrangers en situation irrégulière? Nicolas Sarkozy ne devrait même pas oser prononcer le mot de référendum. Il a violé de façon cynique le choix des Français, qui avaient voté non au référendum du 29 mai 2005 sur le Traité constitutionnel européen. Une de ses premières décisions a été de faire entériner par le Parlement réuni en Congrès le traité de Lisbonne, qui reprend la quasi-totalité des dispositions que le suffrage universel avait rejetées par référendum. Et l'immigration clandestine s'est aggravée sous son quinquennat. Par ailleurs, l'immigration légale a continué au rythme de 203. 000 entrées l'année dernière.
Aucune réforme de Nicolas Sarkozy ne trouve donc grâce à vos yeux, même pas, par exemple, le statut de l'autoentrepreneur? On parle beaucoup moins des privilèges exorbitants que Nicolas Sarkozy a accordés à la grande distribution. Les grandes surfaces ont désormais le droit de s'installer dans les centres-villes. C'est la mort annoncée du commerce de proximité. Et le consommateur n'y gagne même pas des prix moins élevés. Dans tous les domaines, le président sortant a affaibli les indépendants au bénéfice des grands groupes.
Jean-Luc Mélenchon ne vous a-t-il pas volé le rôle de contestataire numéro un? Jean-Luc Mélenchon participe du système qu'il prétend combattre. Son rôle est de jouer le populo du PS, chargé d'insulter en permanence la candidate du Front national. Il veut canaliser une révolte populaire pour la ramener dans le bercail de François Hollande. Bernard Tapie avait eu le même emploi de rabatteur il y a vingt ans pour le compte de François Mitterrand. Tout ça n'a rien de particulièrement révolutionnaire. Lorsque je vois Jean-Luc Mélenchon bras dessus bras dessous avec la patronne du Medef, Laurence Parisot, pour m'attaquer, je me dis que le candidat du Front de gauche ne doit pas être bien inquiétant pour le CAC 40. L'engouement des médias pour lui est un effet de mode. Les instituts de sondage sérieux m'attribuent au moins 16% des intentions de vote. Je serai donc devant Jean-Luc Mélenchon. Les sondeurs qui affirment qu'il va me devancer sont soit incompétents soit malhonnêtes.
Pourrez-vous continuer à renvoyer dos à dos Nicolas Sarkozy et François Hollande s'ils s'affrontent au second tour? Ces deux candidats se proposent de mener la même politique. Seul le style de leur campagne diffère. François ­Hollande sait qu'il avance dans des sables mouvants. Il ne bouge pas le petit doigt, de peur de s'enfoncer. Nicolas Sarkozy, lui, annonce vingt mesures par jour et va jusqu'à reprendre ses engagements non tenus de 2007. On a vu ce qu'il fallait en penser. Les deux candidats ne cherchent pas à attirer les électeurs par l'adhésion à leur programme, mais par le rejet de leur adversaire. François Hollande surfe sur l'antisarkozysme. Nicolas Sarkozy mise sur la peur de la gauche. Mais tous deux sont prêts à sacrifier le peuple français pour renflouer la zone euro. L'un comme l'autre préparent des plans d'austérité qui mèneraient directement la France à la situation de la Grèce. Le résultat serait le chômage de masse, la baisse spectaculaire du pouvoir d'achat des Français et le déclassement généralisé des classes moyennes. Je ne peux pas soutenir un candidat qui met en œuvre la politique inverse de celle que je préconise. Si le second tour oppose Nicolas Sarkozy et François Hollande, je ne donnerai pas de consigne de vote.
N'êtes-vous pas plus sévère envers le candidat UMP qu'à l'égard de son adversaire socialiste? C'est Nicolas Sarkozy qui est au pouvoir depuis cinq ans - et même près de dix ans puisqu'il faut inclure ses années au ministère de l'Intérieur - et non la ­gauche. Les socialistes, au moins, annoncent leur programme pendant la campagne et le mettent en œuvre s'ils gagnent les élections. Le candidat UMP, lui, dit l'inverse de ce qu'il fait après sa victoire. Cela dit, je combats le Parti socialiste de très longue date. J'ai dénoncé depuis des années la mafia que constituent certains élus PS du Nord-Pas-de-Calais. C'est grâce à moi, et à Steeve Briois, que le maire socialiste d'Hénin-Beaumont a été révoqué et incarcéré.
N'avez-vous pas intérêt à l'échec de Nicolas Sarkozy pour participer à une recomposition de la droite? Nicolas Sarkozy est seul responsable de ce qui va arriver. Il ne sera pas le prochain président de la République et va quitter la politique après avoir donné tous les pouvoirs à la gauche. Pour ma part, je ne m'allierai pas avec l'UMP aux élections législatives de juin. Mais je suis prête à accueillir tous ceux qui croient encore en la France, d'où qu'ils viennent, pourvu qu'ils soient conscients des méfaits de l'ultralibéralisme et opposés à l'immigration. Nous voulons regrouper tous ceux qui veulent redonner aux Français leur souveraineté, monétaire, territoriale, identitaire.
Votre père n'est-il pas un boulet dans votre campagne? A-t-il vraiment envie de vous voir obtenir un meilleur score que lui en 2002? Jean-Marie Le Pen me fait bénéficier de l'immense expérience qu'il a accumulée en cinquante ans de vie politique. C'est un homme libre qui n'a pas l'habitude de se plier devant les diktats de la pensée unique. Il n'a qu'un seul objectif: le redressement de la France, ce qui passe par ma victoire.
Regrettez-vous votre présence controversée au bal de la Hofburg à Vienne, à l'invitation de corporations étudiantes proches du FPO et accusées de compter des néonazis? Cette affaire est un pur scandale. Le moindre renseignement pris aurait permis de conclure que ces accusations, lancées par des groupes d'extrême gauche et des associations ultrasubventionnées, type SOS Racisme, relevaient de la calomnie. Le FPO est un parti qu'on dit populiste, patriote, opposé à l'immigration et eurosceptique. Il obtient 30% des voix en Autriche.
Vous revendiquez pour vous-même l'appellation de «populiste»: pourquoi? Ce terme est utilisé par les élites pour exprimer tout leur mépris du peuple, de ses inquiétudes et de ses aspirations. En France, le peuple subit les décisions de ses dirigeants. Il est le grand oublié des trente dernières années. Or la démocratie, c'est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Si c'est ça, être populiste, je suis populiste.
N'est-ce pas une posture facile et confortable? Être la seule candidate opposée au système n'est ni facile ni confortable. J'ai l'impression de vivre un film catastrophe où j'interpréterais le rôle de celui qui dit aux puissants: «Attention, il faut prendre des mesures drastiques immédiatement, ou bien nous allons au désastre!» Mais les puissants veulent continuer à faire du business et la catastrophe arrive… Dans ce genre de film, une fois le désastre consommé, on vient chercher celui qui avait tiré la sonnette d'alarme en vain. Mais moi, je ne me résigne pas au désastre: je veux l'éviter. La crise n'est pas derrière nous mais devant nous. Je défends une révolution démocratique, patriotique et pacifique. La politique que mènerait ­Hollande ou Sarkozy risque de conduire à une révolution à la Mélenchon, qui ne serait ni démocratique, ni patriotique, ni pacifique.