Un think tank libéral pointe des zones d'ombre dans le chiffrage du projet Sarkozy
Le Monde.fr | 05.04.2012 à 13h38 • Mis à jour le 05.04.2012 à 14h30
Le programme économique de Nicolas Sarkozy comporte une série de zones d'ombres. C'est ce que relève jeudi 5 avril la cellule de chiffrage de l'Institut de l'entreprise, think tank libéral, fondé en 1975 et financé par de grandes sociétés françaises, à quelques heures de la présentation officielle du projet du candidat de l'UMP devant la presse.
Voir le programme économique de M. Sarkozy dans notre comparateur http://programmes.lemonde.fr/
Voir aussi notre analyse : Dépenses : les candidats entretiennent le flou http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/04/05/depenses-les-candidats-entretiennent-le-flou_1681075_1471069.html
Sur le cadrage budgétaire général du projet du candidat de l'UMP, le cercle de réflexion proche du patronat - dont le chiffrage des programmes de la présidentielle n'est généralement pas contesté - estime que 3,4 milliards d'euros restent "inexpliqués à ce stade" dans le volet recettes.
La cellule de chiffrage juge aussi que l'hypothèse de croissance des dépenses publiques retenue par le président-candidat (0,4 % par an sur la période 2013 à 2016) est "peu réaliste".
Elle estime par ailleurs que la hausse des impôts serait de 46 milliards d'euros d'ici à 2016, alors que Nicolas Sarkozy parle de 40 milliards. L'Institut de l'entreprise valide ainsi à peu de choses près l'évaluation de la Fondation Terra Nova, proche du PS, qui évoque 47 milliards de "hausse réelle" des prélèvements.
Lire : Selon Terra Nova, Sarkozy prépare "le plus important plan de rigueur depuis 1945" http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/04/04/selon-terra-nova-sarkozy-prepare-le-plus-important-plan-de-rigueur-depuis-1945_1680382_1471069.html
12 MILLIARDS DE DÉPENSES "NI VOTÉS NI DOCUMENTÉS"
Toutefois, là où Terra Nova parle de "25 milliards d'euros de hausses d'impôts cachées, non assumées et non explicitées", l'Institut de l'entreprise n'évoque donc que 3,4 milliards même si selon lui, 12 milliards de mesures nouvelles annoncées officiellement ne sont pour l'heure "ni votés ni documentés".
Quand on lui demande de préciser le financement de ses mesures, Nicolas Sarkozy a toujours renvoyé au calendrier de réduction des déficits adressé par la France à Bruxelles. Il prévoit un retour à l'équilibre budgétaire en 2016 par un effort de 115 milliards d'euros réparti en 75 milliards de dépenses en moins et 40 milliards de recettes en plus, dont 32 milliards déjà votés selon lui, via les plans de rigueur de 2011.
Il resterait donc 8 milliards d'euros à trouver pour assurer les 40 milliards, selon le candidat de l'UMP. Un chiffrage que conteste le socialiste Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Pour lui, la hausse de la fiscalité représentera non pas 8 mais 25 milliards d'euros sur cinq ans. C'est pour cette raison que ce dernier, chargé de la fiscalité dans l'équipe de campagne de François Hollande, dénonce "les impôts cachés de Nicolas Sarkozy".
"INTERROGATIONS SUR LE VOLET 'ÉCONOMIES BUDGÉTAIRES'"
Appelant le candidat de l'UMP à "préciser ses intentions" sur ces points, l'Institut estime cependant que "les véritables interrogations résident davantage sur le volet 'économies budgétaires' de son programme".
Sur la croissance des dépenses publiques, la cellule de chiffrage rappelle que Nicolas Sarkozy a évoqué à plusieurs reprises sa volonté de mettre davantage à contribution les collectivités territoriales.
Lire : Les régions dans le collimateur de Nicolas Sarkozy http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/04/02/les-regions-dans-le-collimateur-de-nicolas-sarkozy_1678927_1471069.html
Mais l'objectif d'une extension du non-renouvellement de un fonctionnaire sur deux partant à la retraite à ces collectivités "risque de se heurter aux moyens de contraintes dont dispose" l'Etat à leur égard, relève-t-elle.
D'une manière générale, la cellule estime que dans la fonction publique d'Etat, "la poursuite de la politique du 'un sur deux' sera extrêmement difficile" car aller au-delà d'une réduction des effectifs de 10 % reviendrait à "revoir des missions" et "dépasserait la simple rationalisation". De plus, estime-t-elle, les économies ainsi réalisées pourraient "à peine compenser la hausse inertielle des dépenses de personnel de l'Etat".
Alexandre Lemarié (avec AFP)