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L'Algérie ne célèbre pas les accords d'Evian
Mis à jour le 16/03/2012 à 20:19 | publié le 16/03/2012 à 16:14
Légende: 18 mars 1962: jour historique pour le chef de la délégation algérienne Krim Belkacem (à gauche), emmené à Evian par un hélicoptère de l'armée suisse.
Le pouvoir n'a pas cherché, cette fois, à instrumentaliser le débat sur la guerre d'indépendance.«Célébration du 50e anniversaire de l'indépendance: rien du côté algérien». Ce titre vient de barrer la une d
'el-Watan, quotidien francophone de l'élite algérienne. Le seul journal à avoir consacré des articles à cet événement a, en revanche, vite été suivi dans la dénonciation du «parti pris» dont on accuse les Français de ce côté de la Méditerranée. La polémique a enflé tout au long de la semaine, au rythme des films diffusés sur les chaînes de télévisions françaises à l'occasion des accords d'Évian du 18 mars 1962. Les critiques ont fini par atteindre un pouvoir incapable de mener «la guerre des mémoires».
Entre Alger et Paris, ce conflit mémoriel, périodiquement, reprend de la vigueur. Après la disparition du traité d'amitié lancé en 2003 par les présidents Chirac et Bouteflika, «le rôle positif de la présence française outre-mer», discuté au Palais-Bourbon en 2005, a provoqué l'ire de l'Algérie. Cet article sera finalement retiré. Comme est demeurée à ce jour dans un tiroir gouvernemental algérien la proposition de loi sur la «criminalisation du colonialisme» déposée en 2009. Mais il y a toujours des lobbies politiques, de part et d'autre, pour chercher les escarmouches.
Un armistice semblait pourtant avoir été trouvé lors de la visite du ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, à Alger en juin 2011, où il avait rencontré le président Abdelaziz Bouteflika. On s'était alors entendu pour «calmer le jeu» à la veille d'échéances électorales importantes: la présidentielle française et les législatives algériennes du 14 mai prochain.
Certes l'Algérie n'a pas l'habitude de célébrer les accords d'Evian, mais l'indépendance qui en a découlé, aux premiers jours de juillet 1962. Pour autant, aucun programme de réjouissances n'a été annoncé, le gouvernement algérien demeurant muet dans ce débat historique qu'il aimait naguère instruire en vitupérant contre l'ancienne puissance coloniale. En fait, comme le souligne Omar Belhouchet, le directeur d'el-Watan, «les autorités algériennes sont sur la défensive et cherchent l'entente avec la France; et puis cette ficelle anticoloniale ne paye plus».
Ciseaux de la censureTétanisé depuis le déclenchement du printemps arabe qui l'a jusqu'à présent épargné, le pouvoir algérien achète la paix sociale grâce à sa rente pétrolière. Il a parallèlement relancé une série de projets économiques avec ses partenaires étrangers, au premier rang desquels figure la France. La raison inavouée du mutisme des autorités algériennes est que la célébration du cinquantenaire de l'indépendance pourrait conduire à souligner son incurie tout au long de cette même période.
Pour se prémunir contre tout dérapage, le pouvoir algérien a ainsi fait passer le 17 février 2011 une loi qui «soumet au préalable à l'approbation du gouvernement» tout film traitant de « la guerre de libération nationale». Les ciseaux de la censure ont été donnés au ministère des Moudjahidin. Celui-ci veille sur une histoire officielle d'où sont exclus nombre de ceux qui s'étaient battus sur le sol algérien, à commencer par le signataire des accords d'Evian.