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Les effets du paracétamol enfin élucidés
Publié le 13/03/2012
En France, où il est commercialisé depuis 1957, le paracétamol est le médicament le plus vendu, loin désormais devant l'aspirine.
Le mode d'action de ce célèbre antidouleur, utilisé depuis plus de cinquante ans en France, vient seulement d'être décrypté par des chercheurs anglais et suédois.
Comment le paracétamol soulage-t-il la douleur? Plus de cinquante ans après sa mise sur le marché, un premier élément de réponse vient d'être apporté par des chercheurs britanniques et suédois dans la revue Nature Communications. Mieux, les scientifiques du King's College à Londres et de l'université de Lund (Suède) ont probablement identifié un récepteur majeur de la substance situé sur les fibres nerveuses de la douleur. «Ces résultats sont cohérents avec tout ce que nous savions déjà sur le mode d'action du paracétamol», souligne Claude Dubray, spécialiste du sujet au Centre d'investigation clinique de l'Inserm à Clermont-Ferrand.
Le médicament le plus populaire de FranceContrairement à l'aspirine, son grand concurrent extrait de l'écorce de saule et de peuplier, le paracétamol est un pur produit de l'industrie chimique allemande de la fin du XIXe siècle. Ses vertus antalgiques et antipyrétiques (contre la fièvre) sont démontrées par le chimiste allemand Karl Mörner dès 1889 mais, soupçonné de graves effets indésirables, il sombre rapidement dans l'oubli. Il faut attendre 1948 pour que des chimistes américains, Bernard Brodie et Julius Axelrod, le redécouvrent et l'innocentent. Dès lors, le paracétamol va connaître un vif succès. En France, où il est commercialisé depuis 1957, il est le médicament le plus vendu, loin désormais devant l'aspirine. Pourtant, jusqu'à aujourd'hui, personne n'était parvenu à identifier le mécanisme à l'origine de ses propriétés antalgiques.
Un faisceau d'expériences a néanmoins convaincu les auteurs de l'étude que la protéine TRPA1, activée par différents signaux douloureux tels que la chaleur, la pression ou certaines substances chimiques, pouvait être une bonne cible pour le paracétamol. Ils ont d'abord constaté que la sensibilité à la chaleur d'une plaque chauffante pouvait être réduite chez la souris par l'injection de paracétamol mais que ce produit restait sans effet chez des animaux génétiquement dépourvus de TRPA1.
Puis ils ont trouvé que ce n'était pas le paracétamol mais un produit issu de sa transformation dans l'organisme qui était capable de se lier et d'activer le récepteur TRPA1 chez la souris comme chez l'homme. Enfin, ils ont constaté que le phénomène se produit uniquement dans la moelle épinière, là où aboutissent les fibres nerveuses de la sensibilité, ce qui concordait avec le fait connu, depuis longtemps, que l'antalgique reste sans effet lorsqu'il est injecté localement. La localisation particulière de son action permettait également d'expliquer comment le paracétamol peut avoir un effet antalgique en activant un récepteur impliqué dans la sensibilité à la douleur. «La piste menant aux cibles probablement multiples du paracétamol s'est éclaircie lorsque l'on a compris qu'il agit de manière indirecte via des produits dérivés de son métabolisme et que ceux-ci n'apparaissent que dans certains organes dont le cerveau et la moelle épinière», précise Claude Dubray.
Développer de nouveaux antalgiquesS'il se confirme que la protéine TRPA1 est le principal responsable des effets du paracétamol, y compris chez l'homme, de nouveaux antalgiques ciblant ce récepteur pourraient voir le jour. Le tout sans les effets toxiques du paracétamol sur le foie. En effet, ce dernier est inoffensif s'il est pris à raison de moins d'un gramme toutes les six heures mais des accidents (hépatites aiguës) peuvent se produire si cette dose est dépassée, notamment chez les personnes ayant consommé de l'alcool.
Les auteurs de l'étude ont déjà commencé à explorer cette piste, partant du constat que des substances issues du cannabis pouvaient aussi calmer la douleur. Ils ont même montré dans leur travail que l'un de ces produits, qui n'agit pas sur les récepteurs typiques de la drogue dans le cerveau, pouvait activer directement le TRPA1. Son injection dans la moelle épinière de la souris a, comme le paracétamol, réduit la sensibilité des animaux à la brûlure. Au Canada, le cannabis est déjà utilisé pour traiter certaines douleurs.