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Les blindés d'Assad à l'assaut de Homs
Publié le 28/02/2012 à 21:47
Sur les quatre journalistes pris au piège des combats, seul le Britannique Paul Conroy a gagné le Liban.
Pris au piège des combats avec ses compagnons depuis plus d'une semaine, le photographe britannique Paul Conroy a réussi à quitter Homs encerclée et pilonnée par l'armée syrienne, pour arriver mardi matin à Beyrouth.
Utilisant les périlleuses voies clandestines par lesquelles la poignée de reporters étaient entrés dans la ville, le photographe du Sunday Times a pu passer la frontière libanaise sain et sauf. Il a été pris en charge par l'ambassade de Grande-Bretagne à Beyrouth. Mais l'incertitude demeurait mardi soir quant au sort de ses trois compagnons: notre collaboratrice Édith Bouvier et son photographe William Daniels, ainsi que le journaliste espagnol d'El Mundo, Javier Espinosa.
Paul Conroy, 47 ans, avait été blessé dans le bombardement qui avait tué le 22 février dernier Marie Colvin, journaliste américaine au Sunday Times, et le photoreporter français Rémi Ochlik. Édith Bouvier avait elle aussi été blessée dans les mêmes circonstances.
La nouvelle de l'arrivée de Paul Conroy à Beyrouth a été suivie, tout au long de la journée de mardi, par un flot d'informations contradictoires, relayées et amplifiées par les médias et les réseaux sociaux. La sortie du photographe britannique a laissé espérer que les autres journalistes aient pu employer la même voie. Dans l'après-midi, diverses sources, notamment libanaises, ont ainsi annoncé qu'Édith Bouvier et ses compagnons avaient réussi à gagner eux aussi le Liban. Reprises jusqu'au plus haut niveau de l'État en France, ces informations restaient mardi soir non confirmées sur le terrain. Outre l'état de santé d'Édith, blessée à la jambe, la sortie de la ville encerclée, pilonnée par l'artillerie syrienne et soumise aux tirs des snipers, est aussi risquée que difficile.
Plusieurs tentatives d'évacuer les blessés, menées conjointement par la Croix-Rouge internationale et le Croissant-Rouge syrien, ont été faites ces derniers jours. Elles ont jusqu'ici échoué, même si des ambulances sont arrivées à deux reprises, selon les sources médicales, à proximité du quartier de Baba Amr. La méfiance des insurgés à l'égard d'une opération montée depuis Damas avec le feu vert des autorités syriennes pourrait expliquer en partie l'échec de ces tentatives. Le siège de la ville ne facilite pas, en tout cas, l'extraction des reporters, ni celle des nombreux blessés syriens qui se trouvent aussi dans Homs. Selon les opposants syriens, Paul Conroy et le groupe de volontaires syriens qui a organisé son exfiltration auraient été pris sous de violents tirs d'artillerie alors qu'ils quittaient Homs. Trois des insurgés auraient été tués par ces bombardements.
Depuis Baba Amr, dernier bastion du soulèvement à Homs, et où se trouveraient encore les journalistes pris au piège, assiégé par les forces gouvernementales syriennes, privé d'électricité et de moyens de communication, les seules informations qui parviennent encore au monde extérieur sont des bribes décousues, distillées via Twitter ou Skype, avec quelques ordinateurs alimentés par des groupes électrogènes.
L'armée de Maher en marcheAussi fragmentaires et invérifiables soient-elles, ces informations vont toutes dans le même sens: l'armée syrienne a resserré son étau autour du quartier et continue de pilonner sans relâche les rues et les maisons, où plusieurs milliers d'habitants se trouvent encore. Ce dispositif aurait été renforcé au cours des dernières 24 heures. Selon des membres de l'opposition syrienne dans la ville, des blindés appartenant à la 4e division de l'armée syrienne se seraient déployés depuis la nuit dernière dans les rues autour de Baba Amr. Ces blindés étaient, selon ces témoins, marqués de l'inscription «Les monstres de la 4e division», ce qui en dit long sur leur mission. Cette unité, garde prétorienne du régime, commandée par le propre frère du président syrien, Maher el-Assad, est depuis plusieurs mois le fer de lance de la répression lancée par les autorités syriennes contre le soulèvement syrien.
Si l'opération met en œuvre des moyens militaires, avec chars et artillerie lourde, le vocabulaire utilisé est trompeur. Les termes d'encerclement, de siège et d'assaut évoquent des combats, alors que l'opération de l'armée syrienne contre Homs ressemble plus à une action punitive, destinée à faire un exemple sanglant de la ville rebelle. Les pertes civiles, dont le bilan reste impossible à déterminer, ne sont à cet égard pas une conséquence d'une opération militaire, mais bel et bien le but recherché. L'ONU a reconnu mardi que le nombre des victimes de la répression syrienne était certainement beaucoup plus élevé que les 7 500 morts officiellement admis, selon Lynn Pascoe, secrétaire général adjoint de l'ONU pour les Affaires politiques.
Frapper d'horreur les autres villes soulevées afin de les décourager avait été la technique utilisée voici trente ans par le père et l'oncle de l'actuel président syrien contre Hama lors d'un soulèvement des Frères musulmans.