LE MONDE | 16.04.2014 à 12h34 • Mis à jour le 16.04.2014 à 12h43
Editorial du Monde. Jean-Christophe Cambadélis a hérité, mardi 15 avril, d’un poste que Pôle emploi n’aurait pas osé lui proposer s’il avait été mis sur le marché : un CDD de dix-huit mois de premier secrétaire du Parti socialiste, jusqu’au congrès d’octobre 2015. Autrement dit, une mission de sauvetage d’un parti en détresse, qu’Henri Emmanuelli qualifiait récemment de « parc à moutons » en « coma dépassé ».
Au lendemain d’un désastre électoral qui, avec la perte de quelque 160 villes de plus de 10 000 habitants, a sapé le socialisme municipal, le diagnostic impitoyable de Michel Rocard, en 1994, s’impose de nouveau. L’ancien premier ministre décrivait, alors, le PS comme « un champ de ruines », « pratiquement vidé de toute idée, de toute force, de toute influence ».
Si les socialistes ont (encore) tous les pouvoirs – Elysée, Matignon, Assemblée nationale, Sénat, régions, majorité des départements –, leur parti n’existe plus. Il est devenu un astre mort. Les premiers symptômes du mal ne sont pas apparus avec l’élection de François Hollande. Ils remontent loin.
En 1995, Lionel Jospin, redevenu premier secrétaire, avait favorisé un certain renouveau idéologique, sans toutefois faire le ménage nécessaire dans les baronnies locales d’un appareil de plus en plus sclérosé. Son successeur, François Hollande, a exercé une réelle influence sur la ligne du gouvernement pendant la cohabitation de 1997 à 2002. Mais il n’a pas rénové le PS. Et depuis le choc du 21 avril 2002 et l’élimination de son candidat au premier tour de la présidentielle, ce parti dérive sans boussole, sans autre stratégie que la reconquête du pouvoir, sans renouvellement de sa doctrine.
Jusqu’au séisme municipal de 2014, le PS s’est replié sur son seul rôle de machine électorale. Pour la présidentielle de 2012, il a inventé, avec succès, la procédure démocratique de la primaire. Mais, aujourd’hui, sa machine tourne à vide. Depuis 2002, en dehors de vagues considérations sur « un nouveau modèle de civilisation », il n’a rien produit. Il s’est montré incapable de formuler des idées neuves, soit pour aider l’action gouvernementale, soit pour défricher l’avenir, soit pour redéfinir ce qu’est le socialisme en 2014. Depuis douze ans – et le phénomène s’est aggravé avec la calamiteuse gouvernance d’Harlem Désir –, il est en panne de pensée.
La crise existentielle du PS est si profonde qu’on finit par se demander à quoi il sert. Penseur et stratège, formé à la double école du trotskisme et du jospinisme, M. Cambadélis a la stature pour empêcher « le bateau ivre » de couler. « L’enjeu pour le Parti socialiste, a-t-il déclaré, c’est la glissade ou le renouveau, la dispersion ou le sursaut. » Il lui faudra beaucoup d’énergie pour remettre à flot un parti dont les militants sont désemparés au point de se détourner de leur président.
M. Cambadélis a l’ambition de « reformuler idéologiquement le socialisme pour qu’il soit à nouveau une doctrine vivante, capable de transformer le monde et pas seulement de le gérer ». A cette condition seulement, le nouveau « patron » du PS pourra être davantage qu’un intérimaire ou un syndic de faillite.