Le Monde.fr | 28.03.2014 à 22h24 • Mis à jour le 29.03.2014 à 11h08 | Par Corine Lesnes (Riyad, Envoyée spéciale)
Vladimir Poutine et Barack Obama, en septembre 2013.
Après des semaines d'escalade, Vladimir Poutine a appelé Barack Obama, vendredi 28 mars, « pour discuter au sujet de la proposition américaine d'une résolution diplomatique de la crise en Ukraine », a annoncé un communiqué de la Maison Blanche diffusé à Riyad, où le président des Etats-Unis achève sa tournée en Europe et en Arabie saoudite.
Il a reçu l'appel du président russe à son retour à l'hôtel après un entretien de deux heures avec le roi Abdallah d'Arabie saoudite. Selon la Maison Blanche, la proposition américaine a été présentée par John Kerry, le secrétaire d'Etat des Etats-Unis, à son homologue russe, Sergueï Lavrov, lors de leur réunion lundi à La Haye en marge du sommet sur la sécurité nucléaire.
Cette proposition de sortie de crise est contenue dans un document sur lequel travaillent encore les deux ministres des affaires étrangères. Selon un haut responsable américain, elle inclut les éléments qui ont été avancés par M. Obama comme une « voie de dégagement » possible :
le retrait des forces russes dans leurs bases,
l'envoi d'inspecteurs internationaux pour surveiller si les droits des minorités sont respectés,
un dialogue direct avec Kiev –facilité par la communauté internationale,
la prise en compte des élections présidentielles en Ukraine
Selon le département d'Etat, cette proposition a été élaborée en concertation avec les partenaires du G7 et l'Ukraine. Barack Obama a suggéré à Vladimir Poutine de porter sa réponse par écrit. Les deux présidents se sont mis d'accord vendredi soir pour renvoyer la discussion sur les prochaines étapes à leurs ministres des affaires étrangères respectifs.
Ukraine: Poutine félicite les troupes russes en Crimée
Le président russe Vladimir Poutine a souligné vendredi 28 mars que le rôle joué par les soldats russes en Crimée avait montré les "nouvelles capacités" de l'armée, dont il s'est employé à rétablir la puissance.
Le ministre des affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a estimé samedi que les points de vue de la Russie et des Occidentaux sur la crise ukrainienne « se rapprochent. Ma dernière rencontre avec le secrétaire d'Etat américain John Kerry à La Haye et mes contacts avec l'Allemagne, la France et d'autres pays montrent que s'esquisse la possibilité d'une initiative commune qui pourrait être proposée à l'Ukraine », a-t-il déclaré sur la chaîne russe Vesti.
Sergueï Lavrov a suggéré une « fédéralisation » de l'ex-république soviétique. « Ce n'est pas un mot tabou. Je suis convaincu que nous devons insister là-dessus non pas parce que nous en avons tellement envie mais parce que c'est une exigence des régions du Sud et de l'Est ». Plusieurs pays occidentaux dont la France ont évoqué ces derniers temps la possibilité d'une « décentralisation » afin d'apaiser les tensions séparatistes dans certaines régions russophones de l'Est ukrainien.
UNE SOLUTION DIPLOMATIQUE « TOUJOURS POSSIBLE »
M. Obama a fait valoir que le gouvernement ukrainien continue d'adopter une approche de « retenue » et de « désescalade », et qu'il avance dans la direction de réformes constitutionnelles et d'élections démocratiques. Il a appelé la Russie à soutenir ce processus et à « éviter de nouvelles provocations », comme celle de masser des troupes à la frontière russo-ukrainienne.
Toujours selon le communiqué, M. Obama a répété qu'une solution diplomatique était toujours possible, mais à condition que la Russie retire ses troupes et ne prenne pas d'initiative supplémentaire susceptible « de violer davantage l'intégrité territoriale et la souveraineté de l'Ukraine ».
Au même moment, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a déclaré qu'il avait reçu des assurances de Vladimir Poutine sur le fait qu'il n'avait « aucune intention » d'envahir le sud ou l'est de l'Ukraine. « Nous n'avons aucune intention ni intérêt à traverser la frontière de l'Ukraine », a martelé samedi le ministre des affaires étrangères russe, alors que selon Kiev la Russie a amassé près de 100 000 soldats près de sa frontière orientale.
INQUIÉTUDE RUSSE AUTOUR DE LA TRANSDNIESTRIE
Lors de cet entretien téléphonique, le président russe a pour sa part « proposé d'étudier les mesures que peut prendre la communauté internationale pour coopérer en vue d'une stabilisation de la situation. » Selon le Kremlin, Vladimir Poutine s'est inquiété auprès de son homologue américain du « déferlement d'extrémistes, qui accomplissent en toute impunité des actes d'intimidation contre des habitants pacifiques, les structures du pouvoir et les forces de l'ordre dans plusieurs régions et à Kiev ».
Il a également évoqué la situation de la Transdniestrie, région russophone de Moldavie, une ex-république soviétique entre l'Ukraine et la Roumanie en cours de rapprochement avec l'Union européenne. Les troupes russes qui y stationnent ont effectué récemment des exercices militaires et le président moldave Nicolae Timofti s'est inquiété d'une répétition du scénario qui a permis en trois semaines le rattachement de la Crimée à la Russie.
Vladimir Poutine a « attiré l'attention sur l'état de siège de facto dans lequel se trouve la Transdniestrie, ce qui conduit à une dégradation des conditions de vie des habitants de la région, porte atteinte à leur circulation et à une activité économique et commerciale normale ». Il a appelé à des négociations suivant le format « 5+2 »: Moldavie, Transdniestrie, OSCE, Russie, Ukraine ainsi, qu'au titre d'observateurs, de l'UE et des Etats-Unis.