Le Monde.fr | 28.02.2014 à 10h48 • Mis à jour le 28.02.2014 à 11h08 | Par Matthieu Goar
Sans prononcer lui-même les mots "droit d'inventaire", Jean-François Copé demande que ce débat ne se "transforme" pas "en procès personnel contre Nicolas Sarkozy".
Au cœur du système décrit par le quotidien Le Point figurent les meetings du candidat Nicolas Sarkozy. La masse d'argent en jeu est conséquente. Pendant la présidentielle, le président sortant a été le candidat qui a le plus consacré de son budget à ses réunions publiques, dont certaines se sont transformées en shows « à l'américaine », comme les aimait le candidat UMP.
Selon une publication au Journal officiel, M. Sarkozy a dépensé 13 millions d'euros lors de ces événements contre 9,4 millions d'euros pour M. Hollande, soit plus de la moitié des dépenses autorisées pour sa campagne (22,509 millions d'euros pour un candidat présent au second tour). « C'était une volonté délibérée du candidat qui avait décidé d'y consacrer des moyens pour animer une campagne où il faut en permanence alimenter les médias, notamment les chaînes d'infos », se souvient Philippe Briand, trésorier de cette campagne.
Event & Cie, la filiale de Bygmalion spécialisée dans l'événementiel et fondée par les proches de Jean-François Copé, Bastien Millot et Guy Alves, a été un des prestataires de services les plus importants de cette stratégie politique. Le Monde a consulté les factures des prestations d'Event & cie (en intégralité ci-dessous) consacrées aux réunions publiques
Event & Cie, la filiale de Bygmalion spécialisée dans l'événementiel et fondée par les proches de Jean-François Copé Bastien Millot et Guy Alves, a été l'un des prestataires de services les plus importants de cette stratégie politique. Le Monde a consulté les factures des prestations d'Event & Cie consacrées aux réunions publiques pendant la présidentielle et qui se trouvent parmi les 21 tomes des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy, entreposés comme pour tous les autres candidats, dans les locaux de la Commission nationale des comptes de campagne et du financement politique (CNCCFP).
Voir les factures détaillées :
document_fusionne.pdf by LeMondefr
http://splashurl.com/mefptgj
« NOUS AVONS ÉTÉ TRÈS CONTENT DU TRAVAIL »
Entre le meeting du 23 février 2012 à Lille et celui du 4 mai 2012 aux Sables-d'Olonne, 38 factures ont été payées à la société par l'équipe de M. Sarkozy, pour un total de 3.479.371millions d'euros, soit un peu plus d'un quart de ce poste de dépense. Les plus grosses factures sont celles du meeting de La Réunion (200.004 euros, le 4 avril) et de Toulouse (183.214 euros, le 29 avril). La moins onéreuse est celle d'Ormes (Loiret) avec 67.481 euros dépensés, le 26 mars. La plupart des prestations sont comprises entre 70.000 et 100.000 euros. La société n'a en revanche pas assuré l'organisation des grands événements de fin de campagne, comme le meeting place de la Concorde à Paris, qui a coûté plus d'un million d'euros.
Lors de ces meetings, Event & Cie s'occupait en règle générale du son, des lumières, de la réalisation et de la diffusion des images télés, parfois du traiteur, mais pas de la location des salles. « Nous avons été très content du travail. Il n'y a eu aucun pépin pendant toute la campagne », se souvient M. Briand. De son côté, interrogé par Europe 1, Bastien Millot, a défendu sa filiale, jeudi : « C'est une vraie entreprise, avec des salariés, et cet article du Point est une attaque injuste pour ceux qui y travaillent! »
LE SOMMET DE L'ICEBERG ?
Utiliser des prestataires est tout à fait légal et la plupart des partis y ont recours pour organiser leurs grand-messes. Contactés par Le Monde, les organisateurs des campagnes d'autres partis trouvent certains postes de dépenses « disproportionnés » comme les 26.359 euros pour l'éclairage à la Mutualité à Paris ou les 3.048 euros de connexion Internet à Saint-Brice-sous-Forêt. Mais impossible de conclure à une surfacturation sans savoir le travail exact qui a été effectué. Les meetings de Nicolas Sarkozy étaient aussi plus ambitieux que ceux d'autres candidats. « S'il y avait eu surfacturation, cela aurait été pour redistribuer ensuite. Vous voyez Jean-François Copé prendre des dessous de table et ruiner un parti qu'il doit récupérer ensuite ? Allons... », estime M. Briand. Et le recours à des amis pour travailler ? « Dans ces moments stratégiques, on ne demande pas au gars du coin. On se fie à des proches en qui on confiance. »
Les partis, en tant que personne privée, ne sont en effet pas soumis à des appels d'offre. Mais le total de 3 47 9371,03 millions ne pourrait n'être que le sommet de l'iceberg car Le Point estime que la filiale a empoché 8 millions d'euros pendant la campagne. Une partie des dépenses des meetings incombe au parti qui n'a pas à déposer ses comptes devant la commission nationale des comptes de campagne et Event & cie a pu facturer d'autres prestations.
Dominique Dord, trésorier de l'UMP jusqu'à fin 2012, restait injoignable vendredi matin. Interrogé par l'Express début février, il semblait en tout cas s'alarmer des dépenses : « On peut imaginer que tout cela ait été facturé allègrement. J'avais alerté Nicolas Sarkozy: tu es sûr que tu ne laisses pas les copains de Jean-François [Copé] se gaver? Il m'avait répondu: non ! Les surfacturations ? C'est improuvable ! Combien vaut un meeting que l'organise dans des conditions d'urgence absolue ? Combien vaut le savoir-faire ? Certaines prestations sont très difficiles à évaluer. »